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fondation 2012 petite

Ingénieurs en Agriculture Biologique

 

PROJET D’ INGÉNIEUR EN

AGRICULTURE BIOLOGIQUE :

ENJEUX ÉCONOMIQUES ET

ÉTHIQUES

 

Année 2006-2007

 

Spécialité Economie Rurale et Politiques Publiques

Encadré par M. Dominique Vermersch

2

SOMMAIRE

Introduction

A. ETAT DES LIEUX INSTANTANNE DE L’AGRICULTURE

BIOLOGIQUE

p.5

I. Histoire de l’Agriculture Biologique

1. Les courants de pensée fondateurs de l’Agriculture Biologique

2. L’émergence de l’Agriculture Biologique en France et en Europe

3. Définition de l’Agriculture Biologique

II L’Agriculture Biologique en Europe : un mouvement hétérogène

1. Quelques éléments sur l’Agriculture Biologique dans le monde

2. L’Agriculture Biologique en Europe (chiffres de 2003)

III. L’Agriculture Biologique en France

1. La production biologique en France

2. La consommation de produits biologiques en France

3. Transformation et Commercialisation

4. Les soutiens à l’Agriculture Biologique en France

IV. Problèmes et enjeux de l’Agriculture Biologique

1. Les problèmes de l’Agriculture Biologique

2. Les enjeux actuels de l’Agriculture Biologique

B. PRODUCTION DE DONNEES SUR LES MOTIVATIONS DES

PRODUCTEURS D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE D’ILLE ET VILAINE

p.31

I. Des motivations différentes entre consommateurs et producteurs d’AB ?

A. La position des agriculteurs en AB d’Ille et Vilaine

B. Les motivations des consommateurs d’AB

II. Méthodologie

A. Intérêt de la création de données

B. Méthodologie d’élaboration de l’enquête

C. Elaboration du questionnaire

A. Une première analyse des résultats à partir des pourcentages obtenus

B. Analyse statistique

1. Méthodologie

2. Commentaires des résultats statistiques

3

C. EBAUCHE DE MODELISATION

p.54

I. Détermination d’une aide spécifique à l’agriculture biologique incitant à la conversion

A. Détermination d’une fonction de production spécifique

B. Modèle simplifié

II. Impact de la dernière réforme de la PAC sur les agricultures conventionnelle et biologique

A. Cas de l’agriculture conventionnelle

B. Cas de l’agriculture biologique

C. Comparaison des deux types d’agriculture

III. Introduction de la terre comme facteur de production supplémentaire

A. Introduction du facteur terre

B. Introduction du différentiel de terre 

D. REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DE L’AGRICULTURE

BIOLOGIQUE

p.63

I. Quelles motivations pour l’agriculture biologique ?

1. Les origines de l’agriculture biologique

2. Introduction de l’agriculture biologique en France

3. Les motivations des acteurs

II. L’agriculture biologique : un développement justifié ?

1. Progrès technique vs progrès moral, ou comment l’agriculture biologique est génératrice de

progrès moral

2. Le retour de la pertinence économique de l’agriculture biologique

III. Quels moyens pour généraliser l’agriculture biologique ?

1. Une possible universalisation de l’agriculture biologique ?

2. L’agriculture biologique : un instrument temporaire ?

Bibliographie

4

Introduction

Si les récentes crises alimentaires ont fourni un contexte favorable à un nouvel essor

de l’Agriculture Biologique (AB), celle-ci marque à nouveau le pas. A voir en effet la

stagnation voire la régression des surfaces consacrées à l’AB en France voire dans l’UE, les

excédents laitiers qui rejoignent les circuits conventionnels, il est désormais patent que l’AB

ne peut se contenter pour son développement de quelques niches de consommateurs argentés

ou militants. Les premiers consentent à une différence de prix des produits bio en escomptant

des bénéfices sur la santé, autrement dit un bien privé. La militance des seconds ne suffit pas à

rémunérer correctement les bénéfices environnementaux de l’AB, c'est-à-dire des biens

publics. Ces différents biens sont en outre difficiles à évaluer du fait de la complexité à

agréger monétairement les coûts et les bénéfices marchands, non marchands qui, pour certains

du moins et dans le cas de l’AB, ne se révèlent qu’à moyen terme : améliorations

environnementales, diminution de la facture énergétique, variation du solde d’emplois….

bref, autant de critères d’un développement agricole durable.

L’AB souffre également des rentes de situation capitalisées par l’agriculture

conventionnelle. En passant d’un système de prix garantis à des aides directes à l’hectare ;

puis à un montant forfaitaire par exploitation agricole basé sur des références historiques, le

soutien public agricole ne constitue plus ni plus ni moins qu’une rente de situation forgée au

fil des années par la recherche à tout prix des économies d’échelle : accroissement des

surfaces, des élevages, du machinisme…Or l’AB ne tire pas tant son intérêt des économies

d’échelle que des économies de gamme.

Enfin, l’AB véhicule depuis ses origines une militance diverse mais surtout extraagricole

(anti-productiviste, anti-OGM…) ; qu’elle soit appréciée en outre comme une sorte

de « retour des techniques » flirtant parfois avec l’ésotérisme : tout cela n’a pas facilité en

définitive un engouement massif, tant du côté de la production que de la consommation.

Ce dossier est constitué des travaux de quatre groupes d’étudiants « agroéconomistes

» en fin de cursus à l’ENSAR.

Dans un premier temps, un état des lieux précis et instantané de la situation de l’AB en

France et en Europe sera présenté. Le second volet sera consacré à une analyse statistique

concernant la convergence des producteurs et des consommateurs de l’AB quant à ses

objectifs. Une troisième partie est constituée d’une ébauche de formalisation d’un niveau

d’aide encourageant la conversion à l’AB. Enfin, un argumentaire éthique en faveur de l’AB

sera développé.

5

A. ETAT DES LIEUX INSTANTANE DE L’AGRICULTURE

BIOLOGIQUE

I. Histoire de l’Agriculture Biologique :

1. Les courants de pensée fondateurs de l’Agriculture Biologique

L’Agriculture Biologique française est issue de trois courants principaux :

- l’agriculture biodynamique de Rudolf Steiner.

En 1913, ce dernier fonde l’anthroposophie, doctrine qui propose une conception

spirituelle large de la nature humaine et du vivant au centre d’un équilibre régi par des forces

« cosmiques et telluriques ». Onze ans plus tard, avec le Cours aux agriculteurs, il soutient le

retour à une vie paysanne autosuffisante, seule garante d’une capacité de production durable

et d’une société stable. Il s’oppose à l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides de

synthèse qui sont inutiles selon lui si le sol est sain et conseille les composts, seuls capables

d’enrichir le sol en « force de vie », ainsi que l’utilisation de diverses autres adjonctions qui,

préparées à doses infinitésimales, permet la continuité avec l’Univers. Ces thèmes sont repris

par Erhenfried Pfeiffer, vulgarisateur de l’agriculture biodynamique en Europe et aux Etats-

Unis. En 1958 est crée en France l’ « Association française de culture biodynamique ». Ce

courant de pensée, distinct des autres notamment par son approche philosophique, est

aujourd’hui représenté en France par Demeter (coopérative créée en 1927, marque déposée à

l’OMPI en 1929) et la Maison de l’agriculture biodynamique.

- l’agriculture organique de Sir Albert Howard.

En 1940, celui-ci publie le « Testament agricole », dans lequel il pose les fondements

d’une agriculture organique. Pour lui, la puissance d’une société repose sur la bonne santé de

ses classes ouvrières, et nécessite donc une alimentation saine et peu coûteuse. Il s’engage en

faveur du maintien d’une agriculture paysanne, gage d’une gestion durable et saine de la terre

et dénonce les engrais chimiques et les pesticides : il propose plutôt une fertilisation

organique à base de divers composts issus d’exploitations associant culture et élevage. La

« Soil Association », créée en 1946 en Grande-Bretagne, vise à promouvoir les concepts de

Sir Howard et de l’agriculture organique, que sont l’autonomie de la ferme, le compostage et

la fertilisation organique.

- l’Agriculture Biologique de Hans et Maria Müller,

Celle-ci se développe vers 1930 et vise avant tout des objectifs économiques et

sociopolitiques. Ces idées sont concrétisées vers les années soixante par Hans Peter Rusch qui

publie « La fécondité des sols », dans lequel il propose une méthode de culture préservant la

fertilité des sols sans en épuiser les ressources. Il dénonce déjà contre les gaspillages de la

société de consommation et conseille une utilisation maximale des ressources renouvelables.

2. L’émergence de l’Agriculture Biologique en France et en Europe

L’Agriculture Biologique émerge en France à la fin de la seconde guerre mondiale,

suite à l’inquiétude de médecins sur la qualité de l’alimentation issue de l’industrialisation de

l’agriculture et aux mouvements de quelques agriculteurs et d’un agronome, Jean Boucher.

Sont créés successivement en 1952 l’Association française pour une alimentation normale

(AFAN), puis en 1958 le Groupement des agriculteurs biologiques de l’Ouest (GABO) et en

1962 l’Association française d’Agriculture Biologique (AFAB), notamment par Boucher. Une

6

scission a lieu entre les fondateurs de l’AFAB : en 1963, Boucher crée la société Lemaire-

Boucher, qui commercialise une méthode à base d’algue marine calcaire, alors qu’en 1964,

suivant une optique scientifique, Louis et Tavera créent l’Association européenne d’hygiène

biologique Nature & Progrès, qui vise à promouvoir toutes les méthodes de l’Agriculture

Biologique. La Fédération nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) est créée en 1966. Un

tournant de l’Agriculture Biologique est permis grâce à la création de l’International

Federation of Organic Agriculture Movement (IFOAM) en 1966, qui coordonne le réseau

mondial des mouvements agrobiologistes.

Au début des années 1970 apparaissent les notions de cahiers des charges, de

certification, de contrôle et de garantie pour les consommateurs. Nature & Progrès publie en

1972 le premier cahier des charges français.

Grâce aux efforts de Nature & Progrès et de producteurs vers la promotion et la

recherche€ d’un soutien public, l’Agriculture Biologique se démarginalise au début des

années 1980 et obtient une reconnaissance professionnelle et institutionnelle, marquée par la

loi d’orientation agricole du 4 juillet 1980 qui mentionne la possibilité d’une homologation de

cahiers des charges de l’Agriculture Biologique.

En 1983 est publié le Décret de création du Comité d’homologation des cahiers des

charges. Un an plus tard est créé le label AB, qui garantie un produit issu d’un cahier des

charges (le premier cahier des charges homologué est obtenu par Nature & Progrès en 1986),

ainsi que l’Institut technique de l’Agriculture Biologique (ITAB). En 1988, la loi relative à

l’adaptation de l’exploitation à son environnement économique et social notifie qu’il est

obligatoire d’adhérer à un cahier des charges pour obtenir l’appellation « Agriculture

Biologique ». On comptait 20 cahiers des charges en 1990.

Le règlement CEE 2092/91 de 1991 officialise l’Agriculture Biologique dans l’Union

européenne et définit le mode de production biologique des produits agricoles végétaux et sa

présentation sur les denrées alimentaires.

En 1997, en France, un plan pluriannuel de développement de l’Agriculture

Biologique est lancé. Son ambition est de multiplier par 10 les surfaces en 10 ans, afin

d’atteindre en 2005 : un million d’hectares et 25000 producteurs ainsi que d’engager la filière

vers une structuration globale via trois axes d’actions:

- la recherche/ le développement / la formation

- la réglementation / le contrôle / la qualité

- les territoires / les filières / les marchés.

Comme nous le verrons par la suite, ces objectifs n’ont toujours pas été atteints en

2007.

En 1999, la réglementation européenne évolue avec le règlement CE 1804/99

concernant la production animale (REPAB ou Règlement Européen pour les Productions

Animales Biologiques). Ce règlement visait à harmoniser les règles de production dans les

pays communautaires et définissait les modalités des productions animales biologiques, à

savoir la conversion, l’origine des animaux, l’alimentation, la prophylaxie et les soins

vétérinaires, la gestion de l’élevage, le transport et l’identification des produits animaux, la

gestion des effluents d’élevage, les espaces en plein air et les bâtiments d’élevage.

La réglementation européenne comprend ainsi cinq domaines :

- les règles de production des produits agricoles et la préparation des

denrées alimentaires

- la période de conversion

- l’étiquetage des produits agricoles et des denrées alimentaires

biologiques

- les exigences en matière de contrôle

7

- le régime d’équivalence pour les importations en provenance des pays

tiers.

Comme tout règlement européen, il s’applique directement sur tout le territoire

européen (contrairement aux directives qui doivent être traduites en droit national). Les

réglementations nationales sur l’agriculture bio (en France, les cahiers des charges animaux et

végétaux agréés) sont alors devenues caduques à la sortie de ce règlement (l’application du

règlement modifié incorporant le REPAB s’est faite en Août 2000).

Néanmoins, le règlement prévoit quelques exceptions :

- la possibilité d’avoir au niveau national des cahiers des charges pour les

productions animales non inscrites dans le règlement européen ;

- les amendements, engrais, additifs… autorisés par le règlement doivent aussi

l’être au niveau national (exemple de l’acide oxalique autorisé au niveau européen mais pas

au niveau français) ;

- les Etats sont libres d’avoir un règlement plus strict que le règlement européen

pour les productions animales.

La France a ainsi adoptée en 2005, par le biais de cette troisième exception, un cahier

des charges plus strict que le règlement communautaire : le CC REPAB F (au contraire de

l’Allemagne par exemple ayant appliqué le REPAB inchangé). Ce règlement a durci le

REPAB essentiellement sur des dérogations temporaires prévues par ce dernier et non

retenues ou écourtées dans le CC REPAB F (avec de plus le lien au sol obligatoire et le

maintien de quelques anciennes règles issues des cahiers des charges français sur les produits

animaux). Deux guides de lecture (respectivement du RCEE et du REPAB) ont également été

rédigés pour faciliter la compréhension des règlements.

3. Définition de l’Agriculture Biologique

Il n’existe pas de définition universelle de l’Agriculture Biologique. Elle diffère selon

les auteurs.

Ainsi, suivant une des Directives concernant la production, la transformation,

l'étiquetage et la commercialisation des aliments issus de l'Agriculture Biologique, de la

Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius (1999), l'Agriculture Biologique est un

système de gestion holistique de la production qui favorise la santé de l'agrosystème, y

compris la biodiversité, les cycles biologiques et l'activité biologique des sols… Les systèmes

de production biologique reposent sur des normes spécifiques et précises de production dont

l'objectif est de réaliser les agrosystèmes les meilleurs possibles, qui demeureront durables sur

le plan social, écologique et économique.

Pour la GRAB BN, l’Agriculture Biologique est un mode de production régi par un

cahier des charges européen pour les productions végétales et avec des clauses plus

restrictives pour les productions animales. Cette agriculture s’interdit l’utilisation de

pesticides et d’engrais chimiques de synthèse. Ce mode de production emploie des méthodes

spécifiques destinées à favoriser les processus naturels (rotation des cultures, semis d’engrais

verts, épandage de matières organiques compostées…). L’Agriculture Biologique a pour

projet la production en quantité suffisante d’aliments de qualité, en respectant

l’environnement, par des techniques reproductibles de générations en générations. Les

pratiques de l’Agriculture Biologique respectent les équilibres naturels, maintiennent la

biodiversité et garantissent le caractère durable de l’activité agricole.

8

La FNAB a elle une définition plus simple en qualifiant l'Agriculture Biologique de

mode de production qui a pour objectif de rapprocher au maximum des conditions naturelles

de vie des animaux et des plantes.

En France, le décret du 10 mars 1981 la définit comme une « agriculture n’utilisant

pas de produits chimiques de synthèse » (wikipédia).

Enfin pour la Commission européenne, l'Agriculture Biologique diffère des autres

modes de production agricole à plus d'un titre. Elle privilégie les ressources renouvelables et

le recyclage, en restituant au sol les éléments nutritifs présents dans les déchets. Dans le

domaine de l'élevage, la réglementation de la production de viande et de volaille veille tout

particulièrement au bien-être des animaux et à une alimentation naturelle. L'Agriculture

Biologique respecte les systèmes autorégulateurs de la nature pour lutter contre les ennemis

des cultures et les maladies des plantes et évite de recourir aux pesticides, herbicides, engrais

de synthèse ainsi qu'aux hormones de croissance, antibiotiques ou à la manipulation

génétique. Les agriculteurs biologiques utilisent en lieu et place une série de techniques qui

favorisent des écosystèmes durables et réduisent la pollution.

II L’Agriculture Biologique en Europe : un mouvement

hétérogène

1. Quelques éléments sur l’Agriculture Biologique dans le monde

En 2003, les surfaces consacrées à l’Agriculture Biologique dans le monde étaient

estimées à 26,5 millions d’ha et 558000 exploitations. Soit une augmentation de 69% de la

surface depuis 1998. L’Océanie concentre 11,3 millions d’ha, l’Amérique Latine 6,3 et

l’Europe 5,7 millions d’ha soit près de 90% des surfaces consacrées à l’Agriculture

Biologique dans le monde (cf figure 1). Cette prééminence de l’Océanie est principalement

due à la présence de l’Australie dont 2,5 % de la SAU est convertie en AB. Il faut toutefois

noter que la SAU en AB en Australie est majoritairement constituée de prairies dont le niveau

productivité est très faible par rapport à celui de l’agriculture européenne.

Asie

3%

Amérique du Nord

6%

Europe

23%

Afrique

2%

Amérique Latine

24%

Océanie

42%

Figure 1: Répartition des surfaces en Agriculture Biologique dans le monde (Rapport

commission européenne 2005)

9

2. L’Agriculture Biologique en Europe (chiffres de 2003)

Les chiffres et données présentés ci-dessous sont issus d’un rapport de la Commission

européenne présenté en novembre 2005 et intitulé organic farming in the european union

facts and figures.

a) Surfaces

En 2003, au sein de l’Union Européenne à 25, les surfaces consacrées à l’AB ou en

conversion représentaient 5,7 millions d’ha. L’Italie concentre à elle seule un cinquième de

ces surfaces puisqu’elle compte plus d’un million d’ha en AB. Suivent l’Allemagne,

l’Espagne et le Royaume Uni avec 0,7 million d’ha chacun puis la France avec 0,55 million

d’ha.

L’AB représente donc 3,6% de la surface agricole utile européenne. Sur la figure 2, on

peut observer que 11 pays sont au dessus cette moyenne dont l’Autriche avec 9,7%, l’Italie

(8,1%), la Suède (7,2%) et la Finlande (7,1%).

Figure 2: Part de l’Agriculture Biologique dans la SAU dans l’UE-25 en 2003 (%)

(Rapport commission européenne 2005)

b) Exploitations : nombre et taille

En 2003, au sein de l’UE à 25, le nombre d’exploitations certifiées biologiques ou en

conversion était de 149000. Dans l’UE à 15, le nombre d’exploitations est passé de 29000 à

140000 de 1993 à 2003 et la SAU en AB de 0,7 à 5,1 millions d’ha. Encore une fois l’Italie

arrive en tête avec 44000 exploitations soit 31% du total européen suivie par l’Autriche

(19000) puis l’Espagne et l’Allemagne avec 17000 exploitations chacune.

