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Des affaires, où un innocent en vient à signer des aveux, ne sont pas si rares.
Combien sont-ils, ces condamnés innocents et amenés à faire de faux aveux ?
Selon une étude américaine, de 20 à 25 % des personnes disculpées après des analyses ADN avaient auparavant été conduites à faire de faux aveux. "L’Innocence Project" a été capable d’innocenter plus de 200 personnes condamnées à tort. Dont 49 d’entre elles avaient avoué un crime dont on sait aujourd’hui, par des preuves génétiques, qu’elles en étaient innocentes.
Comment peut-on en arriver là ? Qu’est-ce qui pousse des gens à avouer des crimes qu’ils n’ont pas commis ? Pour Saul Kassin, psychologue spécialiste des faux aveux (au John Jay College of Criminal Justice de New York), il existe trois types de faux aveux (3).
En premier lieu, il y a les faux aveux spontanés. Parmi ces cas, on trouve d’abord des personnes qui s’accusent d’un crime pour des raisons publicitaires. Lors de l’assassinat de John F. Kennedy, des dizaines de déséquilibrés se sont spontanément présentées à la police pour s’accuser.
Un autre cas, plus fréquent, est l’aveu spontané destiné à protéger une autre personne.
Mais le cas le plus fréquent est celui des aveux lors de l’interrogatoire de police. Durant la garde à vue, le suspect est soumis à une forte pression psychologique. La fatigue, les intimidations et les menaces poussent des gens à avouer uniquement pour que l’on cesse de les harceler, en pensant pouvoir se rétracter par la suite.
Selon le psychologue S. Kassin, un autre mécanisme mental joue un rôle décisif. Certaines techniques d’interrogatoire invitent le suspect à avouer en le mettant face à un dilemme cornélien où avouer est finalement la meilleure solution.
La méthode consiste à faire croire au suspect que sa condamnation est inévitable et qu’il est placé devant ce seul choix :
« Soit tu refuses de coopérer et tu risques la peine maximale ;
soit tu avoues et ta peine sera plus faible. »
Si le suspect en vient à penser qu’il est dans une impasse, alors l’aveu devient pour lui un moindre mal.
De plus, la personne poussée à avouer ne se rend pas toujours exactement compte des implications de ces aveux.
Parfois, le policier qui mène l’interrogatoire suggère les réponses et la personne signe une « déclaration ».
Dans des cas extrêmes, les policiers inventent de toutes pièces de faux aveux. Il y en eu malheureusement plusieurs cas en Europe, où des policiers ont reconnu avoir rédigé eux-mêmes des aveux, suite aux rétractations des victimes qui ont ensuite déclaré qu'elles avaient menti . Et finalement, les personnes victimes de" ces faux aveux ont été innocentées et les policiers ont été confondus.
Parfois le suspect avoue parce que la formulation de l’aveu est ambiguë. Qu’est-ce que j’avoue réellement ? Au moment où la personne signe des aveux, elle ne fait qu’avouer un acte sans prendre conscience de sa gravité. Une stratégie d’interrogatoire est basée sur la minimisation des faits. L’enquêteur manifeste de la sympathie envers le suspect, minimise l’acte et ses conséquences (sur le mode « je te comprends ») pour le faire avouer.
Ainsi dans ces cas des accusés, en viennent à penser qu’ils feront mieux d’avouer, pour être tranquille, pour qu’on arrête de leur poser la question. »
Finalement, après trente heures de garde à vue, de peur que le policier demande au Procureur un prolongement de la Garder à Vue.
pour mettre fin à ces persécutions psychologique du policier, ces accusés cèdent et déclarent au policier ce qu'il veut entendre. Ils avouent pour être enfin tranquilles, ce qu’ils croient être une faute bénigne, ils ne se rendent même pas compte qu’ils viennent de reconnaître être impliquée dans un crime, ou un délit.
Mais il existe un troisième type de faux aveu, plus étonnant.
Il arrive qu’une personne innocente en vienne à penser qu’elle est réellement coupable ! Ce cas relève, selon S. Kassin, d’un faux souvenir. La psychologue Elizabeth Loftus a montré par des expériences ingénieuses que l’on pouvait parfaitement induire chez une personne un souvenir inventé de toutes pièces et portant sur leur propre passé.
Si l’on raconte à des adultes un souvenir fictif – par exemple :
« Quand tu avais 5 ans, un jour, tu t’es perdu dans un grand magasin, et tu as été retrouvé » – et que l’on glisse ce souvenir parmi d’autres réels, un quart des personnes se remémore tout à coup cet épisode. Beaucoup en viennent même à donner des détails précis sur évènement qu’on leur a suggéré.
À force d’entendre et répéter une autre version que ce que l’on a vécu, on en vient à douter de sa propre mémoire, puis à intégrer dans son passé des faits fictifs.
Une expérience récente à permis de le démontrer. On a demandé à des étudiants d’effectuer une tâche sur un ordinateur, mais en leur conseillant d’éviter une touche du clavier, faute de quoi l’ordinateur tomberait en panne. Au cours de l’exercice, l’ordinateur tombe en panne (il a été malicieusement programmé pour cela). Il se trouve qu’au cours d’un questionnaire ultérieur, 43 % des étudiants admettront avoir eux-mêmes provoqué la panne ! Certains en croyant réellement avoir commis une faute, d’autre en doutant ou en n’étant plus très sûrs ; d’autres enfin avouent uniquement parce qu’il leur semble inutile et plus coûteux de nier une faute.
Aveux volontaires, aveux extorqués, aveux intériorisés, les faux aveux:
font l’objet de beaucoup d’attention. Quand on sait que le nombre de gardes à vue a considérablement augmenté ces dernières années,
Quand on connaît le poids des aveux dans les décisions judiciaires,
on saisit l’enjeu de mieux comprendre comment se fabriquent les aveux.
C’est l’un des centres d’intérêt de la psychologie judiciaire, un secteur de recherche en plein essor.