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fondation 2012 petite

Entreprises d' INSERTION

LES ENTREPRISES SOCIALES D'INSERTION PAR L' ÉCONOMIQUE EN BELGIQUE

doivent être dépourvues de but lucratif

 

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L'objet du projet des entreprises sociales d'insertion.

Doit dégager un modèle d'"entreprise sociale", reposant sur une initiative venant d’un groupe de citoyens qui intègre une dimension de service élargie et d’ouverture à la communauté locale tout en mettant l’accent sur un degré élevé d’autonomie, et de prise de risque liées à une activité continue de production.

Les entreprises sociales d'insertion sont caractérisées par une finalité d’insertion sociale et professionnelle de personnes fragilisées sur le marché du travail, par le biais d'une activité productive.

 

Les entreprises sociales d'insertion

et leur processus d’institutionnalisation:

Lorsqu'on se penche sur les politiques publiques dans le champ de l'insertion des groupes fragilisés sur le marché du travail, les politiques de formation et d'emploi sont principalement mises en avant.

Cependant, pour comprendre la place qu'occupent les entreprises sociales d'insertion dans ce champ des politiques publiques, un détour s'impose par leur processus de développement afin de mieux saisir les interactions entre les politiques publiques et les initiatives elles-mêmes.

Des initiatives pionnières toujours actives

Le développement d'entreprises sociales visant la création d'emplois pour les peu qualifiés a été porté par quelques associations "pionnières" en Belgique.

dont la plus connue est l' "association Terre"  fondée en 1942. 

Les initiatives associatives de Formation par le Travail :

Dans les années  1980  avec  la croissance  du chômage  et de  l'exclusion sociale, des initiatives, qui  visent l' insertion des  personnes et  des groupes  précarisés se  sont développés,  à coté des actions mises en oeuvre par les politiques et les institutions publiques.

Les premières initiatives, d'insertion par l'économique, visent la formation par le travail. Puis elles s'enracinent dans différent champs du travail social qui sont   confrontés à un   public en marge de la société:

 Des petites entreprises sont créées, tant bien que mal, où des personnes défavorisées, en rupture avec le système éducatif traditionnel peuvent  travailler, tout  en acquérant une  formation  grâce à un encadrement de moniteurs  spécialisés  et professionnels.

Mais ces entreprises se développent en marge de la loi :

Leurs promoteurs n'ont pas la possibilité de respecter l'ensemble des contraintes légales.

. Elles  vivent même  en complète infraction avec  plusieurs dispositions  légales, et ce jusqu'en 1986 voir 1996.

Ces initiatives se situent donc dans une perspective de contestation et d'autonomie par rapport aux pouvoirs publics.  Basées sur une mobilisation des acteurs sociaux, elles tentent  de répondre  à de  nouvelles demandes  dans un objectif de transformation sociale.

Ces initiatives  ont contribué  au renouvellement  des politiques sociales de lutte contre  la pauvreté  et l'exclusion.

En  développant, ainsi une seconde génération d'initiatives "de concertation", s'ouvrant à la collaboration avec d'autres acteurs, en particulier les pouvoirs publics

En effet, ces entreprises s'étant multipliées au cours de la première moitié des années 1980, et leurs actions s'avérant de plus en plus nécessaires, les pouvoirs publics décident de les reconnaître et de leur fournir un cadre légal.

C'est ainsi qu'en 1987   sont reconnues les "Entreprises d' apprentissage professionnel"  (EAP).

La législation   mise en place  énonce les conditions  requises afin de  recevoir l'agrément  en qualité d'EAP.

Citons les principales : l'organisme de formation doit être constitué en association sans but lucratif (ASBL) ;

les jeunes doivent être âgés de dix-huit à vingt-cinq ans,

ne pas être en possession d'un certificat de fin d'études secondaires inférieures,

ne pas être dans les conditions requises pour pouvoir bénéficier des allocations d'attente ou de chômage ;

L'association doit assurer aux jeunes des actions de formation de type général et de type professionnel, articulées sur une expérience de travail réel ;

elle doit conduire ces jeunes à un seuil minimal d'insertion socioprofessionnelle ;

pour chaque jeune, la durée du stage de formation ne peut dépasser dix-huit mois.

Cette législation est un pas important qui a permis de sortir certaines initiatives de l'illégalité.

Mais l'arrêté donne une définition restrictive de l'EAP, ce qui n'est pas sans poser problème.

C'est pourquoi les pouvoirs publics ont adopté un peu plus tard une législation visant à prendre en compte des réalités plus variées, sans toutefois leur offrir un soutien aussi structuré qu'aux EAP.

Il s'agit surtout d'associations s'adressant  à des  personnes sans  qualification,  chômeurs parfois  de  très  longue  durée, mais ayant conservé le droit à l'allocation de chômage.

Parmi elles se trouvent les "Actions intégrées de développement" (AID) lancées par le Mouvement ouvrier chrétien,

Mais aussi d'autres expériences de formation par le travail qui ne revêtent pas d'appellation particulière, apparaîssent et sont désignées par le terme générique  "ASBL d'insertion".

Pour faire bref, on pourrait dire que les EAP désignent les organismes s'adressant majoritairement à des demandeurs d'emploi jeunes et non indemnisés.

Tandis qu'AID et ASBL d'insertion recouvrent des dispositifs s 'adressant majoritairement à des chômeurs indemnisés et / ou plus âgés.