Il est intéressant de noter qu’en moyenne, et dans l’UE à 25, la taille des exploitations

en AB est supérieure à celle des exploitations conventionnelles, respectivement 40 ha contre

15. Ceci est d’autant plus vrai pour la Grèce et le Portugal où les exploitations en AB sont 9

fois plus grandes que les exploitations conventionnelles même s’il est vrai que ces deux pays

présentent des productions d’olives biologiques très importantes très consommatrices de

surfaces. Au Royaume Uni, la surface moyenne des exploitations biologiques est elle de 173

ha, soit plus de 4 fois la moyenne européenne. D’autres pays comme l’Autriche, la Finlande

ou le Danemark ont des tailles d’exploitations relativement identiques en Ab ou en agriculture

conventionnelle (cf figure 3).

10

Cette importante différence de taille entre exploitation en AB et exploitation en

agriculture conventionnelle peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, il est

intéressant de noter que dans l’UE-15 la taille moyenne des exploitations en AB était de 35 ha

contre 20 en agriculture conventionnelle en 2002 (Eurostat 2005). Ainsi l’entrée des 10

nouveaux états membres a fait augmenter cet écart. La SAU moyenne par exploitation dans

ces pays est généralement plus faible que celle observée dans l’UE-15.

De plus, l’AB est moins intensive à l’hectare et certaines productions biologiques

fortes consommatrices de surfaces sont très développées (olives).

Figure 3: Taille moyenne des exploitations en Agriculture Biologique et en agriculture

conventionnelle dans l’UE-25 en 2003 (ha) (Rapport commission européenne 2005)

c) Les productions végétales

Dans l’UE à 15, en 2003, les surfaces en AB étaient de 5,1 millions d’ha. Ces surfaces

sont en grande majorité des prairies et des cultures fourragères (61 %) (cf figure 4).

Horticulture

8%

Autres

6%

Autres céréales

25%

Pâturage et

fourrages

61%

Figure 4: Répartition de la surface en Agriculture Biologique suivant les types de

cultures dans l’UE-15 (Rapport commission européenne 2005)

11

d) Les productions animales

2,3 % des productions animales de l’UE-25 sont certifiées biologiques. Les plus gros

producteurs sont l’Italie, la Suède et l’Allemagne avec chacun 0,4 M de LU (livestock unit).

Le Royaume Uni, la France et l’Espagne suivent avec entre 0,2 et 0,3 M de LU.

Figure 5: Productions animales certifiées biologiques dans l’UE-22 (milliers de

livestock unit) (Rapport commission européenne 2005)

Le nombre de vaches laitières atteint 483000 têtes soit 2,3 % des troupeaux laitiers

dans l’UE-15 ; Le Royaume Uni et l’Allemagne concentrant 40 % des troupeaux à eux deux.

Les autres bovins représentent 1 M de têtes (1,7 % du troupeau européen) donc 25 % pour

l’Autriche et 15 % pour l’Italie le Royaume Uni ainsi que l’Allemagne.

On recense 450000 porcs biologiques en EU-15 soit 0,4 % du total.

Les chèvres et brebis représentent 2,4 M de têtes soit 2,4 % du total en EU-15.

e) Produits et commercialisation

En 2004, le marché européen de l’AB était estimé à 11 milliards d’euros. L’Allemagne

concentre un tiers des volumes avec 3,5 milliards d’euros loin devant le Royaume Uni (1,6

milliards), l’Italie (1,4) et la France (1,2).

Figure 6: Ventes au détail de produits biologiques dans l’UE-15 (milliard d’euros)

(Rapport commission européenne 2005)

12

Cependant, le niveau de développement du marché des produits biologiques est très

hétérogène suivant les pays. Ainsi au Danemark, les produits issus de l’AB représentent 3,5 %

du marché de l’alimentation, en Autriche et en Allemagne 2 %. A l’opposé, l’Espagne, la

Grèce ou le Portugal, la proportion tombe à 0,2 % (cf figure 7).

Figure 7: Part des produits biologiques dans le marché de l’alimentation dans l’UE-17

(%) (Rapport commission européenne 2005)

Remarque : l’UE-17 inclut l’UE-15 plus la République Tchèque et la Hongrie.

Les modes de commercialisation sont également différents d’un pays à l’autre. On

peut distinguer deux catégories :

- les pays où la vente directe et la vente dans les magasins spécialisés dominent à

savoir en Belgique, Allemagne, France, Grèce, Luxembourg, Irlande, Italie, Pays-Bas et

Espagne,

- les pays où la vente en hyper et supermarchés est plus importante (> 60 %) :

Danemark, Finlande, Suède et Royaume Uni.

Après ce panorama global de l’Agriculture Biologique en Europe, nous allons nous

intéresser à un pays en particulier où celle-ci est très développée : l’Autriche.

f) L’Autriche : un pays bio (données d’une mission économique de l’Ambassade

de France en Autriche, février 2006)

· Surfaces et productions

L’AB n’a vraiment démarré en Autriche que dans les années 90 (cf figure 8). En 1990,

un soutien à l’AB est mis en place. On ne dénombrait alors que 1500 exploitations en AB. En

1995, on en comptait 16000. La croissance s’est ensuite ralentie. En 2004, l’AB représente :

- 20000 exploitations agricoles soit 10,5 % des agriculteurs,

- 347000 ha soit 13,5 % de la SAU autrichienne.

13

Figure 8: Evolution du nombre d’exploitations bio entre 1990 et 2004 en Autriche

(Mission économique de l’Ambassade de France 2006)

Les céréales constituent 50 % des surfaces en bio, loin devant les cultures

exclusivement fourragères (cf figure 9).

Figure 9: Répartition de la surface agricole biologique autrichienne entre les différents

types de productions en 2003 (Mission économique de l’Ambassade de France 2006)

L’Autriche est un pays montagneux : 70 % du territoire où se concentre 50 % des

agriculteurs. Les structures d’exploitations sont petites : 17,5 ha (moyenne identique en AB et

en agriculture conventionnelle) et les conditions naturelles ne favorisent pas une agriculture

intensive. Ces éléments peuvent expliquer le fort développement de l’AB en Autriche par

rapport aux autres pays européens.

· Soutien à l’Agriculture Biologique

Mais l’Autriche doit aussi le succès de son AB à une politique de soutien importante

sous la forme de paiements directs versés dans le cadre du programme agro-environnemental

(financés à 50% par l’Europe). Il est intéressant de noter que les primes sont identiques pour

la conversion et le maintien de l’AB. Le tableau ci-dessous présente les primes à l’ha

susceptibles d’être versées au titre de la mesure AB du programme ÖPUL (€ / ha) en 2003.

14

Tableau 1 : primes à l’ha versées au titre de la mesure AB du programme ÖPUL (€ /

ha) en 2003 (ministère fédéral autrichien de l’agriculture)

Légumes

- culture unique

- cultures multiples (rotation)

508,70

654,05

Fraises 654,05

Pépinières et culture de houblon sur terres

arables

799,40

Grandes cultures 327,03

Prairies avec plusieurs fauchages

- < 0,5 UGB / ha

- > 0,5 UGB / ha

159,80

250,70

Prairies avec un seul fauchage

- < 0,5 UGB / ha

- > 0,5 UGB / ha

150,40

95,92

Vignobles, vergers 363,36

La plupart des exploitations autrichiennes se sont engagées dans le programme agroenvironnemental.

Ainsi le montant d’aides directes versées était en 2003 de :

- 7958 € / ha pour une exploitation en bio,

- 4123 € / ha pour une exploitation conventionnelle.

· Organisation

En 2005 a été créée une association nationale « Bio Austria » qui regroupe 75 % des

producteurs bio. Elle a remplacé la douzaine d’associations de producteurs qui existaient

jusque là. Cette association nationale est chargée grâce aux cotisations de ses membres :

- de la promotion de l’AB : communication, marketing, lobby,

- du soutien technique aux producteurs.

De plus, il existe un établissement public : l’AMA (Agrarmarkt Austria) qui est

chargé :

- de suivre et de rendre compte du marché agro-alimentaire,

- de mettre en oeuvre les cahiers des charges,

- de gérer les fonds publics alloués aux agriculteurs (unique organisme payeur).

· La consommation

Un consommateur sur trois achète régulièrement des produits issus de l’AB et un sur

sept n’en consomme jamais. Les consommateurs réguliers représentent 80 % des achats

totaux. Le prix élevé reste la principale raison du non achat (46 % des consommateurs

interrogés) alors que les aspects santés des produits sont à l’opposé la principale motivation

(43 %) de la consommation bio. Il est important de noter que la protection de l’environnement

n’est pas mentionnée comme critère d’achat de produits bio (Mission économique de

l’Ambassade de France 2006).

70 % des produits des produits issus de l’AB sont commercialisés en grande surface,

12 % en restauration hors foyer, 10 % en vente directe et 8 % sont exportés. Le marché

autrichien de l’AB est estimé à environ 400 millions d’euros soit 4 % du marché

agroalimentaire. On note ainsi que la restauration collective représente une part non

négligeable du marché bio. Ceci est du aux impulsions données par les Länder.

15

III. L’Agriculture Biologique en France

1. La production biologique en France

L’année 2005 a été une année de croissance pour l’Agriculture Biologique. Le nombre

d’exploitations (+3%) ainsi que la Surface Agricole Utilisée (+5%) ont très nettement

progressé par rapport à 2004. En 2004, le recul de cette SAU a été directement corrélable à la

suspension des aides à la conversion pendant 2 ans (dispositifs CTE puis CAD).

Dans le secteur animal biologique, les chèvres et les truies connaissent les plus fortes

progressions.

Dans le secteur végétal biologique, toutes les cultures sont en nette progression,

excepté les protéagineux. Les PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales) et

légumes biologiques présentent les plus fortes augmentations.

Entre 2004 et 2005, 121 entreprises de transformation supplémentaires sont présentes

sur le marché, soit un total de 4995 entreprises.

Tableau 2 : Les chiffres de la bio Source : Agence Bio

CHIFFRES

2

002

2

003

2

004

2

005

Surfaces exploitées en mode biologique

(en milliers d’ha)

5

18

5

51

5

34

5

61

Nombre d’exploitations certifiées bio

1

1228

1

1359

1

1069

1

1402

Nombre d’entreprises de transformation

bio

4

873

4

995

PRODUCTIONS ANIMALES BIO

Nombre de VL bio (en milliers)

5

5

5

9

6

2

6

6

Nombre de vaches allaitantes bio (en

milliers)

5

1

5

4

6

2

6

8

Nombre de brebis bio (en milliers)

1

09

1

15

1

28

1

40

Nombre de chèvres bio (en milliers)

2

0

1

9

2

0

2

2

Nombre de poules pondeuses bio (en

milliers)

1

327

1

302

1

486

1

620

Nombre de poulets de chair bio (en

milliers)

4

877

5

144

4

470

Nombre de truies bio

3

509

3

691

3

617

4

015

PRODUCTIONS VEGETALES BIO*

Surfaces de céréales bio (en milliers

d’ha)

8

2

8

9

9

5

Surfaces d’oléagineux bio (en milliers

d’ha)

1

8

1

9

1

9

Surfaces de protéagineux bio (en milliers

d’ha)

1

7

1

2

1

1

Surfaces de fourrage bio (en milliers

d’ha)

3

54

3

34

3

48

Surfaces de légumes bio (en milliers

d’ha)

7

.2

7

.7

8

.8

Surfaces de fruits bio (en milliers d’ha)

9

.1

8

.6

8

.9

Surfaces de vigne bio (en milliers d’ha) 1 1 1

16

6.2 6.4 8.1

Surfaces de PPAM** bio (en milliers

d’ha)

2

.0

2

.0

2

.3

Surfaces autres (en milliers d’ha)

4

5

4

4

4

9

* bio+conversion

** plantes à parfums, aromatiques et

médicinales

a) La production animale biologique

En 2005, deux tiers des vaches laitières certifiées bio sont dans les trois régions du

grand ouest et en Franche-Comté, avec des progressions respectives en Pays de la Loire,

Basse-Normandie, Bretagne et Franche-Comté de 11%, 6%, 4% et 4%.

Les principales régions productrices de vaches allaitantes (Pays de la Loire, Auvergne,

Midi-Pyrénées et Limousin) connaissent des augmentations allant de 10% à 22%.

Le nombre de brebis bio est de 9% plus élevé qu’en 2004, avec +32% en secteur

laitier et +6% en secteur viande.

Le secteur animal qui progresse le plus, à savoir les chèvres certifiées biologiques,

atteint plus de 22000 têtes. Rhône Alpes est en première place en nombre de têtes, Midi-

Pyrénées derrière Provence Alpes Côtes d’Azur prend la troisième place avec +26% de

progression.

Les truies reproductrices dépassent 4000 têtes soit une croissance de 11%, avec des

évolutions notables sur le graphique ci-dessous. Malgré des évolutions faibles à négatives les

Pays de La Loire et la Bretagne se maintiennent à la première et deuxième place de la

production porcine.

Les poules pondeuses progressent au niveau national de 9%, malgré une régression de

10% de la première région productrice : la Bretagne. Rhône-Alpes et Pays de La Loire

progressent respectivement de 42% et 31%.

17

Evolutions notables du cheptel reproducteur porcin bio en

France

35%

50%

148%

0%

-26%

Centre Limousin Midi-Pyrénées Pays de la Loire Bretagne

Figure 10 : l’évolution du porc bio en France en 2005

Source : les chiffres de la bio 2005, Agence Bio

b) La production végétale biologique

Les grandes cultures biologiques recouvrent 126000 ha. Le premier département est le

Gers avec 8662 ha.

Les grandes cultures biologiques

Protéagineux; 9%

Oléagineux; 15%

Céréales; 76%

Figure 11 : les grandes cultures biologiques

Source : les chiffres de la bio 2005, Agence Bio

La surface céréalière bio progresse en 2005 de 7% avec en tête les Pays de la Loire

devant Midi-Pyrénées. Les oléagineux restent concentrés dans le Sud-Ouest, le soja

exprime une baisse de 6% alors que le colza, très faiblement représenté augmente de 35%.

Les protéagineux régressent (-9%) à cause du pois essentiellement (-35%).

Les légumes bio progressent également particulièrement dans les régions où ils sont

déjà implantés : +34% en Midi-Pyrénées, +16% en Bretagne. Mais ils progressent aussi en

Bourgogne (+33%) ou dans les Pays de la Loire (+32%). Le Finistère garde la tête du

classement avec 750 ha et 115 producteurs.

18

Les fruits bio augmentent de 4% tandis que la viticulture progresse de 10% avec en

pôle position le Languedoc-Roussillon : 5425 ha dont 8% d’augmentation.

Figure 12 : Le sud-est : pôle de la production biologique française

Les départements du Sud-Est se démarquent par une part de leur surface agricole en

biologique bien supérieure à la moyenne nationale (1,9%).

2. La consommation de produits biologiques en France

Près d’un français sur deux déclarait en 2005 consommer des produits biologiques,

ces consommateurs sont de plus en plus nombreux (cf figure 13). Les ventes de produits

alimentaires biologiques (1,6 milliards d’euros en 2005) ont augmenté d’une moyenne de

+9,5% de 1999 à 2005 et représentent 1,3% des ventes de produits alimentaires en France.

La consommation de produits biologiques en France se porte donc très bien.

37

%

44

%

47

%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

2003 2004 2005

Figure 13 : Les consommateurs de produits bio en France

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

19

a) Qui sont les consommateurs de produits issus de l’Agriculture Biologique?

Les caractéristiques majoritaires des consommateurs de produits biologiques sont :

- des femmes,

- des personnes de plus de 35 ans,

- des résidents de villes de plus de 100000 habitants,

- des résidents des régions Ile de France et Méditerranée.

Plusieurs raisons poussent ces consommateurs à acheter des produits biologiques (cf

figure 14). La préservation de l’environnement est une raison de consommation qui gagne du

terrain : 84% des consommateurs contre 79% en 2003. Il est intéressant de noter que la

préservation de la santé et la certitude de manger des produits sains constituent les deux

raisons principales, alors que rien ne prouve qu’un produit d’origine biologique soit sain ou

qu’il préserve la santé. Pourtant ces raisons poussent à la consommation. L’information

concernant les produits biologiques paraît ainsi faussée entre la perception qu’en ont les

consommateurs et la réalité.

Figure 14 : Raisons de consommation des produits alimentaires bio

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

Les consommateurs ont besoin d’indicateurs pour se repérer dans la large gamme

de produits qui leur est proposés. En 2005, le logo « AB » est connu par 92% des

consommateurs, 66% des consommateurs bio prennent en premier lieu ce logo en

considération lors d’un achat bio, contre 44% pour l’indication simple « bio ». Ces chiffres

indiquent l’importance de l’indication sur les produits, et particulièrement du logo AB.

94%

91%

91%

84%

74%

Pour préserver ma

santé

Pour la qualité et le

goût des produits

Pour être certain

que les produits

sont sains

Pour préserver

l'environnement

Pour des raisons

éthiques

20

66%

44%

33%

19%

14%

13%

8%

5%

17%

Logo AB

Indication "Bio"

"Issu de l'AB"

Marque commerciale

Produits achetés à un producteur bio

Produits achetés au rayon spécial bio

Produits achetés en magasin bio

Logo européen

Mention d'un organisme de contrôle

Figure 15 : Indicateurs de produits biologiques utilisés par les consommateurs

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

Les principes de l’AB qui sont les plus reconnus par les Français sont : les

exigences de bien-être animal et d’alimentation animale (84%), la non-utilisation des OGM

(83%), l’absence de colorants ou d’arômes artificiels de synthèse (80%), un cahier des

charges public précis (80%), des contrôles annuels spécifiques (77%). Les consommateurs

bio connaissent à 90% l’ensemble de ces principes.

Malgré une bonne compréhension générale des principes de l’Agriculture

Biologique et des valeurs qu’elle représente (telle la protection de l’environnement) les

consommateurs restent néanmoins mal informés en ce qui concerne l’aspect sanitaire des

aliments biologiques et la préservation de la santé. Un amalgame semble être fait du fait de

la non information autour de ces valeurs.

b) Quels sont les produits biologiques les plus consommés ?

Les consommateurs bio sont 73 % à consommer des fruits et légumes bio et 61% à

consommer des oeufs bio. Ces deux types de produits sont les préférés des consommateurs

bio. Les produits dont l’évolution est la plus forte sont ceux de l’épicerie (café, thé,

chocolat, sucre, miel, etc.) et de la boisson, ce qui pourrait-être en lien avec l’augmentation

de l’offre de ces produits en grande surface. En 2005, les vins et autres boissons ont attirés

23% de consommateurs bio supplémentaires, quant à l’épicerie elle a attiré 22% de

nouveaux consommateurs bio. Face à ces résultats, on se rend compte que les produits

biologiques qui ont l’évolution de consommation la plus forte sont de manière générale

des produits d’origine végétale.

21

73%

61%

49%

32%

31%

41%

26%

37%

40%

25%

19%

11%

16%

Fruits et légumes

OEufs

Autres produits laitiers

Fromages

Lait

Pain

Autres céréales

Epicerie

Volaille

Boeuf

Porc, agneau

Poissons

Vins et autres boisssons

Figure 16 : les produits alimentaires bio les plus courtisés

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

50 à 80 % de la consommation biologique en France ne serait pas celle de produits

issus du territoire français (légumes et fruits essentiellement). Les conditions d’importation

des produits biologiques n’en restent pas moins très contrôlées (voir plus bas). Il est

néanmoins vrai que l’on peut se poser la question de l’image de la protection de

l’environnement que véhiculent ces produits, étant donné les transports polluants utilisés pour

que ceux-ci soient acheminés en France. Néanmoins les statistiques sur ce sujet sont difficiles

à obtenir. Maroc, Madagascar et Turquie seraient les pays les plus concernés.

