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RECOURS devant la CEDH

LA CEDH ET LA NOTION D'ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES :

MODE D'EMPLOI et le Principe


 

L'article 35 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme stipule que : « La Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes ».


Cela signifie qu'on ne peut poursuivre un État devant le Cour européenne que si on lui a laissé la possibilité de remédier à la violation invoquée au niveau national.


L'épuisement des voies de recours comporte deux aspects :


- l'épuisement des griefs : c'est à dire que le requérant doit avoir invoqué « en substance » devant les juridictions nationales le grief qu'il fait valoir devant la CEDH (Guzzardi c/ Italie, 10 mars 1977, D. et R., p. 185, paras 70 s.).

Le fait de ne pas avoir expressément invoqué la CEDH devant le juge national n'est pas forcément rédhibitoire si le grief invoqué devant le juge national est équivalent au grief tiré de la Convention.


- l'épuisement des instances : l'épuisement des voies de recours doit être démontré par le requérant; quant à l’État défendeur qui invoquerait le non épuisement des voies de recours, il devra prouver l'existence au niveau interne d'un recours effectif qui n'aurait pas été exercé.


L'assouplissement du principe


La règle de l'épuisement des voies de recours interne « ne s’accommode pas d'une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu » (Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69)


La Cour impose uniquement au requérant d'avoir fait un usage normal des recours utiles.


Les recours utiles sont ceux « à la fois relatifs aux violations alléguées, accessibles et adéquats » (Van Oosterwijck c/ Belgique, 6 novembre 1980, para. 27).


Le recours utile est également un recours effectif (Radio France et autres c/ France, 23 septembre 2003, para. 34 ; Gnahoré c/ France, 19 septembre 2000, para. 48).


Les recours doivent exister « à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie » (Vernillo c/ France, 20 février 1991, para. 27).


Ainsi :

- Le requérant est dispensé d'exercer un recours interne aléatoire en cas de jurisprudence bien établie ou d'absence de jurisprudence favorable. Ainsi il a été jugé que l'absence de pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation ne faisait pas obstacle à un recours devant la CEDH dans ce cas (Gautrin et autres c/ France, 20 mai 1998, paras 49 s. ; Radio France et autres c/ France, 23 septembre 2003, para. 34, Maurice c/ France, 6 juillet 2004, p.18);


- Le requérant est dispensé d'exercer un recours interne inefficace ou inadéquat qui ne redresserait pas les griefs allégués. (ex. Recours non suspensif contre une mesure d'éloignement d'un étranger lorsque le requérant invoque la violation de l'article 3 – Sultani c/ France, 20 septembre 2007, para. 50 ; recours qui ne vise que la réparation et non pas la libération en matière de détention provisoire – Tomasi c/ France, 27 août 1992, para. 79);


- En revanche, le requérant n'est pas dispensé d'un recours en responsabilité pour fonctionnement défectueux du service de la Justice ou en responsabilité de l’État devant la juridiction administrative en matière de dépassement du délai raisonnable (Giummarra et autres c/ France, 12 juin 2001, p. 8 s. ; Mifsud c/ France, 11 septembre 2002, Grande Chambre, para. 15 s. ; Broca et Tixier-Micault c/ France, 21 octobre 2003, para. 18 s.);


- Enfin, la Cour apprécie de façon réaliste l'utilité des recours et pourra estimer en fonction du contexte juridique et politique que des circonstances particulières justifie de ne pas épuiser les voies de recours (Ex. la passivité des autorités face à des allégations sérieuses de violation de la Convention dispensera d'épuiser les voies de recours : Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69, la lenteur excessive d'une enquête : Selmouni c/ France, 28 juillet 1999, para. 74 s. ; Egmez c/ Chypre, 21 décembre 2001, para 64 s.).


On terminera en précisant que la règle de l'épuisement des voies de recours ne s'applique pas si le requérant invoque non pas un cas individuel de violation, mais l'incompatibilité d'une mesure législative ou d'une pratique administrative avec la Convention qui rend toute procédure vaine ou in-effective (Danemark c/ Turquie, 8 juin 1999 ; Thiermann et autres c/ Norvège, 13 juillet 2007, Akdivar c/ Turquie, 16 septembre 1996, para. 69).