 

En avril 1995, la Région wallonne, nouveau pouvoir de tutelle des EAP, a adopté un arrêté sur les  "Entreprises de formation par le travail"  (EFT),  modifié par l'arrêté du Gouvernement wallon du 18/11/1999:

EAP, AID, ASBL d'insertion sont désormais incluses dans un même texte légal, qui élargit les conditions d'accès aux EFT aux chômeurs de longue durée de plus de vingt-cinq ans.

Les EFT font donc partie du paysage wallon des politiques d'emploi et de formation. Elles sont ainsi reconnues au sein du "parcours d'insertion", dispositif légal, mis en place en 1997 par le gouvernement wallon, visant à les harmoniser et à veiller à la cohérence dans l'offre de formation  face à la diversité des mesures, des opérateurs dans la sphère d'insertion socioprofessionnelle et des objectifs poursuivis.

En 2000, les EFT sont au nombre de 64 en Wallonie occupant environ 508 travailleurs et s'adressant à quelques 2600 stagiaires chaque année.

Agréées et subventionnées par les pouvoirs publics dans le cadre des politiques de formation, elles sont donc, principalement, reconnues dans le champ des politiques d'insertion professionnelle au risque d' occulter leur enracinement dans leur perspective originelle de travail social et d'insertion multidimensionnelle au-delà de la seule insertion professionnelle.

Neuf ateliers de formation par le travail existent dans la Région bruxelloise. Leur mode de fonctionnement s’apparente fortement avec celui des EFT wallonnes.

Ils sont régis par un Décret du 27 avril 1995 de la Commission Communautaire Française de Bruxelles-Capitale.

Par contre, en Flandre, il n’existe pas d’entreprises sociales dont l'objet principal est la formation par le travail d'un public principalement jeune et faiblement qualifié, à l’instar des EFT wallonnes.

Cependant, des programmes d’expérience de travail (werkervaringsprogramma’s) au sein d’institutions publiques ou d’associations fonctionnent depuis 1992.

 

Des initiatives de formation par le travail impulsées

par les pouvoirs publics

Parallèlement au développement de ces initiatives d'économie sociale de formation par le travail,  les pouvoirs publics régionaux et locaux ont développé leurs propres initiatives dans le champ de la lutte contre l'exclusion sociale.

Avec le regain d'intérêt pour les politiques de développement local durant les années 1980. C'est dans ce cadre que des Centres publics d'aide sociale (CPAS) ont développé des EFT.

Inspirées de l’expérience des régies  de quartier françaises,  les régies de quartier  (RQ), apparues   dans les années 1990,   sont conçues à partir d'un partenariat  entre des institutions publiques ou parapubliques  et les habitants dans les cités de logement social.

Elles ont pour mission d'améliorer les conditions de vie des habitants via des actions favorisant l'amélioration du cadre de vie,  l'animation de quartier  et l'exercice de la citoyenneté.

Des actions réalisées prioritairement par des stagiaires du quartier qui sont en marge par rapport au marché du travail.

Les RQ proposent uniquement une formation à durée déterminée. Elles n’ont pas de statut juridique propre, car elles font partie intégrante des sociétés de logement social (généralement elles-mêmes parapubliques).

Par conséquent, les RQ sont quasi exclusivement financées par le secteur public (Région wallonne, centres publics d’aide sociale, etc.).

La société de quartier est une société coopérative à finalité sociale dont l’objectif est de créer des emplois à durée indéterminée pour des personnes peu qualifiées, dans différentes activités telles que le nettoyage et l’entretien d’espaces industriels (déblayage, évacuation des déchets de chantier) et ce, en partenariat avec des entreprises privées.

La société de quartier s’inscrit dans la continuité du travail effectué par les régies de quartier. Elle constitue en quelque sorte une finalité ou un tremplin pour les stagiaires entre la régie de quartier et le marché du travail.

La société de quartier se distingue des régies par sa forme juridique et par la place importante accordée aux entreprises privées commerciales au  sein de son conseil d'administration.

Bien que la notion de gouvernance  ne soit pas encore fort répandue  dans ce contexte,  on voit émerger une reconfiguration progressive des rapports entre pouvoirs publics locaux, associations dans ce champ de l'insertion par l'économique.

Ainsi, de plus en plus nombreuses  sont les initiatives qui reposent sur une dynamique de partenariats entre différents acteurs.

Une question - clé   n'en demeure pas moins, au-delà de ce discours sur la nécessité d'un partenariat comme clé de voûte d'une stratégie de développement local et de lutte contre l'exclusion,  celle de l'efficacité, de l'équilibre et du pouvoir, entre les différents acteurs.

Pour certains,  la plupart des partenariats sont insufflés  par le haut, à partir de niveaux de  pouvoirs supérieurs, et constituent des partenariats dits de régulation, sans qu'une réelle construction d'une action collective n'ait lieu .

 En effet, la Belgique a hérité de la Révolution française une sorte de contentieux permanent entre :  D'une part les défenseurs  d'un intérêt général i ncarné quasi exclusivement par l'État,  avec un minimum d'interférences entre ce dernier et le citoyen. Et d'autre part, ceux qui jugent indispensable le développement de "corps intermédiaires" de type associatif pour soustraire le citoyen à la domination d'un État centralisateur  ou d 'un individualisme exacerbé. 

La question du partenariat entre le secteur associatif et les pouvoirs publics se pose donc souvent de façon aiguë,  et en particulier dans le champ de l'insertion par l'économique.

Des emplois durables

Les entreprises de   formation par le travail  ne proposent  que des stages d'une durée limitée :

– dix-huit mois maximum et neuf mois en moyenne.