Les prix, la disponibilité des produits biologiques et une meilleure information sont

les principaux critères pouvant favoriser l’achat selon les consommateurs. Néanmoins la

non information concernant la santé et la sécurité sanitaire des produits biologiques

entrainent quant à eux un amalgame favorisant la consommation, l’information sur ces

valeurs n’est donc pas optimale.

90%

85%

84%

Des prix moins élevés

Des produits plus disponibles

dans leurs magasins habituels

Une meilleure information sur

les produits

2004

2005

Figure 17 : les critères favorables à la consommation bio

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

22

c) Quels sont les lieux de consommation des produits issus de l’Agriculture

Biologique?

Les lieux d’achat du produit bio sont diversifiés : les consommateurs bio achètent

leurs produits bio en GMS (72%), sur les marchés (43%), en magasins spécialisés (29%), à

la ferme (22%), chez les commerçants/artisans (22%) ou encore sur internet sur des sites

spécialisés. Chaque lieu d’achat a sa consommation favorite :

Tableau 3 : Consommations préférentielles en fonction des lieux d’achat Source :

Baromètre CSA Agence Bio 2005

Lieux

Consommations

préférentielles

Marchés Fruits, Légumes, Fromage

Magasins spécialisés Céréales, Epicerie, Boissons

Artisans/commerçants

Pain, Boeuf, Porc,

Charcuterie

A la ferme Viandes, OEufs

Les lieux d'achat bio

Artisans et

commerçants;

22%

Marchés; 43%

Magasins

spécialisés; 29%

GMS; 72%

A la ferme; 22%

Figure 18 : Lieux d’achat des produits biologiques

Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005

3. Transformation et Commercialisation

Le contrôle des conditions de transformation est réalisé (à l’identique des

conditions de production et d’importation) par des organismes certificateurs. Ceux-ci sont

agréés par les pouvoirs publics français sur la base de critères d'indépendance,

d'impartialité, d'efficacité et de compétence. Les opérateurs en Agriculture Biologique

doivent en outre notifier leur activité auprès de l'Agence Bio chaque année.

Le nombre d’entreprises certifiées pour transformer des produits biologiques en

France est stable : 4900, dont 40% de boulangeries.

Ces entreprises se doivent de respecter à la fois les dispositions légales

communautaires en matière de préparation de denrées alimentaires mais également les règles

spécifiques à l'Agriculture Biologique.

23

Un produit alimentaire ne pourra ainsi porter la marque et le logo certifié Agriculture

Biologique (propriétés exclusives du ministère français de l’agriculture, de la pêche et de

l’alimentation) que s’il contient au minimum 95% d’ingrédients issus de l’Agriculture

Biologique. La marque « AB » de certification apposée sur une étiquette d’un produit garantit

donc que l’aliment est composé de plus de 95% d’ingrédients de l’Agriculture Biologique

mais aussi :

- Le respect de la réglementation européenne pour les produits végétaux bruts ou

transformés ;

- Le respect du cahier des charges français (CC-REPAB-F) pour les produits

animaux.

Les 5% restants ne peuvent pas être d'origine quelconque ; ils doivent être autorisés

par trois listes régulièrement mises à jour (une liste d'auxiliaires technologiques autorisés, une

liste d'additifs autorisés et enfin une liste d'ingrédients d'origine agricole non biologique

autorisés car pas assez ou pas disponibles sur le marché de l’Agriculture Biologique).

Les produits qui contiennent entre 70 et 94 % d'ingrédients d'origine biologique ne

peuvent bénéficier d’une mention faisant référence à ce mode de production que dans la liste

des ingrédients (« X % d’ingrédients d‘origine agricole ont été obtenus selon les règles de

l’Agriculture Biologique ») et non dans la dénomination de vente.

Tableau 4 : l’étiquetage des produits issus de l’Agriculture Biologique

Produit contenant un minimum

de 95% d'ingrédients issus de

l'Agriculture Biologique

Produit contenant entre 70 et 94%

d'ingrédients issus de l'Agriculture

Biologique

Les mentions obligatoires :

« Agriculture Biologique » ou « Issu de

l’Agriculture Biologique » ou « Produit

de l'Agriculture Biologique » ou « X %

des ingrédients d'origine agricole ont été

obtenus selon les règles de la production

biologique » et nom et adresse de

l'organisme certificateur

Les mentions facultatives : le

logo AB

« X % des ingrédients d'origine

agricole ont été obtenus selon les règles de

la production biologique »

Nom et adresse de l'organisme

certificateur

Liste des ingrédients avec précision

de ceux qui sont issus de l'Agriculture

Biologique

Les produits contenant moins de 70 % d'ingrédients issus de l'Agriculture

Biologique ne sont pas considérés comme des produits biologiques et n’ont le droit à

aucune référence faite au mode de production dans l’étiquetage comme dans la publicité du

produit.

Enfin, la réglementation communautaire permet de faire référence au mode de

production biologique pour les produits d’origine végétale cultivés sur des terres en

conversion vers un mode d’Agriculture Biologique depuis plus d’un an et moins de deux

ans. La mention « produit en conversion vers l’Agriculture Biologique » apparaît alors sur

les emballages.

En outre, un cahier des charges "aliments pour animaux de compagnie à base de

matières premières issues du mode de production biologique" a été homologué par arrêté

interministériel du 16 février 2004. Il précise le mode de préparation, d'étiquetage, de contrôle

et de certification des aliments destinés aux animaux de compagnie : chiens, chats et aussi

24

l'ensemble des espèces d'animaux de compagnie au fur et à mesure du développement de la

demande.

Le contrôle des produits issus de l’Agriculture Biologique est réalisé en France par des

organismes certificateurs privés agréés. Leur activité est définie par une norme européenne et

ne peut se faire qu’après l’accréditation de la COFRAC (COmité FRançais d’ACcréditation)

et de la CNLC (Commission Nationale des Labels et de Certifications). Ceux-ci ont des

obligations de moyens (via leurs plans de contrôle) ainsi que de sanctions. La surveillance de

ces organismes certificateurs est réalisée notamment par la CNLC.

Figure 19 : certification en Agriculture Biologique jusqu’à janvier 2007

Le CNLC est un organisme public mais regroupant en son sein des représentants

des divers Ministères s’occupant d’alimentation ainsi que les représentants des organismes

certificateurs et de ceux des acteurs économiques. Ce comité est ainsi dirigé par des

personnes ayant des intérêts dans les décisions et celui-ci a été ainsi accusé à plusieurs

reprises de trop grandes souplesse et complaisance dans ses décisions, cela discréditant

l’image des signes de qualité et notamment celui de l’Agriculture Biologique.

La loi de Janvier 2007 a réglé ce problème en transférant la régulation du signe

Agriculture Biologique à l’INAO (s’occupant jusqu’alors uniquement des AOC et avec les

responsables politiques beaucoup mieux représentés en son sein). Cette loi a par ailleurs

entériné le terme d’Agriculture Biologique comme signe de qualité pour les

consommateurs (les quatre autres signes de qualité reconnus étant les AOC, les Labels

Rouges, Les Indications Géographiques Protégées (IGP) et les spécialités traditionnelles

garanties).

Pour le transport, les produits issus de l’Agriculture Biologique doivent être

transportés d’une unité à l’autre dans des emballages, conteneurs ou véhicules fermés de

manière à ce que le contenu ne puisse-être substitué sans endommager ou l’emballage ou le

cachet, cela pour éviter toute fraude. Ces emballages, conteneurs ou véhicules doivent être

pourvus d’une étiquette ou d’un document spécifiant la référence à l’Agriculture

COFRAC

Organismes certificateurs

(Ecocert, Ulase, Agrocert, Aclave

ou Qualité-France)

Acteurs économiques

Référentiel officiel

CNLC

Proposition

Agrément

Surveillance

Accréditation

Vérification de la

compétence de certification

Certification

Contrôle

25

Biologique, la certification de l’organisme certificateur (Ecocert, Ulase, Agrocert, Aclave

ou Qualité-France) et le nom et l’adresse du fabriquant. Le récepteur doit par ailleurs

vérifier la fermeture des emballages et des récipients à l’arrivée des produits et reporter ses

observations sur des documents comptables relatifs au produit réceptionné. Cette

obligation de fermeture des emballages, conteneurs ou véhicule possède cependant

quelques exceptions (si le transport est effectué directement entre un producteur et un

opérateur tous deux contrôlés par exemple).

Figure 20 : logos français de l’AB

Le logo AB est une marque collective propriété du ministère de l’Agriculture, de

l’alimentation, de la pêche et de la ruralité. Il atteste donc d’un contrôle de critères précis

définis par la norme européenne EN45011. Elle garantit le respect des règlements européens

et du cahier des charges français. Il garantit un aliment composé à 95% d’ingrédients

biologiques, le restant étant lui-même soumis à des exigences.

L’organisme de contrôle peut prendre quatre types de sanction : une demande

d’actions correctives, des avertissements, une suspension d’usage jusqu’à la mise en

conformité ou un retrait total du droit d’usage.

Figure 21 : logos communautaires de l’AB

En circulation depuis mars 2000, le logo communautaire informe le consommateur sur

la composition à 95% d’ingrédients d’origine biologique, la provenance du produit et

l’organisme de contrôle. Le logo bio communautaire présente donc les mêmes contraintes que

le logo AB.

· Importations

Deux possibilités sont offertes pour que des produits agricoles et alimentaires importés

soient reconnus comme biologiques :

- Soit ils proviennent des 7 pays dont la réglementation a été jugée équivalente

par la Commission : l’Argentine, l’Australie, le Costa Rica, l’Inde, Israël, la Suisse et la

26

Nouvelle Zélande. Pour chacun de ces pays sont spécifiées des catégories de produits et leurs

origines, des organismes de contrôle et de certification ainsi qu’une date limite d’inclusion ;

- Soit avoir obtenu une autorisation d'importation délivrée par le ministère

compétent d'un État membre. Dans les deux cas, les produits doivent, lors de leur

dédouanement, être présentés avec un certificat original de contrôle émis par l'autorité ou

l'organisme de contrôle compétent. L'importateur doit être contrôlé par un organisme

certificateur agréé et doit notifier son activité à l'Agence Bio.

Le logo AB constitue pour l’instant la principale protection de l’Agriculture

Biologique française contre ces importations étrangères.

4. Les soutiens à l’Agriculture Biologique en France

En 1997, la France a mis en place un Plan Pluriannuel de Développement de

l’Agriculture Biologique (PPDAB). En effet, à cette époque, la demande et les

importations sont fortes mais la production française est en retard à cause d’un soutien

quasi-inexistant, contrairement à ses homologues européens.

La France met donc en place un système d’aide à la conversion, censé compenser le

manque à gagner des agriculteurs pendant la période de conversion. Dans le cadre des MAE

(mesures agri-environnementales) ces aides sont financées par l’Union Européenne à hauteur

de 50%.

Jusqu’en 2002 ces aides ont été versées dans le cadre des CTE (contrats territoriaux

d’exploitation). Depuis 2002 elles s’inscrivent dans les CAD (contrats d’agriculture

durable) dont l’objectif principal est le développement de la multifonctionnalité de

l’agriculture, en particulier en ce qui concerne la préservation de la ressource et

l’aménagement de l’espace rural.

Tableau 5 - Evolution des dépenses de l'Etat pour la CAB

Mesures agri

environnementales (MAE)

Contrats territoriaux d'exploitation

(CTE)

1998 1999 2000 2001 2002

Nombre de contrats avec

la mesure CAB 2080 2624 579 1862 1452

Montant moyen par contrat

(K€) 16,8 15,5 41,1 45,7 50,8

Montant total des

dépenses engagées (M€) 34,9 40,8 23,8 85 73,7

Les MAE sont mises en place par la circulaire du 23 janvier 1998, puis remplacées par

les CTE par la circulaire du 17 mai 2000. Le montant de la CAB (aide à la conversion à l’AB)

augmente alors jusqu’à +320% pour les semences et plantes aromatiques, +151% pour les

cultures légumières. Néanmoins une dégressivité est appliquée de€puis le 26 septembre 2000

pour les grandes surfaces suite à l’augmentation importante des aides CAB.

27

Tableau 6 - Textes relatifs aux aides à l'Agriculture Biologique

Régime d'aides

Textes

réglementaires Intérêt

circulaire c92

n°7014 du 11 mai

1992

définition des règles applicables à la

mesure CAB

1992 - 1999 MAE

circulaire

7002 du 23 janvier

1998

définition des règles applicables à la

mesure CAB

circulaire

c2000 - 7024 du 17

mai 2000

définition des règles applicables à la

mesure CAB et plus généralement à l'AB

circulaire

c2000 - 7045 du 26

septembre 2000

instauration d'une dégressivité pour

prendre en compte les économies d'échelles et

réguler le montant des contrats

régime normal

circulaire

c2002 - 7034 du 26

juillet 2002

précisions sur des aspects techniques

circulaire

c2002 - 7044 du 10

octobre 2002

instauration d'un régime transitoire qui

oblige en particulier les départements à

respecter une moyenne départementale par

contrat de 27000€, sans qu'il n'y ait de

spécificité nationale pour la mesure CAB

2001 -

2005 CTE

régime

transitoire

note du 11

décembre 2002

précisions sur l'articulation entre le

régime transitoire des CTE et les CAD pour la

mesure de conversion à l'Agriculture Biologique

circulaire

c2003 - 7007 du 12

mars 2003

modalités d'élaboration des contrats

types définissant les actions à contractualiser

dans les CAD

CAD : décret n°2003-675 du 22 juillet 2003

Conditions de mise en oeuvre : arrêté CAD du 30 octobre 2003

Un ensemble de mesures en faveur de l’Agriculture Biologique ont été annoncées le 2

février 2004 par Hervé GAYMARD, Ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et

des affaires rurales. Devant notamment permettre un développement équilibré entre l'offre et

la demande de produits biologiques, ces mesures sont également guidées par le souhait d'une

meilleure prise en compte des contraintes économiques lors de l'élaboration de la

réglementation. Elles sont regroupées selon 6 grandes catégories d’objectifs :

1- une meilleure connaissance des marchés et prise en compte des contraintes

économiques,

2- un rapprochement des réglementations nationales et européennes,

3- des actions de communication et d’information du consommateur,

4- un développement accru de la formation et de la recherche,

5- une optimisation des soutiens des pouvoirs publics,

6- la définition de lieux de concertation et de coordination adaptés

Pour exemple, sur le plan financier la proposition engageait 13% de l’enveloppe

nationale des CAD, soit 50M€ sur 5 ans. Sur le plan de la communication, des actions sont

co-financées par l’Europe, les professionnels et l’Etat soit 4,5M€ sur 3ans.

28

IV. Problèmes et enjeux de l’Agriculture Biologique

La plupart des filières de production française connaissent depuis 2 ans des difficultés

de commercialisation épisodiques (fruits-légumes, viande) ou régulières (lait, céréales). Un

facteur commun est le fait que les volumes n’ont pas encore atteint une masse critique

suffisante pour peser dans la distribution des circuits longs. Cette difficulté de

commercialisation est souvent aggravée par la forte concurrence internationale.

Nous ne tenterons pas ici de prendre partie pour ou contre l’Agriculture Biologique

mais nous nous contenterons de rapporter ce que l’on peut lire ou entendre sur celle-ci en ce

qui concerne ses problèmes et enjeux actuels. Notre but sera ainsi de lister les plus

remarquables de ceux-ci, en nous servant notamment de ce qui est ressorti de la table ronde

organisée sur Agrocampus avec des professionnels du secteur en Novembre 2006.

1. Les problèmes de l’Agriculture Biologique

Une des critiques les plus fortes à laquelle l’Agriculture Biologique doit faire face est

celle concernant ses rendements, supposés par beaucoup de personnes non ou mal-informées

sur le sujet bien inférieurs à ceux observés en agriculture conventionnelle. Les défenseurs de

l’Agriculture Biologique rétorquent que les études réalisées jusqu’à maintenant sur ce sujet ne

s’étalaient pas assez dans le temps pour pouvoir apprécier l’augmentation des rendements

avec l'amélioration de la qualité du sol et des processus biologiques, ce qui peut prendre

quelques années à se manifester. Ceux-ci indiquent par ailleurs qu’une étude menée en Suisse

depuis 24 ans tend à prouver que l’Agriculture Biologique est plus efficace que l’agriculture

conventionnelle une fois les rendements ramenés par unité d’énergie et de fertilisants. Une

étude américaine plus spécifique concernant la pomme montre quant à elle que les rendements

pour ce fruit sont relativement similaires dans les deux types d’agriculture et que la

production biologique était en outre meilleure pour les sols et l’environnement.

Cette critique sur les rendements est souvent exprimée avec l’incapacité de

l’Agriculture Biologique de nourrir la population mondiale. Et qu’ainsi il faudrait cultiver

beaucoup plus de terres dans un monde dépendant de l’Agriculture Biologique. Cette idée a

notamment été relayée en 2002 par Norman Borlaug, phytogénéticien et prix Nobel « Si nous

essayons de le faire [de nourrir la population mondiale avec des engrais biologiques], nous

abattrons la majorité de nos forêts et beaucoup de ces terres ne seront productives que sur une

courte période. » ou encore par John Emsley, chimiste à Cambridge : « La plus grande

catastrophe à laquelle la race humaine pourrait faire face durant ce siècle n’est pas le

réchauffement planétaire mais une conversion planétaire à ‘l’Agriculture Biologique’ -

environ 2 milliards de personnes en mourraient ». D’autres pensent au contraire que cette

conversion à grande échelle à l’Agriculture Biologique pourrait être bénéfique.

Brian Halweil, chercheur à l’Institut Worlwatch, a ainsi récemment publié un article

(disponible sur l’adresse : www.delaplanete.org/L-agriculture-biologique-peut-elle.html) se

basant sur diverses études et montrant que :

- Le rendement de l’Agriculture Biologique n’était inférieur à celui de l’agriculture

conventionnelle pour la majorité des catégories de cultures que dans les pays riches, alors que

les études menées dans les pays en voie de développement ont montré que l’Agriculture

Biologique améliorait le rendement. Un modèle prévoyant une conversion totale à

l’Agriculture Biologique calculait une production de calories par personne et par jour

supérieure aux besoins d’un individu en bonne santé ;

- L’Agriculture Biologique pourrait ainsi être plus qu’un palliatif à l’agriculture

conventionnelle dans les pays en développement où les problèmes de famine sont fortement

29

présents. Mais qu’il y aurait néanmoins toujours près d’un milliard d’individus souffrant

encore de la faim, les excédents étant exportés vers les zones ayant les moyens de les payer ;

Ce qui lui fait dire, en relayant la pensée de certains experts qu’il serait plus judicieux

d’adopter une position intermédiaire avec conversion vers une agriculture à faible niveau

d’intrants et reprenant de nombreux principes de l’Agriculture Biologique.

En ce qui concerne la cohabitation de l’Agriculture Biologique avec l’agriculture

conventionnelle, les avis sont là aussi partagés. Certains estiment que la présence de champs

en agriculture conventionnelle à côté d’autres en Agriculture Biologique défavorise ces

derniers, la présence forte d’intrants de synthèse dans l’environnement immédiat des champs

biologiques ayant une influence néfaste sur le cycle biologique des cultures. D’ autres

estiment qu’au contraire l’Agriculture Biologique profite indirectement de l’utilisation des

pesticides et insecticides des cultures conventionnelles voisines qui permettent d’éviter

l’expansion de populations de ravageurs.

