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CORRUPTION et Démocratie?

Le pacte démocratique serait-il spontanément pacte de corruption ?

A lire Nicolas Machiavel, c’est l’entropie politique première, un mal inexorable parce que naturel, mais compressible. Un mal que seuls les fins analystes du politique peuvent, non pas éradiquer, mais réguler.

Et nous d’ajouter, que seuls les théoriciens de la démocratie peuvent, et doivent, non pas seulement contrôler mais raréfier au maximum. Mais voilà, ces derniers, pour conter l’histoire de la démocratie, laissent trop souvent de côté celle de ses travestissements. Et manquent par là même l’élargissement actuel du concept de corruption : avec la mondialisation du capital, les délits d’initiés sont devenus massifs et l’économie s’est « mafiaïsée ».

Avec la démocratisation, la boîte noire de la démocratie s’est fait caisse et, à défaut d’équilibrer les rapports sociaux, les a fluidifiés. En somme, la fin pervertie des conflits sociaux et le choc des libertés en marche, liberté de marché versus liberté du citoyen…

. Mais la corruption démocratique n’est pas exclusivement pécuniaire

A côté des dirigeants du groupe européen EADS et des Denis Gautier-Sauvagnac, il y a les anciens chefs de gouvernement condamnés en première instance pour financement illicite de parti politique, fraude fiscale, faux en bilan, toujours relaxés en appel ou bénéficiant de la prescription, et toujours plus prompts à flatter les individus : la démagogie ou le plus sûr moyen de rendre durable la corruption démocratique.

La démagogie a toujours été un fléau du politique mais dans la démocratie ultramédiatique elle est le verso même de la corruption.

Démagogues et corrompus forment un binôme entropique des plus efficaces : rien de plus redoutable en effet que la démagogie pour dénerver la pensée démocratique et la corruption, pour la paralyser.

Inutile donc d’en appeler à l’incorruptible pour lutter contre la corruption. Laissons là les incantations.

Préférons la dissection méthodique : il est temps que l’on s’intéresse scientifiquement à la corruption, autrement dit que les chercheurs en sciences humaines et sociales se ressaisissent des « humanités » et cessent de laisser aux seuls juges le soin d’étudier et de traiter des affaires de corruption.

Jadis, les théoriciens du politique savaient à quel point la question de la corruption était fondamentale. Aujourd’hui, les théoriciens de la démocratie l’oublient trop souvent. Les journalistes, aussi. Où sont les cartographies démontant les réseaux de corruption, les contiguïtés entre pouvoir politique et capitalisme financier et la bureaucratisation des procédures de corruptibilité ?

Où sont tous ces efforts pour démystifier la méritocratie et ses trames où se court-circuite la République ? Où sont les opposants politiques pour élaborer de vraies alternatives ? Où sont les citoyens ? Non pour qu’ils pratiquent la surveillance ou la délation, mais pour qu’ils pratiquent enfin leur « citoyenneté », cette dimension publique d’eux-mêmes. La civilité ou la seule boussole démocratique, la seule régulation équitable et efficace contre la corruption.

Cela vous paraît trop peu ? Mais c’est immense. C’est l’éthique sans la morale, le bien sans l’héroïsme, le droit sans le profit, la République sans ses rentiers. Qu’est-ce que la civilité sinon le lien social non corrompu, le lien le plus objectivement résistant à la corruption ? En somme, le vrai progrès, la science pour tous.

Nul doute que si Alexis de Tocqueville avait institutionnalisé l’association civile comme la science mère de la démocratie, c’est parce qu’il avait vu dans la citoyenneté le paradigme scientifique de la durabilité démocratique. D’autres diraient une éthique de la citoyenneté sans vertu.