D'autres entreprises sociales d'insertion par l'économique sont nées avec comme objectif de créer des emplois stables pour les personnes fragilisées sur le marché du travail. Et  Non protégés au sein des entreprises d'insertion

 

En 1995, la Fondation Roi Baudouin lance un vaste appel à des projets de création

d'"entreprises d'insertion", visant à offrir un emploi durable à des personnes en grandes difficultés socioprofessionnelles. Sur base d'une cinquantaine de projets, elle a sélectionné sept projets-pilotes en Wallonie, pour la plupart émanant d'entreprises de formation par le travail, auxquels elle a offert un soutien financier complété par des apports de la Région wallonne et du Fonds social européen.

Suite à ces expériences - pilotes, bien que la plupart ait échoué, une reconnaissance légale des entreprises d'insertion (EI) a vu le jour en 1998.

Pour être agréée, l’EI s’engage à compter parmi les personnes engagées, des demandeurs d’emploi particulièrement difficiles à placer (DEPP)  à concurrence d’au moins 20% la première année, 30% la seconde, 40% la troisième et 50% à partir de la quatrième.

Une subvention de démarrage est accordée par la Région wallonne à l’EI agréée en vue de soutenir le lancement de ses activités, et plus précisément de couvrir partiellement la rémunération du chef d’entreprise.

Une prime est aussi accordée pour l’engagement de travailleurs.

Elle est dégressive durant les 4 années qui suivent son engagement.

Par ce type de subventionnement, la reconnaissance des EI s'inscrit clairement dans une perspective marchande comme en témoigne l'obligation d'adopter le statut commercial de "société à finalité sociale" (SFS).

Au 1er octobre 2001,  c’est 41 EI qui étaient agréées par la Région Wallonne occupant en moyenne plus ou moins 7 travailleurs par entreprise.

En Région bruxelloise :  c’est 5 entreprises d’insertion qui sont agréées.

L’agrément et le financement des entreprises d’insertion sont déterminés par une ordonnance de gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 avril 1999.

L'une des axes développés lors d’une déclaration en 1992 du Gouvernement flamand fut la création d’emploi durable pour des chômeurs. Suite à cette déclaration, un accord politique fut trouvé à la fin de l’année 1994 pour entamer une expérience de mise sur pied d'entreprises d'insertion (invoegbedrijven).

Le cadre légal fixant les modalités d’agrément et de subventionnement n'a été fixé qu’en l’an 2000. Dans les faits, les "invoegbedrijven" s’apparentent dans la forme aux entreprises d’insertion en Wallonie et à Bruxelles.

Néanmoins, elles se distinguent sur certains points. En effet, elles ont la forme juridique de société commerciale. Elles n’ont cependant pas l’obligation d’être « à finalité sociale ». Elles reçoivent pour chaque travailleur en insertion des subsides dégressifs de la Région flamande.

Sous des conditions très précises, elles gardent, contrairement aux EI, une subvention permanente pour certains travailleurs. Elles ont en général une activité commerciale ou de production à forte intensité de main d’œuvre et respectueuse de l’environnement.

Elles étaient au nombre de 29 en 2001.

 

La société à finalité sociale

En avril 1995 une loi a été votée pour permettre la création de sociétés commerciales "à finalité sociale".

Cette loi concerne en fait l'ensemble des formes de sociétés commerciales (sociétés coopératives, sociétés anonymes, sociétés de personnes à responsabilité limitée, etc.) dont elle modifie divers aspects.

Son article 2 stipule qu'à partir du 1er juillet 1996, ces sociétés peuvent être appelées "sociétés à finalité sociale" lorsqu'elles "ne sont pas vouées à l'enrichissement de leurs associés" et que leurs statuts respectent une série de conditions.

L'énoncé de quelques-unes d'entre elles montre les avancées principales de cette législation. Ainsi, les statuts des SFS doivent stipuler que "les associés ne recherchent qu'un bénéfice patrimonial limité ou aucun bénéfice patrimonial", qu'ils

"n'assignent pas pour but principal à la société de procurer aux associés un bénéfice patrimonial indirect"  (lorsque la société procure aux associés un bénéfice patrimonial direct limité, le bénéfice distribué à ceux-ci ne peut dépasser un certain taux d'intérêt actuellement fixé à 6 %).

C'est aussi aux statuts de définir une "politique d'affectation des profits conforme aux finalités internes et externes de la société". En cas de liquidation, il doit être prévu "qu'après l'apurement de tout le passif et le remboursement de leur mise aux associés, le surplus de liquidation recevra une affectation qui se rapproche le plus possible du but social de la société", et si l'entreprise abandonne sa forme juridique de SFS,  "les réserves existantes ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, faire l'objet d'une distribution".

Ces deux derniers articles visent à mettre l'entreprise à l'abri de tentatives de réalisation de plus-values substantielles.

La SFS introduit en outre une certaine démocratie dans l'entreprise.

Ainsi, ses statuts doivent prévoir "les modalités permettant à chaque membre du personnel d'acquérir, au plus tard un an après son engagement par la société, la qualité d'associé". De plus, ils stipulent que "nul ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées; ce pourcentage est porté au vingtième lorsqu'un ou plusieurs associés ont la qualité de membre du personnel engagé par la société".