La présence de plus en plus importante des produits bio en Grandes et Moyennes

Surfaces (GMS) pose un problème à certains en considérant que l’ « éthique grande surface »

est en contradiction avec l’ « éthique bio » car ne permettant notamment pas le dialogue et

une meilleure compréhension entre producteur et consommateur. Les producteurs ont

cependant des points de vue différents sur la question et certains industriels précisent que des

exploitations biologiques n’auraient pas pu voir le jour sans une assurance de débouchés pour

leurs produits en GMS.

Certains considèrent par ailleurs que le message délivré par les producteurs en

Agriculture Biologique peut parfois paraître un peu confus pour les consommateurs dans le

sens ou il aborde les problèmes environnementaux mais également des problèmes de société

plus globaux. De plus, ce message est souvent mal capté par les consommateurs, ceux-ci

achetant par exemple des produits issus de l’Agriculture Biologique car pensant qu’ils jouent

sur la santé alors que rien ne le prouve. Enfin, de nombreux produits bio proviennent de pays

étrangers et ont ainsi « nuit à l’environnement » lors de leur transport, ce que peu de

consommateurs savent.

Le prix plus élevé des produits issus de l’Agriculture Biologique par rapport aux

produits issus de l’agriculture conventionnelle est pour beaucoup un faux problème car la part

alimentaire du budget du Français moyen peut facilement supporter une légère hausse par

rapport à d’autres parts qui ont grandement augmenté ces dernières années par rapport à

l’alimentation.

2. Les enjeux actuels de l’Agriculture Biologique

Comme on a pu le constater, ces dernières décennies ont été marquées par un profond

changement du rapport entre les citoyens et la nature, changement qui a remis en cause le rôle

jusque là dévolu aux agriculteurs de produire au moindre coût. La sécurité alimentaire

paraissant maintenant assurée, les consommateurs se sentent aujourd’hui menacés par les

crises sanitaires récentes (crise de l’encéphalite spongiforme bovine ou ESB, problème de

contamination par la listeria,…) et les pollutions d’origine agricole qui affectent les nappes

phréatiques et les cours d’eau (lessivage des nitrates). C’est pourquoi certains de leurs achats

tendent à exprimer une demande d’environnement de qualité, de santé et à s’inscrire dans une

démarche de développement durable.

30

Aux yeux de tous, l’Agriculture Biologique a un effet positif sur l’environnement, du

fait de la non utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse par exemple. Cependant cet

effet est difficile à évaluer. Des méthodes ont été conçues afin de pouvoir comparer les

impacts respectifs de l’Agriculture Biologique et l’agriculture conventionnelle. Certaines

études montrent ainsi que les coûts « externes » de l’Agriculture Biologique (comme

l’érosion, la pollution chimique de l’eau potable, la mort d’oiseaux et autres espèces animales,

etc.) représentent seulement un tiers de ceux de l’agriculture conventionnelle. Bien que les

études tendent donc globalement à montrer que l’Agriculture Biologique a un effet favorable

sur l’environnement, en favorisant la biodiversité et en limitant les pollutions d’origine

chimique, certains risques peuvent se présenter, comme par exemple la perte de fertilité

biologique des sols en viticulture (liée à l’utilisation de cuivre) ou bien des risques de

pollution ponctuels par les nitrates en maraîchage (Bourdais, CEMAGREF Bordeaux,

septembre 1998). Les résultats sont donc très divers, dépendant de nombreux facteurs tels que

la production agricole considérée, la qualité du sol, les facteurs climatiques,…et les études pas

assez nombreuses afin de pouvoir conclure avec certitude quant au rôle bénéfique de

l’Agriculture Biologique sur l’environnement.

Un autre enjeu important de l’Agriculture Biologique porte sur l’alimentation et la

santé. Certaines études ont montré que la consommation régulière de produits issus de

l'Agriculture Biologique permettait d'abaisser de 30 à 40% l'ingestion moyenne de nitrates par

l'homme (Nugon-Baudon, 1997). De plus, les produits issus de l’Agriculture Biologique sont

souvent considérés comme ayant des valeurs nutritionnelles et une qualité supérieures aux

produits issus de l’agriculture conventionnelle. Cette vision est sans doute un contrecoup des

crises sanitaires traversées ces deux dernières décennies (crise du sang contaminé, crise de la

« vache folle »,…), et entre comme une part non négligeable dans le débat autour des OGM

qui agite les milieux politiques et intellectuels ces derniers temps. Cependant une synthèse de

Lecerf (1995) conclut que « sur le plan de leur valeur nutritive et sur le plan toxicologique, les

végétaux issus de l'Agriculture Biologique ont, semble-t-il, des avantages. Cependant de

nouvelles études comparatives actualisées et fiables sont nécessaires en France. L'intérêt

nutritionnel des produits végétaux biologiques est probable mais non encore démontré

formellement, essentiellement parce qu'il n'y a pas d'études nutritionnelles et

épidémiologiques permettant de prouver objectivement un bénéfice pour la santé [des

aliments bio] ». L’effet bénéfique des produits biologiques sur la santé humaine n’est donc

pas encore démontré scientifiquement, trop peu de publications existant à ce sujet.

Un dernier enjeu qu’il serait intéressant de citer, et non des moindres, est celui relatif à

la portée éthique de l’Agriculture Biologique. L’Agriculture Biologique s’inscrit en effet dans

des courants de pensée où la productivité n’est pas le mot d’ordre et où la prise en compte de

l’individu est importante (l’Agriculture Biologique peut être ainsi combinée avec des notions

d’économie sociale et solidaire). C’est dans cette optique là que l’on voit souvent Agriculture

Biologique rimer avec développement durable. Durabilité écologique entre autres car elle

impose de par son cahier des charges des méthodes moins agressives pour l’environnement.

Elle promeut également des valeurs de respect, respect de l’environnement, des animaux, des

êtres humains, c'est-à-dire des valeurs de respect de la terre et des générations futures. Cette

démarche de développement durable, sans être bien souvent dénommée comme telle, est celle

reprise par la majorité des agriculteurs biologiques et par un certain nombre de leurs

consommateurs.

L’Agriculture Biologique présente donc de nombreux enjeux, dont les plus

remarquables sont certainement ceux se jouant autour de l’alimentation et de la santé des

31

consommateurs, ainsi que ceux attenants à l’environnement, sans oublier la dimension éthique

de développement durable que porte ce mode de production agricole.

32

B. PRODUCTION DE DONNEES SUR LES MOTIVATIONS DES

PRODUCTEURS D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE D’ILLE ET VILAINE

Introduction :

Initiée en France depuis les années 1960, et bien qu'elle soit pratiquée par un petit

nombre d'agriculteurs, l’Agriculture Biologique (AB) a toujours pris une place importante

dans les débats concernant l'agriculture et suscité des prises de position très contrastées.

Pour ses protagonistes, elle constitue une voie d'avenir et une alternative crédible à

l'agriculture productiviste. De plus, les évolutions de la Politique agricole commune et la prise

de conscience des enjeux environnementaux contribuent à créer un contexte favorable à la

reconnaissance et au développement de nouveaux modes de production et, en particulier, de

l’AB. Dans un tel climat, le monde agricole est appelé à des modifications profondes dans sa

façon de produire et, dans certaines régions, particulièrement dans les zones agricoles moins

compétitives sur le plan du marché mondial, il y a là de nouvelles perspectives. Son image est

très positive chez les consommateurs, qui sont de plus en plus nombreux à acheter ses

produits et c'est l’un des rares secteurs de consommation en expansion. Cependant, les

surfaces qui lui sont consacrées en France stagnent voire régressent. Ainsi, bien que se

présentant comme une alternative efficace face à l’agriculture traditionnelle excédentaire

source de pollutions d’origine agricole, l’AB semble créer des sentiments différents entre

consommateurs et acteurs du monde agricole. Serait-il possible que ce paradoxe soit dû au fait

que consommateurs et agriculteurs ne se tournent pas vers l’AB pour les mêmes raisons ?

C’est dans le prolongement de cette question que s’est organisée notre étude.

Il nous a en effet semblé pertinent de chercher à déterminer si les motivations des

consommateurs et des producteurs d’AB coïncidaient. Or, sous contrainte d’un temps limité,

et étant donné que de nombreuses études ont déjà été réalisées sur les raisons poussant la

population française à se tourner vers les produits issus de l’agriculture biologique, nous

avons donc décidé, au sein de ce groupe de production de données, de nous pencher plutôt sur

les motivations des producteurs, en limitant notre étude au département de l’Ille et Vilaine.

Par conséquent, après un bref rappel des études existant sur les motivations des

consommateurs choisissant l’agriculture biologique, nous présenterons les données que nous

avons recueillies par le biais d’un questionnaire d’enquête adressé aux agriculteurs

biologiques d’Ille et Vilaine, que nous avons ensuite analysées statistiquement avant de

conclure.

I. Des motivations différentes entre consommateurs et producteurs d’AB ?

La position des agriculteurs en AB d’Ille et Vilaine

La Bretagne détient le 5ème rang en France pour les surfaces d’AB, avec 35403

hectares (ha) pour 923 exploitations, et constitue une région concentrant un grand nombre

d’entreprises de transformation en produits biologiques (348 acteurs aval).

Plus particulièrement, l’Ille et Vilaine est le 1er département d’AB de Bretagne en

surfaces, avec un total de 212 fermes représentant 8700 ha dont 780 ha en conversion, soit

1.4% des fermes et 1.8% de la SAU départementale.

33

Si nous avons choisi d’axer notre étude sur les motivations des producteurs d’AB

d’Ille et Vilaine, il nous semble néanmoins pertinent de commencer par présenter celles des

consommateurs, données fournies par de nombreuses études effectuées sur le sujet. L’objectif

de notre étude, comme nous l’avons déjà souligné, est alors de pouvoir comparer ces

motivations des consommateurs avec celles des producteurs.

Les motivations des consommateurs d’AB

 La consommation de produits biologiques

Plus de 4 Français sur 10 déclarent consommer des produits biologiques (au moins 1

produit, au moins 1 fois par mois), dont 7% tous les jours.

Les prix trop élevés restent la principale raison de non achat (57% des consommateurs

occasionnels ou non-consommateurs). La deuxième raison reste le manque de « réflexe »

d’achat pour ces produits. Le manque d’information se fait davantage également ressentir.

Enfin, on constate un manque d’intérêt général sur l’alimentation et l’agriculture (en hausse

significative par rapport à 2005), résultats tirés à la hausse par les 15-24 ans.

Les ¾ des Français déclarent faire attention à l’affichage des prix au kg lorsqu’ils font

leurs courses (et davantage parmi les consommateurs de produits bio : 80% vs 70% chez les

non consommateurs de bio), et ils sont près de la moitié à comparer les prix des produits bio à

ceux des autres produits de même catégorie, et en toute logique, particulièrement les

consommateurs de produits bio.

 La perception des produits biologiques

Les qualificatifs employés pour décrire les produits biologiques sont essentiellement :

- des aliments toujours perçus sans produits chimiques,

- des aliments sains, bons pour la santé,

- des aliments naturels.

Le prix perçu est élevé et excessif pour 1/5 des Français. Le respect de

l’environnement reste un point peu évoqué spontanément mais ressort favorablement lorsque

la question est posée en assisté, avec 84% des Français qui approuvent le fait que les produits

bio contribuent à préserver l’environnement.

La perception de l’AB évolue puisque les Français sont moins nombreux à considérer

qu’elle a des exigences spécifiques pour le bien-être animal et l’alimentation des animaux, et

aussi qu’elle suit un cahier des charges précis (respectivement 78% et 72% en 2006 vs 84% et

77% en 2005). Par rapport aux produits d’autres labels, les produits bio se différencient par

leur côté naturel (15%), sans produits chimiques (13%), bons pour la santé (11%), mais ces

critères sont en baisse par rapport à 2005. Les dimensions de qualité (8%) et le mode de

culture et d’élevage différent (5%) enregistrent une progression.

En termes d’attitudes vis à vis d’autres démarches de qualité et/ou de développement

durable, 3 français sur 4 privilégient, au moins de temps en temps, les produits sous label

rouge dans leurs actes d’achat, et près de 2/3 les emballages recyclables.

 L’information sur les produits biologiques

41% des français se considèrent bien informés (dont 7% « très bien informés ») sur

l’AB. Les informations souhaitées sur les produits biologiques concernent principalement

l’origine des produits, leur mode de production, mais également les qualités nutritionnelles.

Les principaux lieux souhaités pour les informations recherchés se concentrent en points de

vente, et sur les emballages produits.

34

 Les produits consommés

Les consommateurs de produits biologiques ont une ancienneté moyenne de 9 ans et

2% déclarent être de nouveaux clients (ancienneté de moins d’un an). Ces consommateurs

consomment en moyenne 5 catégories différentes de produits biologiques (contre 4,4 en

2005).

Les catégories de produits bio les plus consommés restent les fruits et légumes (74%)

les produits laitiers (69%), les oeufs (44%), le pain (43%), la volaille (40%). On note

cependant une baisse significative sur la consommation d’oeufs bio (passant de 61% à 44%),

chiffre s’expliquant probablement par les craintes de grippe aviaire.

Enfin, 80% des consommateurs/acheteurs de produits bio privilégient les produits de

production locale (54% toujours ou souvent + 26% de temps en temps), ceci reste similaire à

2005.

Les lieux d’achat

Les lieux privilégiés pour les achats de produits bio restent les grandes surfaces.

Les enseignes de magasins spécialisés fréquentées sont Biocoop, La Vie Claire,

Naturalia, et des enseignes indépendantes. Concernant les GMS, si Carrefour reste la grande

surface la plus fréquentée pour l’achat de produit bio, Leclerc est en forte hausse (passant de

9% à 19%).

19% des Français consommateurs/acheteurs de bio jugent difficile de trouver certaines

catégories des produits biologiques, et en particulier les viandes/volailles.

 La problématique « prix » des produits bio

Les consommateurs/acheteurs sont toujours près de la moitié à considérer qu’il est

normal de payer plus cher pour des produits biologiques. Pour eux, ce différentiel de prix

s’explique largement pour les fruits et légumes et la viande en général. En revanche, ils sont

moins nombreux à déclarer « normal » de payer des oeufs biologiques plus chers que les oeufs

non-bio. La différence de prix acceptable s’élève en moyenne à 13% en plus par rapport aux

mêmes produits non biologiques, pourcentage évoluant peu (11% en 2005 et 12% en 2004).

 Apport de l’agriculture biologique

Parmi les consommateurs/acheteurs de produits bio, 4 principales raisons les incitent à

consommer bio : préserver leur santé (94%), la sécurité des produits sains (93%), la qualité et

le goût des produits (90%), et pour l’environnement. Résultats sans évolution notable par

rapport à 2005. Le logo AB et l’indication « bio » sur les produits sont les 2 principaux modes

de reconnaissance des produits biologiques. Mais le fait d’acheter en « magasin bio » ou dans

les rayons spécialisés est également un gage de réassurance quant à la certitude du caractère

bio des produits (en hausse par rapport à 2005). Le logo AB est toujours très bien connu (par

93% des consommateurs/acheteurs), et le logo européen est connu par 42% des

consommateurs/acheteurs.

 Les perspectives de consommation

Un quart des consommateurs/acheteurs estiment qu’ils vont augmenter leur

consommation de produits bio; les autres déclarent qu’ils vont la maintenir. En revanche, les

produits sur lesquels cette augmentation peut se faire sont cette année davantage la volaille, le

35

boeuf, les fruits et légumes et le fromage. Parmi les éléments incitatifs, c’est surtout les prix

moins élevés qui peuvent engendrer une augmentation de consommation de produits bio.

Après cette brève présentation des attentes des consommateurs, intéressons nous aux

producteurs par le biais de notre récolte de données.

II. Méthodologie

Notre travail a ici consisté en l’élaboration d’une enquête auprès des producteurs d’Ille et

Vilaine ayant opté pour l’AB. Pour ce faire, nous avons procédé par étapes ; chacune d’elles

pouvant faire l’objet d’analyses et d’améliorations. Ainsi, nous avons élaboré un

questionnaire dans le but de répondre à nos interrogations sur la démarche (au sens large) des

producteurs et sur l’impact que leurs motivations peuvent avoir sur ce marché. Pour faire face

aux contraintes de temps et de moyens, notre étude se limite aux producteurs d’Ille et Vilaine.

Intérêt de la création de données

S’il existe déjà de nombreuses études chiffrées sur l’AB, notre choix de travailler sur

nos propres données s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, il nous a semblé qu’il

n’existait que très peu d’études portants sur les attentes des producteurs quant au marché du

bio (contrairement aux consommateurs). Ensuite, l’élaboration du questionnaire et la collecte

de données nous ont permis de rencontrer et de discuter avec les différents acteurs de la filière

et particulièrement les agriculteurs eux-mêmes. Enfin, même si les contraintes en terme de

délai et de communication ne nous ont pas permis de récolté un grand nombre de données,

nous avons commencé à créer une petite base de données personnelle et originale qui peut être

désormais facilement enrichie et analysée plus avant.

Méthodologie d’élaboration de l’enquête

Notre travail s’est construit par étapes :

 Définir les objectifs du questionnaire d’enquête : à partir d’un constat de manque

d’information et d’une intuition quant à un éventuel « décalage » entre les attentes des

consommateurs et celles des producteurs de produits bio, il nous fallait répondre à des

questions précises sur la dynamique de l’offre bio en Ille et Vilaine. Nous avons donc choisi

d’étudier celle-ci à travers les motivations des producteurs construites à partir de souci

environnemental, de revenus, d’image publique, de mode de vie…

 Définir les corrélations éventuelles entre les données pour affiner notre questionnaire

et le cibler sur la question posée. Ainsi, nous avons orienté notre questionnaire de manière à

observer des liens entre les motivations des producteurs le niveau de formation, le revenu,

l’évolution envisagée de l'activité. Cette étude des profils des agriculteurs bio d’Ille et

Vilaine a pour but final la comparaison avec les attentes (attributs) des consommateurs, et

éventuellement l’obtention de résultats impliquant l’insertion de nouveaux paramètres (liés

aux producteurs) dans les modèles descriptifs de la situation du secteur en France.

Elaboration du questionnaire

36

Il nous a fallu prendre en compte certaines contraintes techniques et nous avons ainsi

du construire notre questionnaire avec un souci d’efficacité (pas de questions inutiles), des

questions claires, rapides à traiter (5 minutes pour l’ensemble) puisque certains entretiens

étaient sous forme téléphonique. En nous appuyant sur un questionnaire conséquent qui avait

été proposé aux agriculteurs britanniques dans le cadre de l’application de nouveaux contrats

territoriaux, nous avons travaillé l’exhaustivité dans les choix de réponses afin de l’adapter au

sujet, en France.

De plus, afin de faciliter le traitement statistique des données récoltées et dans un souci

de gain de temps, nous avons veillé à coder au possible les données qualitatives par un

système de réponses hiérarchisées sous forme de données quantitatives. Enfin, il nous a fallu

le diffuser via différents médias (téléphone, fax, l’Internet, contact direct sur les marchés)

afin d’atteindre un maximum de producteurs.