Protégés au sein d'ateliers protégés et sociaux

Les initiatives de mise au travail durable, au sein de structures protégées, se sont surtout multipliées à l'intention de personnes handicapées sur le plan physique ou mental dont les initiatives pionnières se sont développées dans les années 1960. Ces ateliers protégés étaient tous jusqu’au début des années 1990 légiférés par une loi nationale de 1963 et sous la compétence d’une même institution fédérale (le fonds national de reclassement social des handicapés). Aujourd'hui, il existe en Belgique plus de 170 initiatives de ce type (entreprises de travail adapté en Wallonie et à Bruxelles, beschutte werkplaatsen ou "ateliers protégés" en Flandres) qui ont pour vocation d'offrir un travail stable et rémunéré à environ 20 000 personnes handicapées en les faisant participer à la production de biens et services vendus sur le marché.

Ces entreprises ont la forme juridique d'ASBL et reçoivent selon des normes très précises des subsides publics qui permettent de financer l'encadrement des personnes handicapées et de compenser leur moindre productivité.

C'est en Flandre qu'ont vu le jour les ateliers sociaux (sociale werkplaatsen). Ils n'ont pas de contrepartie dans les autres régions du pays. Historiquement, les premiers ateliers sociaux datent du début des années 1980. Certaines personnes actives dans des associations de formation prennent conscience qu’il existe des niches du marché inexploitées, car pas suffisamment rentables pour des entreprises lucratives et intensives en main-d’oeuvre peu qualifiée. Des emplois durables peuvent, donc, être créés pour les personnes faiblement scolarisées par des entreprises caractérisées par une finalité de service à la communauté plutôt que de profit. Depuis 20 ans leur philosophie est demeurée inchangée :

Réintégrer par un travail dans un environnement protégé des demandeurs d’emploi très précarisés.

Leur activité est restée très informelle jusqu’à une première reconnaissance légale en 1994. Le Décret du 14 juillet 1998 de la Communauté flamande fixe les conditions d’agrément et de subventionnement. En 2001, 110 ateliers sociaux occupent presque 3000 personnes. Ils fournissent des emplois durables, dans des domaines variés (agriculture biologique, construction, recyclage, etc.) à des demandeurs d’emploi qui en raison d’une accumulation de facteurs personnels et contextuels ne peuvent trouver ou conserver un emploi sur le marché régulier du travail. Concrètement, ces structures bénéficient entre autres de subsides permanents de salaire pour les demandeurs d’emploi très difficiles à placer, inactifs depuis au moins 5 ans sans interruption, faiblement scolarisé, avec des difficultés sociales, physiques ou psychiques.

Soulignons que 30 de ces ateliers sociaux ainsi que 4 entreprises d'insertion flamandes sont aussi agrées en tant que "centres de recyclage" ("kringloopcentra") poursuivant un triple objectif : récolter et recycler les encombrants ménagers afin de diminuer la masse de déchets mis en décharge ou incinérés, vendre des marchandises usagées mais encore utilisables à des prix intéressants dans des boutiques de recyclage et créer des postes de travail pour les personnes défavorisées (faiblement scolarisées et/ou chômeurs de longue durée) sur le marché de l’emploi. En plus des subsides pour l’embauche de personnes défavorisées, ces entreprises sociales perçoivent des aides à l’installation, des interventions financières liées à l’activité de recyclage des déchets et une réduction de la Taxe sur la Valeur Ajoutée de 21% à 6% pour les articles mis en vente.

Des initiatives récentes de création d'emplois

Basés sur l'expérience française, les groupements d’employeur, sous la forme juridique d’un groupement d’intérêt économique, ont pour objet social non lucratif la mise de travailleurs à disposition de ces membres. Le principal avantage se situe dans le fait qu’aucune des entreprises appartenant au groupement ne doit supporter, seule, le coût de l’engagement d’un travailleur supplémentaire. Le travailleur, engagé à durée indéterminée et à temps plein par le groupement, est amené à prester son temps de travail dans les différentes entreprises membres. Il doit être un demandeur d'emploi inoccupé de longue durée ou bénéficiaire de l'aide sociale. Afin de favoriser l’engagement de ces travailleurs difficiles à placer, les allocations de chômage des demandeurs d’emploi sont activées.

 Il existe actuellement en Belgique deux groupements d’employeur : Agrinsert et Jobiris. Agrinsert, créé en 1999 et actif dans la production agricole compte 21 travailleurs et un gérant. Jobiris, de création plus récente, regroupe 4 entreprises du secteur alimentaire.

Enfin, relevons, parmi les initiatives innovantes, la coopérative d’activités. Basée sur l’expérience française, la première coopérative d’activité belge – Azimut – est née en 1999 et a pour statut juridique la société coopérative à responsabilité limitée à finalité sociale. La coopérative d’activités permet la création d’un nouveau statut pour les porteurs de projet : l’entrepreneur-salarié.

En effet, elle a pour objectif premier de lever certains obstacles à la création d’entreprises en encourageant la mise sur pied de projets et en favorisant leur  expérimentation en grandeur nature avec une diminution maximale des risques inhérents au démarrage d’une nouvelle activité. La coopérative permet une mutualisation des moyens et des services.

Son public-cible est principalement composé de demandeurs d’emploi

(chômeurs, bénéficiaires de l'aide sociale, etc.) ou de toute autre personne motivée par l’entreprenariat. Un certain savoir-faire préalable est généralement exigé.

Dans Azimut, l’entrepreneur reste sous statut salarié avec un contrat de travail d’1/3 temps minimum et le maintien d’une allocation de chômage complémentaire ou du minimum de moyens d’existence. Sa rémunération est liée à l’évolution du chiffre d’affaires. Ce statut permet une entrée et une sortie rapides avec une possibilité de retour à la situation initiale en cas d’échec.

Le statut de coopérative a été choisi parce que les valeurs correspondent au sens de la démarche ; il s'agit de produire de la richesse via une démarche d'entreprise, mais qui se veut sociale puisqu’une coopérative se construit avec et pour les personnes, qui sont une fin et non un moyen. Chacun a la responsabilité individuelle de développer son activité et donc son emploi, mais aussi la responsabilité collective d’apporter sa contribution à la pérennisation de l’entreprise collective. Signalons enfin que quatre nouveaux projets de coopérative d’activités, vont probablement voir le jour avant la fin de l’année 2002 dans les différentes régions de la Belgique.

 

Des entreprises sociales sans cadre spécifique

Un ensemble d'entreprises sociales visant la création d'emplois pour un public fragilisé, principalement actives dans le secteur de la récupération et du recyclage2, n'ont pas, nécessairement, adopté le statut d'entreprises d'insertion.  Majoritairement constituées sous la forme juridique d’association sans but lucratif (ASBL),  les entreprises sociales actives dans le recyclage et la récupération poursuivent un double objectif: d’une part, développer des activités de recyclage et de réutilisation de matières ou d’objets et, d’autre part,  offrir un emploi durable à des travailleurs fortement défavorisés (personnes relevant de l'aide sociale, exclues socialement, alcooliques, lourdement endettées, etc.).

Certaines de ces structures n'ont pas fait le choix d'entrer dans le cadre de dispositifs comme celui des EFT ou des EI.

Pour la plupart, ce sont des associations qui réinsèrent par le travail un public, particulièrement fragilisé, mais dont les formes ne correspondent pas à celles prévues dans ces dispositifs.  Une des raisons invoquées est que l'adoption du statut régional de EI les oblige à abandonner leur statut d'ASBL et à adopter un statut de société commerciale à finalité sociale. 

 Elles doivent  ainsi renoncer à certains des subsides accessibles aux seules ASBL.  Une autre raison est que, pour beaucoup de ces entreprises, le concept de "rotation des travailleurs".

Les entreprises sociales qui sont actives dans la récupération et le recyclage, qu'elles soient EFT, EI, ETA ou n'entrent dans aucune de ces formes, sont membres du Réseau RESsources qui a pour but de s'imposer comme un interlocuteur dans ce champ du recyclage face aux pouvoirs publics et aux opérateurs privés à but lucratif.

 . Citons encore le fait que certaines de ces entreprises développent des formes de travail qui ne sont ni assimilables à un stage de formation comme dans les EFT, ni à un véritable contrat d'emploi comme dans les EI, notamment mais revêtent plutôt des activités occupationnelles, à savoir des activités plus ou moins protégées, en dehors des normes de rentabilité et de productivité du secteur privé classique.  Les rémunérations sont presque toujours très faibles ou en nature  (hébergement, repas, etc.).

Enfin, citons le "réseau des entreprises sociales" (RES) qui a développé une charte de l'entreprise sociale (respect l’éthique d’économie sociale, éthique et transparence des moyens mis en oeuvre; engagement à se soumettre à un contrôle indépendant, etc.) à laquelle adhèrent certaines entreprises d'insertion, entreprises de travail adapté et entreprises sociales n'appartenant à aucun de ces statuts.

Nous observons, donc, une grande variété parmi les entreprises sociales d’insertion par le travail en Belgique. Leurs objectifs, le type de travail qu’elles offrent, l’importance donnée à la formation, leur public-cible et les ressources utilisées par ces dernières sont autant de critères distinctifs.

 Les spécificités des entreprises sociales d'insertion par le travail vis-à-vis des critères EMES

Lors de précédents travaux, le réseau européen EMES a défini le concept d’entreprise sociale à partir de neuf critères socio-économiques.

L'activité continue de production de biens ou de services revêt deux formes dans les

entreprises sociales d'insertion en Belgique:

 la fourniture de formations qualifiantes ou d’expériences de travail pour des personnes en difficulté sur le marché du travail et la production de biens ou services parmi lesquelles citons le recyclage et la récupération, l’entretien de bâtiments, l’aménagement d’espaces publics, le conditionnement, l’horticulture, la restauration, etc. Ce deuxième type de production peut être plus irrégulier pour certaines structures notamment les régies de quartier et certaines EFT.

Pour la plupart des entreprises sociales d'insertion, nous postulons qu’elles jouissent d’un

degré d’autonomie élevé par rapport à d'autres structures notamment les pouvoirs publics. En effet, la forme juridique la plus répandue – l’association sans but lucratif – nous permet de poser cette hypothèse. Cependant, nous ne disposons généralement pas de statistiques fiables sur la composition des instances formelles du pouvoir de décision (principalement le conseil d'administration) et sur les rapports de pouvoir en leur sein entre d’un côté les acteurs représentatifs des pouvoirs publics et/ou les acteurs des entreprises privées classiques et d’un autre côté les acteurs de la société civile. Ces acteurs de la société civile sont soit des personnes qui sont là :

à titre personnel soit représentant d'autres associations dont certaines sont liées aux mouvements ouvriers Chrétien ou Socialiste.

Tout comme les EFT organisées par les centres publics d'aide sociale qui n'ont pas de statut juridique propre, les régies de quartier se distinguent, nettement, sur ce point. En effet, elles n’ont pas de statut juridique propre et sont rattachées à des sociétés de logement social (elles mêmes parapubliques) et donc jouissent d'un faible degré d’autonomie.