Contenu : 17 questions réparties en 5 parties :

1ère partie (5 questions): description de l’exploitation

Difficulté pour la question concernant le niveau de formation, attention à ne pas vexer les

exploitants !

2ème partie (3 questions): Vente (quantité distribuée, mode de distribution)

3ème partie (2 questions): conseils (techniques et financiers)

4ème partie (3 questions): Motivations. Longévité de l’exploitation, image, raisons du

choix de la conversion en bio

5ème partie (4 questions): Résultats et avenir (résultats économiques et évolution

envisagée)

L’intégralité du questionnaire est disponible en annexe.

Voici un rapide schéma des motivations potentielles des producteurs d’AB que nous

avons cherchées à mettre en valeur par le questionnaire :

Les motivations des producteurs Bio

MOTIVATIONS

Niveau de

formation

Retombées

financières

Image

publique

Ecoulement de la

production

?

? ?

?

37

III.Analyse des résultats de l’enquête

Une première analyse des résultats à partir des pourcentages obtenus

Il ne nous a pas été facile de tirer des conclusions pertinentes de nos questionnaires,

aussi bien à partir des simples pourcentages qu’à la suite d’une analyse statistique plus fine.

Tournons-nous pour l’instant vers les pourcentages, que nous tacherons de présenter de la

manière la plus parlante et cohérente possible (l’intégralité de ces pourcentages est fournie en

annexe).

Tout d’abord, concernant la structure des exploitations, quasiment tous les agriculteurs

interrogés produisent uniquement en AB, dont la moitié depuis plus de 10 ans et 14% depuis

moins de 5 ans. Les exploitations sont à 50% des fermes individuelles et à 38% des EARL,

alors que les moyennes des exploitants d’Ille et Vilaine sont de 54% de fermes individuelles

et 28% d’EARL.

Les gérants des exploitations sont des hommes à 85%. Le niveau de formation est

assez hétérogène : 33% des agriculteurs interrogés sont titulaires d’un BTS, 28% d’un

Baccalauréat, 20% sont issus d’une formation supérieure (type école d’ingénieur ou licence),

et enfin 19% ont un CAP.

En ce qui concerne la commercialisation de leurs produits, 23 % des producteurs

interrogés font appel à la grande distribution, et 50% préfèrent un circuit de distribution

spécialisée. D’autre part, 80% des exploitants font de la vente directe, 10% sont rattachés à

une coopérative, et seulement 4% font de la restauration collective. Rappelons alors que 34%

des agriculteurs bretons qui font de la vente directe sont en bio.

Venons-en à la façon dont les producteurs pensent que l’AB est considérée par la

société. Selon 77% des exploitants interrogés, l’AB est bien perçue par les propriétaires des

parcelles qu’ils exploitent, le reste d’entre eux pense qu’ils sont mitigés sur la question. De

plus, parmi les producteurs interrogés, 64% considèrent que l’AB est bien perçue par leur

réseau professionnel, 77% estiment que les autres exploitants sont mitigés concernant l’AB,

73% avancent que la famille a une vision positive de l’AB et 95% pensent que les

consommateurs ont une image positive de l’AB. Enfin, 60% des agriculteurs interrogés ont un

voisinage favorable à l’AB. Quant à leurs motivations, 60% des agriculteurs interrogés se sont

orientés vers l’AB pour l’environnement.

Concernant les revenus tirés de l’AB, les activités de la ferme représentent la majorité

du revenu pour 86% des exploitants. Les subventions et aides ne représentent la principale

rente que pour 9% des exploitants contrairement aux exploitants conventionnels, mais

représentent le deuxième apport pour 67%. Les activités de diversification ou extraexploitation

n'apparaissent que comme des compléments de revenu. Le conseil technique le

plus demandé est celui des associations d'exploitants, type agribio35. Ceci peut s'expliquer par

le fait que les personnes interrogées apparaissaient dans leurs publications. On note par

ailleurs que les fermiers se consultent mutuellement. Les conseils administratifs et financiers

sont prodigués par les réseaux d'agriculteurs type agribio35 et par des formations comptables.

38

Analyse statistique

Méthodologie

Le questionnaire étant construit autour de questions à variables qualitatives, nous

avons opté pour l’analyse des données par une étude statistique en Analyse des

Correspondances Multiples (méthode ACM).

L’étude se porte donc sur une population de 24 individus décrits par 46 variables

qualitatives et 6 quantitatives.

Remarque : Toutes les variables doivent être qualitatives afin d’avoir des données homogènes

que l’on peut traiter en entier par ACM. Ainsi, par exemple, les variables continues ont été

codées par classes ou en intervalles de variation afin d’obtenir des variables qualitatives.

Limites de cette méthode : généralement, dans une statistique par ACM les individus sont très

nombreux et ne sont connus que par leurs caractéristiques présentes dans le tableau de

données. Or notre enquête ne comporte que peu d’individus (seuls 24 réponses obtenues).

Cela conduit à des résultats faussés et peu interprétables.

L’interprétation des résultats de l’ACM s’effectue en trois étapes :

- Etudier la liaison ou contribution d’une variable par la consultation systématique des

coefficients qui mettent en évidence les variables les plus liées a chacun des facteurs.

- Etudier pour chaque axe, les variables actives, au vu des coordonnées des modalités.

On peut noter qu’en ACM, la qualité de représentation des modalités est en elle-même

un indicateur peu pertinent. Les modalités d’une même variable étant orthogonales,

elles ne peuvent être simultanément bien représentées sur un axe. Ainsi, même si la

significativité des axes est basse (ce qui correspond à un pourcentage faible),

l’interprétation est possible.

- Dégager des tendances de groupes de personnes : les modalités regroupées sur les axes

caractérisent un groupe d’individus.

Les modalités possédées par les mêmes individus sont confondues dans l’espace. Les

modalités éloignées du centre des axes sont des comportements rares.

Commentaires des résultats statistiques

Afin de comparer deux à deux les variables les plus explicatives du comportement des

producteurs, la méthode implique de sélectionner les axes les plus significatifs. Dans notre cas

il s’agit le plus souvent des axes 1 et 2 sur lesquels nous observons la répartition des individus

par rapport au lien motivation/X (où X est une variable supposée explicative).

Ainsi, nous avons réalisé trois études, cherchant à mettre en évidence les liens suivants :

- motivation / conseils reçus (pour établir la relation du producteur avec son entourage

et l’origine de la technique de production)

- motivation / mode d’écoulement de production (pour identifier les marchés ciblés par

les différents producteurs)

39

- motivation / partition du revenu (pour prendre en compte les motivations pécuniaires

et la compétitivité des exploitations). Pour cette corrélation nous avons étudié la

répartition des producteurs sur deux axes (1 ; 2) et (1 ; 5).

Les tableaux de définition des axes et des variables (Cf. annexes) nous indiquent selon

quelle répartition les variables se font placées.

Ainsi, selon la description des axes fourni par SPAD, on constate que seul l’axe (ou

facteur) 1 représente globalement une répartition significative : le haut de l’axe représente les

individus demandant des conseils techniques et administratif tandis que le bas de l’axe

représente les individus correspond à ceux qui ne demandent aucun conseil.

-4 -3 -2 -1 0

-3

-2

-1

0

1

Facteur 1 - 12.15 %

Facteur 2 - 8.67 %

ct_autres_fermiers

04

06

16

19

1cahier_des_charge

1conviction_pers

1image_publique

1possibilité_diversi

2image_publique 1risque_produits_chi

3cahier_des_charge

3environnement

3parcelle_f in_de_con

ct_minagri

ct_chbragri

ct_CRouL

ct_spe_enviro

ct_techagro

ct_prive

pas_ct_assocagri

ct_fourni_intrants

ct_famille

ca_chbragri

ca_spe_enviro ca_CRouL

ca_techagro

ca_fourn_intrants

ca_banque

ca_autre_fermier

ca_famille

Graphe 1 des individus et des variables : confrontation conseils reçus et motivations

40

-4 -3 -2 -1 0

-1.50

-0.75

0

0.75

1.50

Facteur 1 - 12.15 %

Facteur 4 - 7.50 %

04

08

16

17

1possibilité_diversi

1qualité_alimentaire

1risque_produits_chi

2cahier_des_charge

2image_publique

3cahier_des_charge

3image_publique

3parcelle_f in_de_con

3possibilité_diversi

grde_distrib

pas_vente_ferme

cooperative

restau_collec

Graphe 2 des individus et des variables : confrontation motivations et nature de

l’écoulement de la production

-4 -3 -2 -1 0

-3

-2

-1

0

1

Facteur 1 - 12.15 %

Facteur 2 - 8.67 %

1cahier_des_charge

1conviction_pers

04

06

1subvention_aide

1image_publique

1possibilité_diversi

2activité_de_la_ferm

1risque_produits_chi

16

2activité_extra_expl

19

2subvention_aides

2image_publique

3activité_diversif ic

*Reponse manquante*

3cahier_des_charge

3environnement

3activité_extra_expl

3parcelle_f in_de_con

3subvention_aides

Graphe 3 des individus et des variables : confrontation motivations et importance des

différentes activités dans le revenu

41

-4 -3 -2 -1 0

-3

-2

-1

0

1

Facteur 1 - 12.15 %

Facteur 2 - 8.67 %

01

04

06

16

19

1cahier_des_charge

1conviction_pers

1image_publique

1possibilité_diversi

1qualité_alimentaire

1risque_produits_chi

2image_publique

3cahier_des_charge

3environnement

3parcelle_fin_de_con

BAC

BTS

ingénieur

ct_minagri

ct_chbragri

ct_CRouL

ct_spe_enviro

ct_techagro

ct_prive

pas_ct_assocagri

ct_fourni_intrants

ct_famille

ca_chbragri

ca_CRouL

ca_spe_enviro

ca_techagro

ca_resagri

ca_fourn_intrants

ca_banque

ca_autre_fermier

ca_famille

pas_vente_directe

cooperative

restau_collec

Graphe 4 des individus et des variables : confrontation niveau de formation, conseils reçus,

écoulement de production et motivations

L’analyse des graphes devrait nous permettre d’identifier la répartition des producteurs

grâce à une opposition clairement visible. Le manque de données entraînant dans les cas

présentés ici une significativité très faible, il nous a été difficile d’orienter de manière certaine

les axes de répartition. Nous avons tout de même pu définir des tendances. Ainsi dans le

premier graphe, on distingue sur l’axe 1 une graduation opposant à une extrémité une absence

de conseil et à l’autre les producteurs les mieux conseillés.

Cependant, il est à noter qu’en raison du manque de données et probablement aussi à

cause de la similitude des profils interrogés, les graphes présentés ne sont pas analysables car

extrêmement peu significatifs (12,15%). Les résultats pourraient être intéressants si l’on

poursuivait l’enquête auprès des 393 producteurs d’Ille et Vilaine.

On observe globalement que la majorité des individus ont des comportements et des

motivations identiques puisqu’ils se situent dans la zone moyenne du graphe, c’est-à-dire au

centre des axes. Ces individus dits « moyens » ont donc des choix identiques et ne peuvent

prêter à une interprétation particulière. Cette faible variabilité peut s’expliquer par le fait que

42

l’enquête a été menée en grande majorité auprès des producteurs biologiques membres de

l’AGROBIO 35, qui nous a fourni leur coordonnées.

Conclusion

Notre groupe de travail se voit donc dans l'incapacité de tirer de réelles conclusions

des données récoltées du fait du petit nombre de questionnaires remplis, du regroupement de

presque tous les individus au centre des graphes des ACM, et ne peut donc mettre uniquement

en avant la pertinence de l'idée de départ qui était de se concentrer sur les motivations des

producteurs face aux attentes des consommateurs.

43

Annexes

Annexe 1 : le questionnaire d’enquête

Groupe : Production de données

Questionnaire d’enquête :

Quelles sont les motivations des producteurs Bio d’Ille

et Vilaine ?

2006 / 2007

44

Première partie : L’exploitation

1. Quel est le statut de votre exploitation ?

Ferme individuelle

Exploitation en GAEC 

EARL 

SCEA 

Autres 

2. Sexe du gérant de l’exploitation :

Masculin  Féminin 

3. Informations sur les gérants de l’exploitation (entourez le chiffre)

Age Niveau de formation agricole

Gérant principal

CAP, BEP 1

BAC général, pro, technique 2

BTS (bac+2) 3

License, maîtrise 4

Ingénieur BAC+5, Master 2 5

Gérant secondaire

CAP, BEP 1

BAC général, pro, technique 2

BTS (bac+2) 3

License, maîtrise 4

Ingénieur BAC+5, Master 2 5

4. Combien de personne travaillent sur l’exploitation (y compris

membres de la famille et employés)…

5. Type de propriété:

Surface de l’exploitation (total

UAA in ha)

Propriétaire (ha)

Bail long terme (ha)

Bail court terme (ha)

45

Deuxième partie : Vente

6. Quelle part de votre production vendez-vous en Bio?

0 % < 25 % 25 – 50 % 50 – 75 % 75 – 100 %

7. Sur quel type de marché vendez-vous votre production?

grande distribution .

distribution spécialisée .

vente directe (marché) .

vente à la ferme .

8. . Ecoulez-vous toute votre production?

a) oui .

b) non .

46

Troisième partie : Conseils

9. De quel type d’organisation ou personne recevez-vous des conseils

techniques?

Conseiller du ministère de l’agriculture

Conseiller d’une chambre d’agriculture

Conseiller régional ou local

Conseiller spécialisé environnement

Technicien agronome

Conseil privé (vétérinaire….)

Association d’exploitants

Fournisseurs en intrants

Autres fermiers

Familles

10.De quels types d’organisations ou de personne recevez-vous des

conseils administratifs et financiers?

Ministère de l’agriculture

Chambre d’agriculture

Conseil regional ou local

Conseiller spécialisé environnement

Technicien agronome

Réseau d’agriculteur

Conseilleur des entreprises avals (coopérative,

IAA)

Fournisseurs en intrants

Banque

Autres fermiers

Famille

47

Quatrième partie : Motivations

11.Depuis quand êtes-vous en bio?

Moins de 5 ans 

Entre 5 et 10 ans 

Plus que 10 ans 

12.Selon vous comment est perçue l’agriculture biologique par ces

différentes catégories de personne?

Positive Négative Mitigée

Propriétaires de vos

parcelles   

Votre réseau

professionnel   

Les autres exploitants   

Famille   

Voisinage   

Consommateurs   

13.Indiquez, parmi les raisons suivantes celles qui furent importantes

dans votre choix de produire bio.

Donner une seule réponse par ligne, et classer les 3 1ères par ordre d’importance.

Ordre

Parcelles en fin de contrat de location

Rentabilité

Retombées environnementales

Mise aux normes

Image publique de l’agriculture bio

Cahier des charges (production déjà proche du bio donc peu contraignant

Possibilités de diversification (tourisme vert, vente directe…)

48

Cinquième partie : Résultats et avenir

14.Le résultat de votre exploitation a-t-il augmenté depuis votre passage

en bio ?

a) oui .

b) non .

15.Classez, parmi les propositions suivantes, celles qui participent le plus

à votre revenu total par ordre d’importance :

Ordre

Je ne participe pas à cette

activité

a) Activités de la ferme

b) Activités de diversification (gîte, accueil…)

c) Activités extra exploitation (autre activité

professionnelle ou associative)

d) Subventions, aides…

16.Quel est le projet d’évolution de votre exploitation dans les 2 ans à

venir?

Choisissez une seule réponse

Développer l’activité 

Continuer sans rien changer 

Reprise de l’exploitation par un membre de la famille (héritage) 

Vente/ location, pour activités agricoles 

Vente/ location pour activité non agricole 

17.Quel est le projet d’évolution de votre exploitation dans les 5 ans à

venir?

Choisissez une seule réponse

Développer l’activité 

Continuer sans rien changer 

Reprise de l’exploitation par un membre de la famille (héritage) 

Vente/ location, pour activités agricoles 

Vente/ location pour activité non agricole

Annexe 2 : Pourcentages obtenus avec nos résultats

49

STATISTIQUES USUELLES DES VARIABLES

TRIS A PLAT DES VARIABLES NOMINALES

------ EFFECTIFS -------

ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

1 . statut_exploit

AA_1 - EARL 8 36.36 38.10 ******************

AA_2 - GAEC 1 4.55 4.76 ***

AA_3 - autres 1 4.55 4.76 ***

AA_4 - ferme_individuelle 11 50.00 52.38 *************************

ENSEMBLE 21 95.45 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

2 . sexe1

AB_1 - F 3 13.64 14.29 *******

AB_2 - M 18 81.82 85.71

****************************************

ENSEMBLE 21 95.45 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

4 . niv_formation

AC_1 - BAC 6 27.27 28.57 **************

AC_2 - BTS 7 31.82 33.33 ****************

AC_3 - CAP 4 18.18 19.05 *********

AC_4 - ingénieur 2 9.09 9.52 *****

AC_5 - license_maîtrise 2 9.09 9.52 *****

ENSEMBLE 21 95.45 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

10 . part_bio

AD_1 - <25% 1 4.55 4.55 ***

AD_2 - >75% 21 95.45 95.45

********************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

11 . grde_distrb

AE_1 - grde_distrib 5 22.73 22.73 ***********

AE_2 - pas_grde_distrib 17 77.27 77.27

************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

12 . distrib_spe

AF_1 - distrib_spe 11 50.00 50.00 ************************

AF_2 - pas_distrib_spe 11 50.00 50.00 ************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

13 . vente_directe

AG_1 - pas_vente_directe 4 18.18 18.18 *********

AG_2 - vente_directe 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

14 . vente_ferme

50

AH_1 - pas_vente_ferme 10 45.45 45.45 *********************

AH_2 - vente_ferme 12 54.55 54.55 **************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

15 . coopérative

AI_1 - cooperative 2 9.09 9.09 *****

AI_2 - pas_cooperative 20 90.91 90.91

******************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

16 . restauration_collective

AJ_1 - pas_restau_collec 21 95.45 95.45

********************************************

AJ_2 - restau_collec 1 4.55 4.55 ***

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

17 . ct_ministere_agri

AK_1 - ct_minagri 1 4.55 4.55 ***

AK_2 - pas_ct_minagri 21 95.45 95.45

********************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

18 . ct_chambre_agri

AL_1 - ct_chbragri 4 18.18 18.18 *********

AL_2 - pas_ct_chbragri 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

19 . ct_CR_ou_local

AM_1 - ct_CRouL 4 18.18 18.18 *********

AM_2 - pas_ct_CRouL 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

------ EFFECTIFS -------

ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

20 . ct_spe_en_enviro

AN_1 - ct_spe_enviro 4 18.18 18.18 *********

AN_2 - pas_ct_spe_enviro 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

21 . ct_techniciens_agro

AO_1 - ct_techagro 4 18.18 18.18 *********

AO_2 - pas_ct_techagro 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

22 . ct_privés

51

AP_1 - ct_prive 4 18.18 18.18 *********

AP_2 - pas_ct_prive 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

23 . ct_assoc_exploitants

AQ_1 - ct_assocagri 14 63.64 63.64 ******************************

AQ_2 - pas_ct_assocagri 8 36.36 36.36 *****************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

24 . ct_fournisseurs_intrants

AR_1 - ct_fourni_intrants 5 22.73 22.73 ***********

AR_2 - pas_ct_fourni_intran 17 77.27 77.27

************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

25 . ct_autres_fermiers

AS_1 - ct_autres_fermiers 10 45.45 45.45 *********************

AS_2 - pas_ct_autres_fermie 12 54.55 54.55 **************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

26 . ct_famille

AT_1 - ct_famille 4 18.18 18.18 *********

AT_2 - pas_ct_famille 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

27 . ca_chambre_agri

AU_1 - ca_chbragri 3 13.64 13.64 *******

AU_2 - pas_ca_chbragri 19 86.36 86.36

****************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

28 . ca_CR_ou_local

AV_1 - ca_CRouL 5 22.73 22.73 ***********

AV_2 - pas_ca_CRouL 17 77.27 77.27

************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

29 . ca_spe_enviro

AW_1 - ca_spe_enviro 2 9.09 9.09 *****

AW_2 - pas_ca_spe_enviro 20 90.91 90.91

******************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

30 . ca_techniciens_agro

AX_1 - ca_techagro 2 9.09 9.09 *****

AX_2 - pas_ca_techagro 20 90.91 90.91

******************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

52

31 . ca_reseau_agri

AY_1 - ca_resagri 8 36.36 36.36 *****************

AY_2 - pas_ca_resagri 14 63.64 63.64 ******************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

32 . ca_fournisseu_intrant

AZ_1 - ca_fourn_intrants 2 9.09 9.09 *****

AZ_2 - pas_ca_fourn_intrant 20 90.91 90.91

******************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

33 . ca_comptabilité

BA_1 - ca_compta 7 31.82 31.82 ***************

BA_2 - pas_ca_compta 15 68.18 68.18 ********************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

34 . ca_banques

BB_1 - ca_banque 3 13.64 13.64 *******

BB_2 - pas_ca_banque 19 86.36 86.36

****************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

------ EFFECTIFS -------

ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

35 . ca_autre_fermier

BC_1 - ca_autre_fermier 4 18.18 18.18 *********

BC_2 - pas_ca_autre_fermier 18 81.82 81.82

**************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

36 . ca_famille

BD_1 - ca_famille 1 4.55 4.55 ***

BD_2 - pas_ca_famille 21 95.45 95.45

********************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

37 . anciennete_bio

BE_1 - entre_5_10ans 8 36.36 36.36 *****************

BE_2 - moins_5ans 3 13.64 13.64 *******

BE_3 - plus_10ans 11 50.00 50.00 ************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

38 . propr_parcelle

BF_1 - prop_parcel+ 17 77.27 77.27 ************************************

BF_2 - prop_parcel= 5 22.73 22.73 ***********

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

39 . res_pro

BG_1 - res_pro+ 14 63.64 63.64 ******************************

53

BG_2 - res_pro- 1 4.55 4.55 ***

BG_3 - res_pro= 7 31.82 31.82 ***************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

40 . autre_exploit

BH_1 - autre_exploit+ 3 13.64 13.64 *******

BH_2 - autre_exploit- 2 9.09 9.09 *****

BH_3 - autre_exploit= 17 77.27 77.27

************************************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

41 . famille

BI_1 - famille+ 16 72.73 72.73 **********************************

BI_2 - famille- 1 4.55 4.55 ***

BI_3 - famille= 5 22.73 22.73 ***********

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

42 . voisinage

BJ_1 - voisinage+ 13 59.09 59.09 ****************************

BJ_2 - voisinage- 2 9.09 9.09 *****

BJ_3 - voisinage= 7 31.82 31.82 ***************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

43 . consommateurs

BK_1 - conso+ 21 95.45 95.45

********************************************

BK_2 - conso= 1 4.55 4.55 ***

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

44 . mp_rep_pref1

BL_1 - cahier_des_charges 1 4.55 4.55 ***

BL_2 - conviction_personnel 1 4.55 4.55 ***

BL_3 - environnement 13 59.09 59.09 ****************************

BL_4 - image_publique 2 9.09 9.09 *****

BL_5 - possibilités_diversi 2 9.09 9.09 *****

BL_6 - qualité_alimentaire_ 2 9.09 9.09 *****

BL_7 - risques_produits_chi 1 4.55 4.55 ***

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

45 . mp_rep_pref2

BM_1 - cahier_des_charges 3 13.64 15.00 *******

BM_2 - environnement 5 22.73 25.00 ************

BM_3 - image_publique 4 18.18 20.00 **********

BM_4 - possibilités_diversi 8 36.36 40.00 *******************

ENSEMBLE 20 90.91 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

46 . mp_rep_pref3

BN_1 - cahier_des_charges 5 22.73 33.33 ****************

BN_2 - environnement 1 4.55 6.67 ****

BN_3 - image_publique 3 13.64 20.00 **********

BN_4 - parcelles_fin_de_con 1 4.55 6.67 ****

54

BN_5 - possibilités_diversi 4 18.18 26.67 *************

BN_6 - rentabilité 1 4.55 6.67 ****

ENSEMBLE 15 68.18 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

------ EFFECTIFS -------

ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

47 . augmentation_res

BO_1 - aug_res 17 77.27 85.00

****************************************

BO_2 - pas_aug_res 3 13.64 15.00 *******

ENSEMBLE 20 90.91 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

48 . pp_rep_pref1

BP_1 - activités_de_la_ferm 19 86.36 86.36

****************************************

BP_2 - activités_diversific 1 4.55 4.55 ***

BP_3 - subventions_aides 2 9.09 9.09 *****

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

49 . pp_rep_pref2

BQ_1 - activités_de_la_ferm 2 9.09 13.33 *******

BQ_2 - activités_diversific 2 9.09 13.33 *******

BQ_3 - activités_extra_expl 1 4.55 6.67 ****

BQ_4 - subventions_aides 10 45.45 66.67 *******************************

ENSEMBLE 15 68.18 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

50 . pp_rep_pref3

BR_1 - activités_diversific 3 13.64 60.00 ****************************

BR_2 - activités_extra_expl 1 4.55 20.00 **********

BR_3 - subventions_aides 1 4.55 20.00 **********

ENSEMBLE 5 22.73 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

51 . evolution_2ans

BS_1 - développer_activité 11 50.00 50.00 ************************

BS_2 - héritage 1 4.55 4.55 ***

BS_3 - rien_changer 10 45.45 45.45 *********************

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

52 . evolution_5ans

BT_1 - développer_activité 15 68.18 68.18 ********************************

BT_2 - héritage 2 9.09 9.09 *****

BT_3 - rien_changer 5 22.73 22.73 ***********

ENSEMBLE 22 100.00 100.00

-----------------------------------------------------------------------------------------------------

55

C. EBAUCHE DE MODELISATION

Le 9 Novembre 2006, dans une douzaine de départements de France, des exploitants

agricoles, pour la plupart producteurs biologiques, jeûnent pour dénoncer l’iniquité des aides

agricoles actuelles. En cause, la mise en place du découplage des aides commandé par la

réforme 2003 de la PAC et plus particulièrement le choix de la France, jugé « absurde » de la

référence historique individuelle pour répartir les DPU (droits à paiement unique).

Loin de s’engager dans des débats partisans, ce travail de modélisation propose de

formaliser l’impact différentiel de la dernière réforme de la PAC sur les aides reçues par les

agriculteurs conventionnels et biologiques en s’appuyant sur le cas d’une exploitation

céréalière.

Dans un premier temps, la fonction de production de l’exploitation prend en compte le

facteur pesticide, dans un second temps on inclue également un facteur terre.

I- Détermination d’une aide spécifique à l’agriculture biologique incitant

à la conversion

A. Détermination d’une fonction de production spécifique

Dans un premier temps, l’objectif du modèle fut de déterminer un effet seuil de rentabilité

de la conversion en agriculture biologique des agriculteurs suivant une pratique

conventionnelle. Pour atteindre cet objectif, une simplification de la réalité (en passant par

une réduction des paramètres pris en compte dans le modèle) permit de formaliser le

problème.

Le travail se divise en deux étapes. La première porte sur la formalisation de la technologie, et

conduit à la formalisation économique, seconde étape de la modélisation.

Le type d’exploitation considéré dans un premier temps est une exploitation laitière bretonne

moyenne. Ce choix découle de l’observation que les agriculteurs bretons jeunant pour

dénoncer le système de DPU étaient majoritairement des éleveurs laitiers.

Soient F : fonction de production de l’agriculture conventionnelle

G : fonction de production de l’agriculture biologique

Yj : un vecteur de facteur de production Yj= (yj1,…,yjI)

On pose Fj(Yj)= 0

· Formalisation de la technologie :

L’objectif de cette première étape est de déterminer les facteurs de production pertinents et

communs aux deux types d’agriculture étudiés.

Par exemple, Y= (y1, y2, y3,y4,y5)

avec y1 : STH, la surface de terre en herbe

y2 : SAU

y3 : UTA

y4 : ya, la production animale

y5 : yv, la production végétale

56

· Formalisation économique :

La deuxième étape consiste à déterminer le niveau d’aide découplée (DPU) pour lequel le

profit de l’agriculteur, s’il passe au biologique, est égal à celui qu’il a avec des pratiques

conventionnelles.

On recherche donc tout d’abord, le profit optimal pour les deux types d’agriculture.

Soit en agriculture conventionnelle : Soit en agriculture biologique :

Max  pi*yic + DPUc* SAU Max  pi*Yib + DPUb* SAU

Sous contrainte Fj(y1,…, yI)=0 Sous contrainte Gj(y1,…,yI)=0

=> *

conv => *

bio

Avec DPUconv= h (SAU, UTB…) Avec DPUbio= h’ (SAU, UTB,Externalité

positive…)

L’initiative porte sur la détermination d’un DPU spécifique à l’ agriculture biologique qui

prenne en compte des facteurs supplémentaires tels que les externalités positives des pratiques

associées à cette agriculture.

On cherche à déterminer : DPUbio (SAU, UTB, Externalité positive…) tel que *

conv = *

bio

Cette première approche aurait nécessité la définition précise des fonctions de production des

deux types d’agriculture afin de réaliser la formalisation économique. De plus, un calcul basé

sur une subvention supérieure pour le bio doit passer par une définition claire des coûts de

cette pratique non internalisés dans la DPU que reçoivent actuellement les agriculteurs

biologiques, à savoir le coût supplémentaire de la main d’oeuvre et le plus grand besoin de

surface. Il faut également considérer les externalités positives sur l’environnement.

Par exemple, DPUbio= DPUconv + SAUbio + Extbio +  (UTA/SAU)

B. Modèle simplifié

Nous prenons le cas d’un exploitant conventionnel dont les seules préoccupations sont d’ordre

économique. Nous excluons donc les démarches motivées par des considérations autres

(éthiques, conscience du bien-être collectif, militantisme…).

Nous considérons un modèle simplifié où l’agriculture biologique, du fait de rendements plus

faibles et de coûts de production plus élevés (moins d’économies d’échelle), génère moins de

profit que l’agriculture conventionnelle.

L’hypothèse forte de cette démarche est qu’un agriculteur prendra la décision de se convertir

au biologique si le profit généré par cette nouvelle pratique est au moins égal à son profit

actuel.

Dans ce sens, les deux études présentées ci-dessous visent à établir une subvention destinée à

l’agriculteur biologique, permettant d’égaliser les revenus des deux types d’agriculteurs.

La tentative de détailler une fonction de production caractérisant une exploitation laitière

bretonne typique ayant tourné court, nous considérons à présent une exploitation laitière

57

céréalière, et utilisons une fonction non spécifique et simplifiée : elle ne tient compte que d’un

facteur de production, la quantité d’engrais X utilisée. Dans le cas de l’agriculture biologique

on pose donc x = 0.

Les deux types d’agriculture sont différenciés par le prix de marché des productions, et

l’utilisation ou non d’engrais comme facteur de production.

Soient f(x) la fonction de production

x la quantité de pesticides utilisée

x w le prix unitaire des pesticides

c p le prix des céréales conventionnelles

b p le prix des céréales biologiques

S le DPU (découplé)

A une aide spécifique incitant à la conversion

Soit c le profit de l’agriculteur en mode conventionnel

c = c p f(x) + S - x w x

Soit b le profit de l’agriculteur en mode biologique

b = b p f(0) + S + A

Remarque concernant le DPU : le DPU étant établi sur une référence historique des aides

touchées en 2000-2002, que l’agriculteur se convertisse ou non, il touchera un droit identique.

Ainsi les deux relations font intervenir un même S.

L’égalisation des profits nous amène à la relation suivante :

A = c p f(x) - b p f(0) - x w x

Cette relation semble évidente et cohérente puisqu’elle définit l’aide qu’il faudrait apporter à

l’exploitant biologique comme le surplus de recette du conventionnel (différentiel des

recettes), auquel on soustrait les coûts d’intrants que l’agriculteur biologique n’a pas à

supporter.

Ce résultat certes pertinent ne permettant pas d’affiner notre réflexion, nous changeons

d’objectif et de démarche : nous allons à présent étudier les modifications engendrées par le

passage d’une subvention couplée à la production à un droit à paiement unique découplé.

II- Impact de la dernière réforme de la PAC sur les agricultures

conventionnelle et biologique

Nous continuons l’étude d’une ferme céréalière en mode biologique ou conventionnel. Dans

un premier temps, nous nous penchons sur la situation pré- réforme : les subventions sont

couplées à la production. Dans un deuxième temps, nous étudions l’exploitation après la

réforme, en considérant que toutes les aides reçues par l’agriculteur sont découplées (DPU).

Nous supposerons que les aides touchées avant réforme sont égales aux DPU.

58

Présentation du modèle :

Cette étude utilise une fonction de production f(x) et des notations identiques à celles utilisées

précédemment. Nous ajoutons pour ce modèle la subvention pré-réforme s (couplée à la

production).

A. Cas de l’agriculture conventionnelle

 Avant réforme :

Max a = (pc + s) f(x) – x w x

A l´optimum, (pc + s) fx (x°) = wx

D´où a = pcf(x°) + sf(x°) - x w

On pose sf(x°) = Sc

 Après réforme :

Max p = pcf(x) – x w x + S

A l´optimum, pcf x (x*) = wx

d´où p = pcf(x*) – x w x* + Sc

On a x° > x* car la productivité marginale en valeur est plus faible après la réforme :

on suppose en effet que le découplage des aides incite à une moindre utilisation des

pesticides.

·Comparaison des situations avant / après réforme pour l’agriculture conventionnelle :

On compare ensuite a et p, ce qui revient à comparer :

pcf(x°) - x w ° et pcf(x*) – x w x*

Or, pcf(x) – x w x = (0, x° ) (pcfx(u) – x w )du

et pcf(x*) – x w x*= (0, x*) (pcfx(u) – x w )du

On compare donc (0, x°) (pcfx (u) – x w )du et (0, x*) (pcf ´(u) – x w )du :

a - p = ( x*, x°) (pc fx(u) x w ) du =

(0, x°) (pcf ´(u) – x w )du (zone rose - zone jaune) est inférieur à (0, x*) (pcf ´(u) – x w )du (zone

rose) : ainsi le profit après réforme est supérieur au profit avant réforme

59

Graphique 1 : Profits avant et après réforme

En effet, la réforme incite à une moindre consommation de pesticides, ce qui engendre une

moindre production. Cependant, le gain lié à la baisse de coût de production est relativement

supérieur à la perte liée à la baisse de production (on suppose le prix constant).

B. Cas de l’agriculture biologique

 Avant réforme :

a = (pb + s) f(0)

 Après réforme :

p = pb f(0) + Sb

On pose Sb = sf(0) car on égalise le DPU post réforme à l´aide qui était touchée avant la

réforme.

60

B. Comparaison des deux types d’agriculture

· Comparaison des subventions perçues et des profits réalisés

On obtient Sc = sf (x°) > Sb = sf (0) car l’utilisation de pesticide augmente la productivité :

Ce supplément de subvention (S°- S0) touché par l´agriculteur conventionnel dans la situation

avant réforme correspond à la zone hachurée sur le graphique 1 :

En effet, (0, x°) [(pc+s) f ´(u) – pb f ´(u)]du = s [f(x°) – f(0)] = S° - S0

Ainsi on a : a = p pour l’exploitation biologique.

D´où : bio < conv

L´agriculture conventionnelle est plus aidée que l´AB : l´AB reçoit moins d’aides, que ce soit

avant ou après reforme.

L´AB est encore pénalisée par rapport à l’agriculture conventionnelle : après la réforme,

l´agriculteur conventionnel voit son profit augmenter, alors que le profit biologique stagne.

· Instauration d’une prime de reconnaissance pour inciter à la conversion

On instaure une prime de reconnaissance R destinée aux agriculteurs biologiques, afin

d´égaliser leur profit à celui des agriculteurs conventionnels.

 Avant réforme :

(pc + s)f(x°) - x w x° = (pb + s)f(0) + Ra

d´où Ra = pcf(x°) -wx x° - pbf(0) + Sc - Sb

 Après réforme:

Pcf(x*) – x w x* = pbf(0) + Rp

61

On n´intègre pas les DPU car l´agriculteur qui songe à se convertir touchera les DPU

conventionnels de référence (2000-2002).

d´où Rp = pcf(x*) – wx x* - pbf(0

Ainsi Ra – Rp = Sc- Sb - ( (x*) -  (x°))

avec (x°) = pcf(x°) - x w correspond à la zone jaune en négatif ;

 (x*) = pcf(x*) – x w x* correspond à la zone rose en positif.

Or  (x*) >  (x°)

Ainsi, une prime de reconnaissance moins élevée est nécessaire après la réforme. Les

agriculteurs sont plus incités à se convertir en biologique après la réforme, il est donc moins

nécessaire de les encourager avec des primes.

Nous souhaitons à présent complexifier ce modèle en ajoutant un facteur de production, le

facteur terre. A présent, nous ne considérons que la situation après réforme.

III- Introduction de la terre comme facteur de production supplémentaire

Nous désirons intégrer le facteur terre à la fonction de production. Deux possibilités se

présentent à nous :

- intégration du facteur terre de façon non différenciée entre les deux systèmes.

- intégration d’un différentiel de surface  dont à besoin l’exploitant biologique pour atteindre

une recette identique à celle de l’agriculteur conventionnel ; en effet, nous considérons que le

prix de vente des produits biologiques (supérieur à celui des produits conventionnels) ne

compense pas la productivité plus faible du système biologique. Il s’agit ici de substituer le

facteur terre au facteur engrais.

A. Introduction du facteur terre

Soient f(x,t) la fonction de production

x la quantité de pesticides utilisée

t la SAU

x w le prix unitaire des pesticides

wt le prix de la terre

c p le prix des céréales conventionnelles

b p le prix des céréales biologiques

S le DPU (découplé)

A l’aide à la conversion

Soit c le profit de l’agriculteur conventionnel

c = c p f(x,t) + S - x w x - wt t

62

Soit b le profit de l’agriculteur si biologique

b = b p f(0,t) + S +A - wt t

·Nous maximisons les profits

Tout d’abord le profit de l’exploitant conventionnel :

dc/dx = 0 Û c p fx(x*,t*) - x w = 0

dc/dt = 0 Û c p ft(x*,t*) - wt = 0

d’où x w / wt = fx(x*, t*)/ ft(x*,t*)

Ainsi, le rapport des prix des facteurs est égal au rapport des productivités marginales.

La maximisation du profit de l’agriculteur biologique est plus simple puisqu’elle ne fait pas

intervenir le facteur engrais :

b p ft(0,t°) = wt

·Egalisons les profits pour déterminer A

A = c p f(x,t) - x w x - b p f(0,t)

Nous obtenons donc le même résultat qu’en 1B, le facteur terre n’intervenant pas directement

dans l’aide mais uniquement par le biais de la fonction de production.