Exception faite des entreprises qui sont sous le contrôle direct des acteurs publics (les régies quartiers), la majorité des entreprises sociales assument un risque économique important, tant au regard des ressources marchandes subissant les fluctuations économiques du marché, que par rapport aux subsides publics dont les délais de paiement, l’instabilité et la variabilité, peuvent avoir un impact négatif certain sur la gestion.

Le principe du salariat des personnes en insertion n’est pas pratiqué par toutes les entreprises sociales d'insertion. En effet, les EFT et les RQ indemnisent leurs stagiaires (minimum 1 euro par heure de formation suivie). Parmi les entreprises actives dans le recyclage, certaines développent une vie communautaire. A ce titre, elles ne rétribuent pas monétairement les travailleurs en insertion, mais prennent en charge l’hébergement, les repas et l’assistance psychosociale.

Par contre, le personnel encadrant et administratif de l'ensemble des entreprises sociales d'insertion est toujours rémunéré selon les barèmes légaux en vigueur en Belgique. Mis à part les régies de quartier impulsées par les pouvoirs publics, les entreprises sociales d'insertion par le travail trouvent leur origine dans l’initiative d’un groupe de citoyens.

Certaines sont clairement liées à certains mouvements sociaux qu'ils soient chrétien (comme les EFT, anciennement AID) ou socialiste (les EFT et les EI appartenant à la "concertation des ateliers d'insertion professionnelle et sociale"). D'autres initiatives sont plus indépendantes de ces "piliers" traditionnels en Belgique résultant de l'impulsion de travailleurs sociaux confrontés à un public marginalisé du marché du travail. En Flandre, il est intéressant de noter que certaines initiatives, à l’instar des invoegbedrijven, ont, d'abord, été impulsées par les autorités publiques désirant créer des emplois durables pour des personnes fragilisées.

Par contre, les ateliers sociaux trouvent avant tout leurs origines dans les réalités du terrain associatif. Pour la quasi-totalité des entreprises sociales d'insertion, le pouvoir de décision n’est jamais basé sur la propriété du capital compte tenu de la forme juridique (ASBL ou SFS) adoptée.

Seules les entreprises d’insertion en Flandres, constituées sous forme juridique commerciale, ne sont pas tenues par l’obligation de restreindre le pouvoir de décision basé sur la propriété du capital. De même, elles respectent le critère de la distribution limitée du profit. Pour celles qui ont une forme juridique commerciale, des mécanismes légaux les contraignent à limiter fortement la distribution des excédents (le taux de rétribution du capital se situe habituellement entre 6 et 8%).

Les ASBL ont l’obligation légale d’affecter les éventuels excédents financiers à leur

objet social.

La participation des travailleurs à la gestion courante et aux grandes orientations de

l’entreprise n’est pas une règle de fonctionnement de ces entreprises sociales. Autrement dit, la démocratie participative en entreprise ne figure pas dans les principes d’organisation, excepté pour certaines entreprises sociales comme par exemple l’ASBL TERRE.

Pour ces entreprises sociales, l’objectif explicite d’intérêt général se manifeste au moins de deux manières. D’une part, elles visent à former et/ou à engager des personnes fortement défavorisées sur le marché de l’emploi classique. D’autre part, leurs activités de production de biens et/ou de services (recyclage, agriculture biologique, etc.) ont parfois une plus-value sociale.

En conclusion, à l’exception de la nature participative, tous les critères EMES de l’entreprise sociale s’appliquent pleinement aux entreprises sociales d’insertion par le travail en Belgique.

Toutefois, pour certains aspects (activité continue de production, degré d’autonomie, niveau de risque économique), les régies de quartier s’éloignent fortement du concept d’entreprise sociale.

 Situation du marché du travail et l’évolution des politiques d'emploi pour les peu qualifiés

Alors que ces entreprises sociales d'insertion par l'économique ont émergé dans le champ du travail social, elles s'inscrivent clairement, aujourd'hui dans le cadre des politiques actives d'emploi qui ont connu un essor considérable depuis les années 1980. La dualisation du marché du travail est un élément explicatif du regain d’intérêt des pouvoirs publics pour ces initiatives.

Le marché du travail : vers une dualisation croissante entre travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés

Entre 1995 et 2000, la Belgique a connu une progression continue de l'emploi intérieur. Ce taux de croissance s'est érodé nettement en 2001 s'accompagnant de destructions nettes d'emplois, ce qui ne s'était plus produit depuis la récession économique du début des années 1990.

En dépit de cette croissance, la Belgique se caractérise par un taux d'emploi - le nombre de personnes occupées exprimé en pourcentage de la population en âge de travailler -  relativement faible au sein de l'Union européenne (60,5% en 2000 pour la Belgique, 56% en 2000 pour la Wallonie). Ce niveau est imputable particulièrement à la faiblesse du taux d'emploi des jeunes, des femmes de plus de 40 ans et des hommes de plus de 50 ans.

Ces taux restent fort en deçà de l'objectif de 70% fixé par les instances européennes à l'horizon 2010.

Le marché wallon du travail est marqué par la persistance du chômage alors que la Flandre se caractérise par un des taux de chômage les plus bas d’Europe Depuis 1995, le taux de chômage standardisé3 est resté quasiment inchangé oscillant légèrement autour de 13,5% en Wallonie alors qu'il n'est plus que de 5%, en 2000 en Flandres. Signalons que la situation de l’emploi à Bruxelles est légèrement plus défavorable que celle de la Wallonie. La Wallonie a connu une position défavorable permanente au niveau de la part des chômeurs de longue durée – ceux qui dépassent un an de chômage (65% en 2000) - qui plus est pour une part importante un chômage de très longue durée (25% de plus de 5 ans en 2000). Si les femmes sont particulièrement touchées par le chômage (57% des chômeurs en 2000), la population des jeunes de moins de 30 ans représente près de 40% des chômeurs.