B. Introduction du différentiel de terre

On introduit  le surplus de terre dont à besoin l’exploitant biologique pour atteindre une

recette identique à celle de l’agriculteur conventionnel.

On définit donc  tel que pour tout x, f(x,0) = f(0,t)

Soit c le profit de l’agriculteur conventionnel

c = c p f(x,0) + S - x w x

Soit b le profit de l’agriculteur si biologique

b = b p f(0, ) + S +A - wt 

·Nous maximisons les profits

Profit de l’agriculteur conventionnel :

dc/dx = 0 Û c p fx(x*,0) - x w = 0

Profit de l’agriculteur biologique :

db/dt = 0 Û c p ft(0, *) - wt = 0

63

Ce programme nous permet d’extraire la quantité de pesticides x* et le surplus de terre *

optimaux maximisant chacun des profits. Nous calculons à partir de ceux-ci les profits

optimaux :

*

c = c p f(x*,0) + S - x w x*

*

b = b p f(0, *) + S +A - wt *

·Egalisons les profits pour déterminer A

Puisque  est défini de telle sorte que les recettes soient égales, on a : c p f(x*,0) = b p f(0, *)

L’objectif est toujours d’égaliser les profits et d’en déduire une prime incitant à la conversion,

ce qui nous amène à :

A= wt *- x w x*

La prime de conversion correspond au différentiel de coûts de production.

Conclusion

Fait unique en France, le conseil régional de Bretagne a décidé de l’attribution d’une

prime de reconnaissance aux agriculteurs biologiques. Cela n’effacera pas les inégalités de

répartition des DPU (liée à l’historique) entre les agriculteurs bio eux-mêmes. Néanmoins,

cette prime constitue une réelle reconnaissance des bienfaits de l’agriculture biologique pour

l’environnement.

64

D. REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DE L’AGRICULTURE

BIOLOGIQUE

Nous allons maintenant tenter de faire un argumentaire éthique en faveur de

l’agriculture biologique.

I. Quelles motivations pour l’agriculture biologique ?

1. Les origines de l’agriculture biologique

Les bases et les méthodes de l’agriculture biologique sont dans la continuité de celles

qui étaient utilisées par la plupart des paysans du siècle dernier. Cependant, elle s’est

formalisée lorsque les premiers protagonistes de ce mode de production refusèrent l’évolution

matérialiste de l’agriculture. Les premiers mouvements étaient liés à des courants spirituels ou

ésotériques puis sociologiques.

Dès la fin du XIXème siècle, un mouvement pour une hygiène naturelle existait en

Allemagne. Il s’inscrivait dans un courant de pensée contestant le développement industriel et

urbain. A la même période, aux Etats-Unis, des publications favorisèrent l’émergence de

l’agriculture biologique.

En Europe, trois principaux courants ont contribué à la naissance de l’agriculture

biologique.

· L’anthroposophie : un mouvement ésotérique

En 1924, Rudolf Steiner élabora les bases de l’agriculture bio-dynamique. L’agriculture

bio-dynamique accorde une importance particulière aux forces telluriques et cosmiques.

R. Steiner avait adhéré en 1899 à la Société théosophique américaine créée en réaction à

l’évolution vers le matérialisme des sociétés industrielles. Avec quelques dissidents, il fonda

l’Anthroposophie. Cette doctrine est définie comme une méthode scientifique exacte pour

l’investigation des mondes suprasensibles. R. Steiner place l’agriculture à la base de toute

société harmonieuse. A partir de ces thèses, Erhenfried Pfeiffer mit au point la méthode

biodynamique. Pour E. Pfeiffer, l’exploitation paysanne autonome est le seul point d’ancrage

solide dans une société en crise. La marque Demeter est ainsi née en Allemagne.

L’agriculture bio-dynamique s’est surtout développée en Allemagne et en Europe du

Nord.

· Le mouvement pour une agriculture organique

Le mouvement pour une agriculture organique est né en Grande-Bretagne après la

seconde Guerre Mondiale. Ce mouvement avait pour but de redonner à l’humus un rôle

fondamental dans l’équilibre biologique et la fertilité des terres. Il se basait sur les théories

développées par Sir Albert Howard dans son « Testament agricole » écrit en 1940.

Howard y déplorait notamment l’emploi d’engrais artificiels ou minéraux. Il préconisa

le retour à une « agriculture paysanne » autonome avec une attention particulière portée

aux phénomènes de la nature et à l’humus des sols. Après avoir vécu en Inde, Howard

était convaincu que la solution au problème de l’alimentation se trouvait non pas dans

65

l’adoption de techniques occidentales coûteuses en énergie mais dans l’association

culture-élevage. Howard mit au point une technique de compostage. Il souligna également

le rôle de la fertilité du sol dans la résistance des plantes au parasitisme.

Ces théories furent appliquées par la Soil Association en Grande-Bretagne. Elle a pour

objectifs la promotion d’une agriculture naturelle qui tienne compte de la relation vitale

entre la terre, la plante, l’animal et l’Homme mais également à la défense des sols grâce à

des techniques culturales raisonnées.

· Le mouvement pour l’agriculture organo-biologique

Le mouvement pour l’agriculture organo-biologique s’inspire d’un courant apparu en

Suisse en 1930 sous l’impulsion d’un homme politique, H. Muller. Ses objectifs sont

économiques et politiques : autarcie des producteurs, circuits courts entre la production et

la consommation …

Un médecin autrichien, Hans Peter Rush, met au point la méthode qui est mise en

oeuvre dans les années soixante. Rush croyait aux vertus du progrès technologique. Il

abandonna le principe de l’autonomie complète de l’exploitation agricole. Il estimait que

l’association culture-élevage n’est pas indispensable si l’agriculteur peut se procurer des

engrais organiques.

Les préoccupations de ce mouvement sont proches du mouvement écologique

naissant : protection de l’environnement, qualité de l’alimentation et développement des

énergies renouvelables.

Ce mouvement se développa en Allemagne, avec par exemple l’association Bioland,

en France, avec la fondation Nature et Progrès et en Suisse.

2. Introduction de l’agriculture biologique en France

Les principes de l’agriculture biologique ont été introduits en France après la Seconde

Guerre Mondiale. Constatant l’augmentation de cancers et de maladies mentales, des

consommateurs et des médecins incriminaient les produits chimiques utilisés en agriculture et

la transformation industrielle des productions agricoles.

Deux courants principaux ont contribué à faire pénétrer l’agriculture biologique en

France :

- un courant pour la santé par l’alimentation qui regroupait surtout des médecins et

des naturopathes au sein de l’Association FRançaise pour une Alimentation

Normale (AFRAN). Elle défendait les valeurs de la société paysanne telles que le

bons sens, le goût de l’effort et du travail, la famille ou la patrie.

- Un courant d’origine agricole lié à la « Soil association » qui préconisait la fertilité

des sols par l’humus.

La convergence de ces deux mouvements donna naissance en 1959 au Groupement

d’agriculteurs biologiques de l’ouest puis à l’Association française pour l’AB en 1962.

L’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movement) est né en 1972 et la

Fédération nationale de l’AB (FNAB) en 1975. L’agriculture biologique est reconnue au

niveau de l’Etat français dans la Loi d’orientation agricole de 1980.

L’agriculture biologique est définie en creux comme une « agriculture n’utilisant pas

de produit de synthèse ». Dans l’ouvrage « L’agriculture biologique » de 1970, Claude Aubert

définit l’agriculture biologique comme « une agriculture basée sur l’observation et les lois de

66

la vie qui consiste non pas à nourrir directement les plantes avec des engrais solubles mais les

être vivants du sol qui élaborent et fournissent aux plantes tous les éléments dont elles ont

besoin ».

3. Les motivations des acteurs

· Du coté du consommateur :

L'intérêt que perçoit –ou croit percevoir- le consommateur d'un produit biologique est

de deux sortes, qui peuvent ou non se cumuler. D'une part l'argument "santé" qui stipule que

la consommation de produits biologiques est meilleure pour la santé que celle des produits

traditionnels. Qu'il soit justifié ou non, cet argument relève d’un intérêt purement individuel.

D'autre part, le consommateur considère également l'argument "environnemental". La

consommation de produits biologiques induisant une production biologique sous-jacente, elle

est en effet vue par certains comme un moyen de protéger l'environnement. L'achat de

produits biologiques dans un intérêt environnemental est une action militante. Cet intérêt

environnemental est en ce qui le concerne un intérêt communautaire, car les bienfaits de cet

achat sur l'environnement seront bénéfiques à l'ensemble de la population, ou du moins n'est

pas restreint au consommateur de produits biologiques uniquement. Le consommateur qui

consomme des produits traditionnels perçoit tout de même les aménités positives résultantes

de la consommation de produits biologiques par d'autres consommateurs. Ce consommateur

se situe donc dans une situation de "passager clandestin": il profite d'un bien dont il n'a pas

contribué à la création.

Etant donné les formes d'intérêt que porte le consommateur aux produits biologiques,

faut-il considérer ces derniers comme des biens de luxe ou de première nécessité ? Nous

tenterons d’apporter des éléments de réponse par la suite.

· Du coté du producteur :

De leur côté, les producteurs se tournent vers le bio pour des intérêts également

individuels et communautaires, mais pour des raisons qui leurs sont propres. A travers la

préservation de l'équilibre et de la fertilité de ses sols, l'agriculteur biologique recherche à

optimiser le potentiel agricultural de ses terres sans pour autant faire l'achat de fertilisants.

Nul doute qu'il considère également ici l'optimisation de son profit financier, donc son intérêt

individuel. Mais en défendant également des objectifs de qualité de l'alimentation et de

maintien des potentiels de productions, l'agriculteur biologique défend également un intérêt

communautaire par la production de biens publics.

En revanche, s'il est un intérêt majeur que partagent l'ensemble des producteurs

biologiques, c'est la relation à la terre, à la nature, à l'environnement. C'est cette relation qui

les pousse à rejeter avec militantisme les pratiques agriculturales traditionnelles. D'une

manière générale, les producteurs biologiques conduisent leur activité avec la nature comme

référentiel, c’est-à-dire qu'ils conjuguent leurs objectifs aux caractéristiques de leurs sols et

aux capacités de la nature. Ainsi le rôle de l'agriculteur exerçant en mode biologique ne

s'arrêterait pas à la production de produits biologiques, mais se prolongerait par une mission

environnementale et sociale (par exemple plus de proximité avec le consommateur).

67

· Du coté du distributeur :

Dans les années 60, au commencement de la production certifiée biologique en

France, l'intégralité de la production était commercialisée par la vente à la ferme et sur le

marché local. Ces modes de distribution sont dénommés "circuits courts" : ils sont en effet

caractérisés par un rapport étroit entre producteurs et consommateurs. Les magasins

spécialisés dans la vente –exclusive ou non- de produits biologiques se sont également

développés, principalement dans les villes afin de conquérir une clientèle citadine.

La suprématie croissante de la grande distribution dans la commercialisation des

produits biologiques débouche sur des constats antagonistes : certes les débouchés à la

production en mode biologique se sont élargis, mais la consommation bio perd de son

militantisme. Cependant, passer par le marché de la grande distribution pour valoriser sa

production –par choix délibéré ou par choix subi-, influe considérablement dans les conditions

de productions et de rémunérations des agriculteurs biologiques. La situation oligopolistique

et la force des grandes enseignes distributrices entraine un déséquilibre dans le rapport de

force producteur-distributeur: ces enseignes sont en effet généralement seules à décider de la

commercialisation d'un produit et du prix auquel il est vendu au client et acheté à l'agriculteur.

Si d'un coté les agriculteurs voient leur marge diminuer, ils sont incités de l'autre coté à

augmenter leurs investissements afin de dégager des économies d'échelles, garantir une

production de masse et aux caractéristiques homogènes, et pouvoir assurer eux-mêmes

l'approvisionnement des succursales.

II. L’agriculture biologique : un développement justifié ?

1. Progrès technique vs progrès moral, ou comment l’agriculture biologique est

génératrice de progrès moral

Depuis quelques décennies, nous assistons à une crise de la morale, tant au niveau du

contenu que de la forme, qui s’étend progressivement jusqu’à une crise du sujet moral en luimême.

Parallèlement, nous assistons au retour de l’éthique ; dans ce contexte de crise, notre

civilisation technicienne connaît et reconnaît les difficultés à maîtriser les matériels que le

progrès technique a mis entre nos mains. Le constat de ces impasses du progrès technique ne

fait qu’intensifier notre désir de retour à l’éthique.

Le progrès technique n’est donc pas si simple à maîtriser aujourd’hui. On peut même

se poser la question suivante : le progrès technique entraîne-t-il nécessairement un progrès

moral ? Appliquée à la production agricole, la réponse à cette problématique est fort

intéressante, car elle tend à montrer que le développement de l’agriculture biologique pourrait

certainement engendrer un progrès moral plus que l’agriculture conventionnelle n’a su le

faire.

Le progrès technique entraîne-t-il nécessairement un progrès moral ?

La question porte ici sur les rapports entre l’évolution des moyens dont nous disposons

pour agir sur le monde (progrès technique) et l’évolution de la valeur profonde de l’homme

(progrès moral), nous pourrions même jusqu’à aller dire l’évolution de l’humanité. Autrement

dit, est-ce que l’amélioration des moyens par lesquels nous transformons la nature et agissons

68

sur le monde nous a rendus meilleurs, c’est-à-dire nous a disposé à poursuivre des fins plus en

rapport avec ce que nous sommes, plus dignes de nous. Ou, nous pouvons reformuler la

question de la manière suivante : l’amélioration et l’accroissement tant sur le plan quantitatif

que qualitatif des moyens par lesquels nous agissons sur la nature ont-ils pour conséquence

une amélioration de notre conscience morale, la morale concernant quant à elle la valeur et les

fins de l’action.

Il y a une ambivalence du progrès technique : il peut nous rendre capable du pire

comme du meilleur. Le problème semble venir de la maîtrise et de la puissance sur la nature

dont nous pouvons disposer grâce au progrès technique.

Le progrès technique n’entraîne pas nécessairement un progrès moral, mais il nous

permet de nous responsabiliser. Plus nous disposons de moyens performants et efficaces pour

agir sur la nature et plus notre responsabilité s’accroît, au point d’ailleurs que la plupart des

actes qui résultent du progrès technique ne sont plus des actes qui n’engagent que leur auteur,

mais des actes qui engagent le destin de l’humanité toute entière, notamment en matière

d’environnement. Nous devons toujours garder en mémoire la formule kantienne suivante :

« Agis de telles sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la

personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme

un moyen » (Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs). Kant nous indique le principe

avec lequel nous devons guider notre action pour agir raisonnablement et dignement,

conformément à ce que nous impose notre condition d’homme, d’être doué de conscience et

de raison.

Agriculture, progrès technique et progrès moral

En modernisant et stéréotypant à tout crin l’agriculture dans les années 60-70,

l’homme n’a pas vraiment mesuré raisonnablement les risques que le développement massif

de certaines nouvelles techniques agricoles comprenait. Au regard de ce modèle de

développement, de la chimie venait le progrès. Qui refusait la chimie était un arriéré amené à

disparaître, un sacrifié sur l’autel du progrès.

Les techniques agricoles visaient à maîtriser toutes sortes de risques (climatiques,

productifs, sanitaires), mais ont généré de nouveaux risques environnementaux par leur

généralisation : pollutions, raréfaction des ressources, etc. Pour simplifier : la technique nous

échappe, et nous ne mesurons même pas à l’heure actuelle toutes les conséquences possibles

des techniques productivistes à long terme, tant sur l’environnement que sur l’être humain.

Les progrès techniques de l’agriculture contemporaine ne sont pas synonymes de

progrès moral. L’objectif principal est ici le gain de productivité, et donc le gain financier,

parfois (voire souvent…) au détriment de la vie. Cette mauvaise « intention » de l’agriculture

conventionnelle, au sens moral du terme, contribue à discréditer la moralité de l’acte de

production agricole conventionnelle. L’agir humain est ici réduit au pouvoir technique sur la

nature, délaissant la nécessaire orientation éthique de nos actions au nom même d’une

exigence de rationalité instrumentale.

Depuis quelques années, les techniques productivistes et l’utilisation abusive de

produits chimiques de synthèse ne sont plus synonymes de progrès, et c’est l’une des

tourmentes des agriculteurs. L’agriculture biologique est plus respectueuse et respectable

moralement, et nécessite elle aussi de nombreuses techniques : produire sans pesticides est

synonyme de savoir-faire, d’expertise technique et d’innovation. Nous devons dès à présent

reconnaître la supériorité technique et morale de l’agriculture biologique.

69

Produire bio est un acte moral : c’est un travail qui élève l’Homme, dans le respect

de l’ordre naturel et de la nature, grâce notamment à la prise en compte des synergies entre les

êtres vivants.

Le produit bio est un bien « supérieur » au produit de l’agriculture conventionnelle ;

les moyens et les objectifs finaux sont plus pertinents moralement dans le cas de l’agriculture

biologique. Il n’est pas question ici de produire quantitativement pour amasser des gains

financiers sans aucune autre considération, mais de produire qualitativement en limitant les

effets néfastes que des techniques agricoles peuvent avoir sur la nature.

L’agriculture contemporaine n’a donc pas su être synonyme de progrès moral. Un

développement important de l’agriculture biologique pourrait permettre le retour de la

moralité générée par le progrès technique, et cela en nous disposant à poursuivre des fins dans

le respect de la nature et de l’Homme.

2. Le retour de la pertinence économique de l’agriculture biologique

L’agriculture contemporaine combine aujourd’hui plusieurs effets contre-productifs et

cumulatifs. Selon Jean-Pierre Dupuy, il faut distinguer les modes autonomes (comme

l’agriculture biologique) ou hétéronomes (agriculture conventionnelle) de production de par la

logique du détour empruntée par les modes hétéronomes de production. Le détour de

production opéré par l’homme pour mieux atteindre les objectifs et les fins qu’il s’assigne

revêt une double dimension technique et économique. Nous nous intéresserons ici qu’à

l’aspect économique visant à réhabiliter le bio.

L’agriculture contemporaine combine de nombreux bouclages de production qui peuvent

apparaître comme un énorme gaspillage. Ces cycles de production, comme par exemple les

excédents laitiers qui reviennent sur l’exploitation après un détour de production, se

pérennisent grâce à un système de subventions et de prix administrés qui font que chaque

acteur économique de la chaîne n’a pas intérêt à voir ces cycles se stopper, même si certains

détours de production ne sont plus économiquement viables et apparaissent ridicules.

Nous avons aujourd’hui passé un certain seuil de contre productivité de l’agriculture

conventionnelle, et il convient de développer l’agriculture biologique afin d’éviter tous ces

détours de production « inutiles » qui entretiennent un système imbriqué qui n’a pas lieu

d’être. L’agriculture biologique retrouve une réelle pertinence économique dans ce

contexte, même si cela se fait au détriment de certains acteurs économiques de la chaîne.

III. Quels moyens pour généraliser l’agriculture biologique ?

Selon le propos tenu par Théodore Monod « L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais

l’irréalisé ». Le bio pour tous est-il irréalisable ou irréalisé ?