La part des peu qualifiés dans le chômage est substantielle. Alors qu’en 2001, le taux de chômage pour les diplômés du supérieur était de l'ordre de 3% en Belgique, il approchait, pour les personnes diplômées, au plus, du secondaire inférieur, les 10%. En 2000, 64% des demandeurs d'emploi wallons ne possèdent pas de diplôme de l'enseignement secondaire supérieur.

Si on procède à une analyse en termes de flux, on observe que les probabilités de sortie et d’entrée du chômage sont plus basses, ce qui suggère un cloisonnement entre population active occupée et les chômeurs (Dhyne et Mahy, 2001). Pour certains groupes de la population, l'accès à l'emploi est donc plus que problématique. L'étiquette de "peu qualifiés" pour ces groupes fragilisés sur le marché du travail est sans doute quelque peu réductrice, comme le souligne Van der Linden (2000), dans la mesure où cette caractéristique de sousqualification est combinée à d'autres facteurs comme l'appartenance à certaines catégories démographiques ou la localisation géographique. L'appartenance au groupe "moins qualifié" est donc la résultante de mécanismes complexes qui ne peuvent être réduits à la seule dimension de la formation.

La persistance de groupes fragilisés sur le marché du travail est d’autant plus préoccupante que les récentes analyses montrent que cette dualisation entre travailleurs "qualifiés" et travailleurs "peu qualifiés" apparaît comme un problème structurel (Sneessens et Shadman-Mehta, 2001). La présence de personnes moins qualifiées parmi les chômeurs peut s'expliquer par deux mécanismes qui peuvent coexister.

 Le premier met en évidence que, compte tenu du manque d'emplois au sein de l'économie, il se développe un phénomène de déqualification en cascade. Dans ce scénario les "qualifiés" prendraient les postes des "moins qualifiés" qui :    Selon les normes du BIT. retrouveraient, avec une probabilité plus grande sans emploi. Dans cette perspective, le chômage peut être qualifié de conjoncturel puisque avec un retour de la croissance, la demande d'emploi devrait reprendre vigueur pour tout profil de travailleurs.

Le second mécanisme identifie une importante inadéquation sur le marché du travail compte tenu de la baisse structurelle de la demande d’emplois peu qualifiés. A la source de ce phénomène, plusieurs causes peuvent être identifiées comme la désindustrialisation, le progrès technique défavorable au travail moins qualifié ou encore la mondialisation de l'économie qui entraîne une concurrence des pays à bas salaires. Suivant ce diagnostic, la demande d'emplois peu qualifiés baisse de manière structurelle dans le temps. Cette analyse peut expliquer l'accroissement continu des disparités de situations entre régions comme la Flandre et la Wallonie compte tenu du déclin des vieilles industries, particulièrement présentes en Wallonie.

Évolution des politiques d'emploi pour les peu qualifiés:

de "l'Etat - providence" à "l'Etat social actif"

Si face à la montée du chômage dans les années 1970, les pouvoirs publics ont engagé massivement des agents de l’Etat, notamment peu qualifiés, la dégradation des finances publiques les contraint à modifier leur stratégie. Durant les années 1980, le leit-motiv fut celui du rétablissement de la compétitivité et donc de diverses mesures visant à réduire le coût du travail. Face à la montée inexorable du chômage, les pouvoirs publics ont mis sur pied une série de politiques "actives" de lutte contre le chômage aux côtés des politiques passives qui visent à indemniser les personnes sans emploi. Ces politiques actives visent à accompagner l'intégration des chômeurs au sein du marché du travail. Le développement de la formation professionnelle, de programmes de résorption du chômage et, de manière croissante, d’aides à l’embauche, tout particulièrement pour les "groupes à risques", constituèrent les piliers des politiques actives dans les années 1990.

Depuis la fin des années 1990, le concept de "l'Etat social actif" est au coeur de la philosophie des politiques actives, concept certes polymorphe et ambigu à plus d'un titre.

Dans sa déclaration gouvernementale de juillet 1999, le nouveau gouvernement fédéral affichait sa volonté de "développer un Etat social actif":

Dans le passé, l’accent a été trop souvent mis sur une approche négative. La

paupérisation et l’insécurité sociale étaient surtout combattues par

des allocations sociales. Cependant, garantir des revenus, surtout quand

ceux-ci restent faibles, ne suffit pas à faire de personnes aidées des citoyens

à part entière...L'Etat social actif investit dans les gens, la formation,

l'emploi et pas seulement dans les allocations. Concrètement, le

gouvernement veut mener une politique active de formation et d'emploi

visant à augmenter le taux d'activité.

Dans cette perspective, l'Etat est censé, non seulement garantir un niveau suffisant de revenu, mais également développer une panoplie de mesures, pour inciter les personnes à s'intégrer dans la vie active et plus particulièrement sur le marché du travail. L'Etat social actif, selon Vandenbroucke (1999), doit également "faire du sur mesure afin de réaliser ses objectifs" c'est-à-dire que les groupes-cibles et les objectifs doivent être identifiés avec soin. Les allocataires sociaux ont, quant à eux, le devoir de saisir les opportunités qu'on leur présente.