1. Une possible universalisation de l’agriculture biologique ?

Dans la charte éthique de l’agriculture biologique, préambule aux statuts de la

coordination nationale interprofessionnelle biologique de 1992, on peut lire que «l’éthique de

l’Agriculture Biologique se situe autour de trois objectifs principaux, cherchant à définir les

normes d’une agriculture productive, durable, respectueuse de la biosphère, donc une

agriculture pour les hommes de demain, généralisable à l’ensemble de notre planète».

70

Les producteurs biologiques espèreraient donc à long terme voir l’agriculture biologique se

généraliser.

Mais peut-on réellement prétendre à une universalisation de l’agriculture biologique ? Est-ce

éthiquement envisageable, et est-ce réalisable en pratique ?

Les arguments éthiques en faveur d’une généralisation de l’agriculture biologique

Il serait souhaitable de s’accorder universellement sur des valeurs éthiques en

faveur de l’agriculture biologique si l’on souhaite la généraliser. Nous l’avons vu en

introduction, les producteurs biologiques penchent largement en faveur de cette hypothèse.

Mais est-ce le cas d’autres acteurs ayant des intérêts moins directs au développement de la

filière ? Peut-on actuellement observer une volonté mondiale dans ce sens ?

· Le projet d’ « éthique universelle » de l’UNESCO

L’un des projets les plus intéressants en ce sens provient de l’Unesco, qui affirme

qu’«il existe dans la diversité des cultures une unité sous-jacente » et s’interroge sur la

possibilité d’articuler cette unité dans le cadre d’une « éthique universelle ».

Pour l’UNESCO, un consensus sur les valeurs fondamentales est aujourd’hui une nécessité.

Nul besoin pour cela que toutes les sociétés suivent la même voie de développement.

Cependant, puisque notre avenir sera de plus en plus marqué par une interdépendance

croissante des peuples du monde, force est de chercher à identifier certains principes partagés

par tous.

Un système éthique universel devrait reposer sur les principes suivants :

- droits et responsabilités de l'être humain

- protection des minorités

- équité entre générations (égales opportunités pour les générations futures)

- résolutions des conflits par des moyens pacifiques et des négociations équitables

- démocratie et société civile (citoyens par opposition aux gouvernements)

L’universalisation de l’agriculture biologique s’inscrit parfaitement dans ces fondements

d’une éthique universelle proposée par l’UNESCO.

En effet, il apparait clairement que la généralisation de l’agriculture biologique contribuerait à

une gestion durable de notre environnement, et s’intégrerait donc dans la thématique de

l’équité entre générations.

· Une consommation bio croissante au Nord

Parallèlement, la prise de conscience de l’importance du bio est croissante dans de nombreux

pays.

Ainsi, de 1993 à 2003, le nombre d’exploitations bio dans l’Union européenne est passé de

29000 à 140000.

En France, les consommateurs de bio sont de plus en plus nombreux, près d’un français sur

deux ayant déclaré consommer des produits biologiques en 2005 (de 37% en 2003 à 47% en

2005). Les ventes de produits alimentaires biologiques (1,6 milliards d’euros en 2005) ont par

ailleurs augmenté d’une moyenne de +9,5% de 1999 à 2005 (voir I).

D’autre part, on peut constater que de nombreuses populations utilisent déjà des formes

d’agriculture « biologique » (ici, on entend par bio une agriculture sans produits chimiques de

71

synthèse mais en aucun cas bio dans le sens où l’entend le label européen !), notamment dans

les pays du « Sud ».

· Une agriculture « bio » déjà développée au Sud

Dans le système de pensée occidental actuel, nous entretenons avec notre environnement

des rapports pour l’essentiel d’ordre économique, technique et matériel. Ailleurs, comme par

exemple dans les sociétés animistes ou dans celles de religion bouddhique, les rapports

traditionnels à l’environnement sont très différents.

Dans la tradition chinoise par exemple, la nature est perçue, comme le note Grenelle (1993),

comme un processus continu, favorable à l’homme. Si des catastrophes surviennent, c’est

parce que la société ne fonctionne pas en harmonie avec le cosmos.

Comme l’explique Georges Rossi dans « l’ingérence écologique », on retrouve cette idée

d’harmonie, d’unité et d’interdépendance dans toutes les philosophies asiatiques pour

lesquelles la coévolution du couple société/environnement biophysique est une évidence. Le

rôle de l’homme consiste à vivre en accord avec les forces de la nature.

L’un des fondements du bouddhisme est la croyance qu’il existe une relation de parenté entre

les êtres ; prendre soin de ce qui vous entoure, c’est prendre son de soi.

De même, dans la plupart des civilisations animistes, la nature n’est pas un simple support de

production mais un territoire religieusement et symboliquement approprié. La position de

l’homme dans la nature est celle d’un élément parmi d’autres, beaucoup plus faible que bien

des êtres qui l’entourent. Ne pouvant dominer les forces naturelles, l’homme va essayer de s’y

insérer et de les épouser.

L’homme n’est donc pas considéré comme opposé à la nature, il en fait partie intégrante. En

conséquence, ces ensembles de croyances se traduisent par des modes de gestion de la nature

très différents de ceux de l’Occident, plutôt en faveur de la préservation de l’environnement,

et donc de l’agriculture biologique.

Nous nous limitons ici à quelques exemples, mais les cas similaires sont extrêmement

nombreux.

L’acception éthique d’une agriculture « biologique » est donc déjà en « bonne voie »

dans plusieurs zones du monde.

Du point de vue éthique, différents éléments penchent donc actuellement en faveur

d’un développement accru de l’agriculture biologique. Par ailleurs, si l’idée de généraliser le

bio était acceptée de manière universelle par tous, cela permettrait-il de nourrir la planète ?

En effet, le fait que la généralisation du bio permette de nourrir la totalité de la planète est une

condition nécessaire à la validation des arguments cités précédemment, à moins d’accepter de

sacrifier une partie de la population mondiale au profit de l’environnement !

· La question des rendements

Les avis là-dessus sont évidemment extrêmement partagés, mais nous allons tout de même

présenter ici quelques résultats intéressants qui semblent pencher en faveur du bio.

Tout d’abord, une étude récente menée par des scientifiques de l’Institut de recherche

pour l’agriculture biologique en Suisse a montré que les fermes biologiques avaient un

rendement inférieur de seulement 20% aux fermes conventionnelles sur une période de 21

ans. En passant en revue plus de 200 études menées aux Etats-Unis et en Europe, Per Pinstrup

72

Andersen (professeur à Cornwell et gagnant du World Food Prize) et ses collègues sont

arrivés à la conclusion que le rendement de l’agriculture biologique arrive environ à 80% du

rendement de l’agriculture conventionnelle.

Beaucoup d’études montrent une différence encore moins marquée. Analysant les

informations de 154 saisons de croissance sur diverses cultures, arrosées par la pluie ou

irriguées, Bill Liebhardt, scientifique agricole de l’Université de Californie à Davis, a

découvert que la production de maïs biologique atteignait 94% de celle de la production

conventionnelle, celle de blé biologique 97% et celle de soja biologique 94%. La production

de tomate biologique quant à elle égalait la production conventionnelle.

Plus important encore, dans les pays les plus pauvres où se concentrent les problèmes de

famine, la différence de rendement disparaît complètement. Les chercheurs de l’Université

d’Essex Jules Pretty et Rachel Hine ont étudié plus de 200 projets agricoles dans les pays en

voie de développement et ont découvert que pour l’ensemble de ces projets - ce qui inclut 9

millions de fermes sur près de 30 millions d’hectares - le rendement augmentait en moyenne

de 93%. Une étude sur sept ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3 200 hectares dans le

district de Maikaal, dans le centre de l’Inde, établit que la production moyenne de coton, de

blé et de piment était jusqu’à 20% plus élevée dans les fermes biologiques que dans les

fermes conventionnelles de la région. Les agriculteurs et les scientifiques agricoles attribuent

les rendements plus hauts dans cette région sèche aux cultures de couverture, au compost, au

fumier et à d’autres pratiques qui augmentent la matière organique (qui aide à retenir l’eau)

dans les sols. Une étude menée au Kenya a démontré que si la production de maïs biologique

était moins élevée que la production conventionnelle dans les « zones à fort potentiel » (avec

des précipitations au-dessus de la moyenne et une meilleure qualité de sol), dans les régions

plus pauvres en ressources, en revanche, la production des agriculteurs biologiques dépassait

systématiquement celle des agriculteurs conventionnels. (Dans les deux régions, les

agriculteurs biologiques obtiennent des bénéfices nets, un revenu du capital et une

rémunération du travail plus élevés).

· Il est possible de généraliser l’agriculture biologique à l’échelle de la France

Pour Jean- Marc Jancovici (2001), dès lors que nous accepterions de manger moins de

viande, il deviendrait envisageable de tout manger bio, une perte de rendement de 50% de

l'agriculture dans son ensemble étant alors parfaitement acceptable (dans la Beauce, par

exemple, le rendement du blé en bio est un peu supérieur à 40 quintaux/hectare quand le

rendement en agriculture "normale" est de l'ordre de 80 quintaux/hectare). Nous nourrir ne

coûterait pas nécessairement plus cher, mais pour le même prix - et surtout pour la même

surface cultivable - nous aurions une alimentation moins riche en viande, notamment en boeuf,

d'environ un tiers.

Malgré les arguments penchant en faveur d’une généralisation du bio que nous venons

de développer, certaines difficultés persistent. Elles peuvent expliquer en partie le

développement encore insuffisant de l’agriculture biologique à l’heure actuelle.

Quelques difficultés éthiques à surmonter

· La remise en cause d’une forme d’excellence ?

D’une certaine manière, la reconversion d’exploitations très engagées dans le

conventionnel en agriculture biologique pourrait être perçue, d’un point de vue sociologique,

comme la remise en cause d’une forme d’excellence, et des performances du « modèle »

73

conventionnel. La non-utilisation de produits chimiques de synthèse pourrait être vue comme

un retour en arrière, et comme une forme de négation de la puissance de l’homme, auquel les

outils issus du progrès technique avaient permis de se rendre « maître et possesseur de la

nature ».

· Peut-on imposer la consommation de biens « de luxe » ?

Si l’agriculture biologique produit des biens que l’on pourrait qualifier de « biens de luxe »,

on peut se demander s’il est légitime de poser ce type de production en modèle. Il ne fait en

effet aucun doute que les préoccupations environnementales mises en avant par le bio sont

louables, mais il serait regrettable que la promotion de ces aménités environnementales se

fasse au détriment de l’équité.

· Et pour les pays ne connaissant pas la sécurité alimentaire ?

Une autre question émerge de l’idée de généraliser le bio : peut-on poser l’environnement

comme valeur prioritaire pour des pays soumis à des problèmes de sécurité alimentaire ? Dans

les cas où une agriculture conventionnelle utilisant de nombreux pesticides est en place,

comment exiger un raisonnement à long terme, au profit de l’environnement, si la conversion

à une agriculture plus durable passe, même transitoirement, par une baisse des rendements ?

2. L’agriculture biologique : un instrument temporaire ?

Après avoir essayé d’universaliser l’éthique de l’agriculture biologique, il convient à

présent de s’intéresser aux objectifs finaux de l’agriculture biologique. En effet, si les valeurs

de l’agriculture biologique ne sont pas les mêmes pour tout le monde, peut-être devrions-nous

nous pencher sur ce que l’on attend de l’agriculture biologique (la fin) afin de mieux

comprendre les choix à effectuer pour sa réalisation, ou bien même sa généralisation.

Pourquoi l’agriculture biologique ?

Nous avons bien explicité dans la première partie l’existence de multiples divergences

de motivation quant à la production ou la consommation d’un produit bio. Malgré cela, on

peut tirer de grandes tendances qui rassemblent tous les défenseurs du bio

Ainsi l’agriculture biologique serait destinée à protéger l’environnement (environ 80

% des consommateurs) et à offrir une alimentation plus « saine et ayant meilleure goût » aux

consommateurs (+ de 90% des consommateurs). Le respect de l’environnement ne semble pas

être la priorité des consommateurs et producteurs du bio, et cela se confirme par les grandes

difficultés de vente des produits biologiques non alimentaires, cependant il est bien plus facile

à justifier et à mettre en avant scientifiquement face aux détracteurs du bio.

Le fait que ces personnes annoncent la santé et le goût comme plus essentiels dans

leurs motivations par apport au bio, n’exclu pas le fait qu’elles puissent adhérer aux

motivations que d’autres mettront en avant.

Dans les deux cas, on peut noter que l’agriculture biologique détient sa légitimité dans

la défense des intérêts des consommateurs, en général, avec l’idée sous jacente de

développement durable. Ainsi, pourrait-on considérer que l’agriculture biologique a été créée

par une minorité, pour une minorité ? Dans le cas d’une réponse négative, on pourrait

considérer qu’une généralisation de l’agriculture biologique est souhaitée par ses acteurs.

L’idée centrale passe par la sensibilisation du plus grand nombre pour une consommation

74

« responsable », c'est-à-dire en parfaite connaissance de ce qui affectera notre corps et notre

environnement lors de la consommation d’un quelconque produit.

Dès lors, pour tendre vers cet objectif central, plusieurs méthodes sont à la disposition des

acteurs du bio. Nous en développerons deux qui sont débattues aujourd’hui.

Différentes méthodes pour la réalisation de l’agriculture biologique

Si l’idée centrale est la création d’un progrès non négligeable dans la préservation de notre

personne et de notre environnement, il faudra généraliser à toutes les productions agricoles

pour que cela soit possible. Partant du constat qu’aujourd’hui seule une minorité

d’agriculteurs produisent bio, deux méthodes sont possibles :

- la conversion des autres fermes en agriculture biologique ;

- la suppression de ces fermes et le remplacement par de nouvelles fermes en

agriculture biologique.

La majorité des points de vue s’orienteront vers la première méthode, plus plausible

d’un point de vue social car ne sacrifiant pas toute une génération qui aurait été victime d’un

passé dont ils ne sont pas pleinement responsables. Et pourtant, le bio ne cherche pas a se

mélanger avec l’agriculture « conventionnelle » et bien souvent préfère lui tourner le dos,

peut-être dans un souci de préservation de son éthique. La conversion nécessitera une main

tendue des agrobiologistes vers les autres agriculteurs. Nous prenons l’exemple au niveau du

producteur mais il en est de même pour les commerçants bios et les consommateurs.

Dans ce débat, on en revient souvent à la question du choix des circuits de distribution.

Cette question est délicate car elle touche directement à celle du développement. Dans le

milieu de l’agriculture conventionnelle certains sont convaincus que pour assurer le

développement économique de l’agriculture biologique, il est absolument nécessaire de sortir

de la « vision arriéré du commerce de proximité ». Ainsi, selon une étude menée par l’INRA

en 1998, 87 % des consommateurs et acheteurs réguliers disent qu’ils consommeraient

davantage de produits biologiques s’ils étaient plus facilement disponibles dans leurs

magasins habituels. Jusqu’en 1985, la grande distribution ne s’intéressant pas aux produits

biologiques, les agrobiologistes n’avaient pas été particulièrement confrontés à la question des

différents circuits de commercialisation. Ils vendaient en direct sur les marchés, par

l’intermédiaire du service de vente des blés Lemaire ou bien, souvent ne valorisaient pas leur

production dans le circuit biologique. Lors de l’assemblée générale de Nature et Progrès en

1985, la présentation par Max Crouau d’une convention entre Nature et Progrès et la grande

distribution a en revanche mis en évidence les divergences de positions au sein du mouvement

agriculture biologique sur cette question. Le mouvement tiraillé entre le désir de développer

l’agriculture biologique, la rendant accessible à un plus grand nombre de consommateurs et la

peur de perdre la maîtrise sur le développement, s’est trouvé dans l’impossibilité d’arbitrer.

Aujourd’hui, le mouvement biologique, sans bien savoir comment, souhaiterait se

développer tout en préservant le principe de proximité, conforme à sa philosophie. Le

développement de l’agriculture biologique ne se fera, selon eux, qu’à la condition d’un

renouvellement de la population des agriculteurs biologiques par l’arrivée de nouveaux

agriculteurs ayant un autre « mode de raisonnement par rapport à la distribution et une autre

approche de consommation ».

75

Un instrument temporaire complémentaire

En réalité, pour bien comprendre cette préoccupation sur les moyens de distribution

des produits biologiques, il faut se concentrer à nouveau sur les objectifs auxquels on se

rattache. Le bio à long terme, comment peut-on l’imaginer ?

Une partie des scientifiques, qui sont bien souvent les militants, pensent que dans cent

ans, toute l’agriculture sera biologique car c’est la seule durable. L’actuelle stagnation de la

demande a peut être montré les limites à la généralisation de ce mouvement, et dans ce cas il

convient d’imaginer un nouveau rôle à l’agriculture biologique au-delà de sa généralisation,

afin qu’elle arrive à ses fins : une agriculture propre et durable. C’est pourquoi nous avons

introduit la notion d’instrument temporaire complémentaire.

Comme nous l’avons vu précédemment, le bio nécessite du progrès technique. Ne

cessons-nous pas depuis des siècles de progresser dans les techniques et dans la morale ? Les

scientifiques s’accordent au moins sur un point, on ne pourra pas nourrir la planète avec un

régime occidental dans le cas d’une agriculture biologique telle quelle est décrite par le cahier

des charges aujourd’hui car elle n’est pas assez productive et nécessite trop de main d’oeuvre,

mais ils s’accordent aussi sur le fait que la planète ne pourrait supporter une consommation

« à l’occidentale » pour tous ses habitants. La morale influe sur la technique et inversement.

La prise de conscience progressive des enjeux environnementaux pour les générations futures

n’a-t-elle pas abouti à la création de techniques, on ne peut plus écologique et moralement

acceptable ? Les panneaux solaires sont de plus en plus propre et efficace, les voitures de

moins en moins polluantes… Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’agriculture ?

L’agriculture biologique pourrait être un instrument temporaire qui a eu le succès de faire

réfléchir le monde sur ce qui ne va pas dans le monde agricole conventionnel. Ainsi le

consommateur changerait ses exigences et donc orienterait la production vers un mode de

production de plus en plus raisonné. Le distributeur utilisera cet argument pour vendre. Les

décideurs orienteront leurs politiques en faveur d’une agriculture suivant le modèle de

l’agriculture biologique. Les chercheurs s’acharneront à trouver de nouvelles techniques

perfectionnées dans la production écologique. L’idée de cet argumentaire est que la

généralisation de l’agriculture type « agriculture biologique » ne se fera que dans le cas d’une

conversion socialement raisonnée et réfléchie.

Un grand nombre de personnes n’achète pas biologique car les produits sont trop

chers, or nous savons que la généralisation d’un produit fait baisser ses prix. Etant donné les

difficultés de généralisation du bio, pourquoi ne pas partir d’un produit déjà généralisé

(conventionnel) et de changer progressivement sa fabrication pour qu’il devienne plus bio ?

Les prix en seront moins affectés et l’environnement social peut être bouleversé sans

révolution, ni discrimination.

Bien entendu cela ne se fait pas seul, c’est pourquoi nous avons qualifié l’agri bio

d’instrument complémentaire, il aurait le rôle d’une bulle qui ne peut pas forcement grandir

plus mais qui influencerait son entourage (notamment les pouvoirs publics) et rappellerait à

l’ordre en réveillant la conscience du consommateur, seul maître sur la production.

L’agriculture biologique serait ensuite relayée par une agriculture « conventionnelle,

généralisée et durable »

76

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