Et c'est bien là que réside l'ambivalence de la notion de l'Etat social actif avec le retour de la notion de responsabilité dans le champ des politiques sociales et, corollairement, le risque d'une part de faire porter aux seuls "exclus" le poids de la précarité professionnelle et de la difficulté de l'insertion professionnelle et, d'autre part, d'occulter la responsabilité des autres acteurs socio-économiques. Un autre risque latent est celui de glisser vers une logique exclusive de contrôle et d'encadrement social des groupes "mis à l'écart" susceptibles de devenir des "à insérer permanents" au sein de dispositifs d'insertion plus ou moins précaires (Liénard, 2001).

Dans ce cadre, les politiques actives occupent une place centrale, notamment ciblées sur les personnes bénéficiaires d'allocations sociales, via la reconversion de ces moyens en aides à l'emploi.

Bref aperçu des politiques actives

• Les formations professionnelles

La formation professionnelle vise à qualifier ou requalifier les personnes dépourvues des compétences requises sur le marché du travail. Les acteurs impliqués dans la formation des demandeurs d’emploi sont multiples. Aux côtés des nombreuses formations développées par les services publics régionaux de l'emploi et de la formation professionnelle (anciennement FOREM pour la région wallonne), il faut noter le rôle de l’enseignement de promotion sociale, ou encore les formations permanentes pour les classes moyennes (centrées sur les professions d’indépendants et les salariés des PME). Le développement de Centres d'éducation et de formation en alternance (CEFA) permettent à des jeunes (15-25 ans), encore en formation initiale, mais en voie de décrochage scolaire, de combiner une formation et un travail. Leur fonction est d'installer une filière de qualification alternative à l'enseignement de plein exercice afin d'éviter le basculement de nombreux jeunes dans l'exclusion. On peut mentionner également dans cette perspective les différentes mesures qui visent à offrir aux jeunes une première expérience professionnelle, regroupées progressivement dans la convention "premier emploi", mise en place en 2000, qui prévoit qu'endéans les 6 mois qui suivent la sortie de l'école, on propose, aux jeunes de moins de 25 ans, un emploi ou une formation. Les entreprises de plus de 50 travailleurs, quant à elles, sont tenues d'embaucher un certain nombre de jeunes suivant la taille de celles-ci. Plus de 17 000 jeunes, en Wallonie, ont été concernés par cette mesure depuis son entrée en vigueur en avril 2000 jusqu'en décembre 2001.

Les associations, outre les initiatives de réinsertion par l'économique, sont très présentes dans le domaine de la formation. Ces nombreuses organisations d'insertion socioprofessionnelle, (OISP) de type associatif touchent plus spécifiquement une population menacée d’exclusion sociale et développent, aux côtés de formations professionnelles, une action plus globale de socialisation et d’éducation.

• Les programmes de résorption du chômage

Les pouvoirs publics sont intervenus activement dans la remise au travail de milliers de sansemploi en développant divers "programmes de résorption du chômage" (PRC)4. Ces divers programmes de résorption du chômage ont absorbé pendant des années la part la plus importante du budget alloué aux politiques actives :

4 Dès 1963 est lancé le programme des "chômeurs mis au travail" (CMT) qui durera jusqu'en 1989 ; les "cadresspéciaux temporaires" (CST) créés en 1977 existeront jusqu'en 1989 ; le "troisième circuit de travail" (TCT) mis sur pied en 1982 fonctionne jusqu'en 1990 en Région wallonne; le "Fonds budgétaire interdépartemental de promotion de l'emploi" (FBIE) est aussi créé en 1982 ; le système des "agents contractuels subventionnés" (ACS) est mis en place en 1986 ; enfin, les "projets régionaux d'insertion dans le marché de l'emploi" (PRIME) remplacent le programme TCT en Région wallonne à partir de 1990.

 En 2000, près de 100 000 personnes sont actives dans ces programmes en Belgique dont près de 40 000 en Wallonie. Ce sont, notamment, ces multiples associations qui ont développé sur le terrain les projets d'utilité collective grâce à ces dizaines de milliers de chômeurs remis au travail. Sensés être des « emplois-sas » en vue d’une réintégration vers le marché du travail, ces postes, malgré leur « sous-statut », n’en sont pas moins devenus de véritables contrats d’emploi perdurant dans le temps et sur lesquels les opérateurs ont structuré leur action.

C'est le cas notamment des personnes encadrant les bénéficiaires dans les entreprises sociales d'insertion par l'économique. Des évaluations montrent d’ailleurs que la probabilité de sortie de ces postes vers un emploi classique est plus faible que pour les chômeurs n’en bénéficiant pas (Mahy, 1994). C'est pourquoi aujourd'hui, les pouvoirs publics admettent que la plupart de ces postes de travail constituent des emplois réguliers répondant à des besoins structurels. C'est dans ce cadre que s'inscrit la réforme des PRC en Wallonie, qui devrait être d'application en 2002, qui vise, entre autres, à fondre les 7 statuts existants en un statut unique, à supprimer les différentes conditions d'accès, relatifs au profil des personnes à engager (il suffit, dorénavant, d'être "sans emploi"), tout en modulant la part d'intervention publique dans le coût salarial en fonction d'une série de critères (profil des travailleurs, secteur d'activités, etc.).

Aux côtés de ces programmes de résorption du chômage transformés en emplois réguliers, d'autres programmes ont été développés à la fin des années 1990, dont le but est de proposer une expérience de travail temporaire à des chômeurs non seulement dans le secteur non  marchand  (les programmes de transition professionnelle) mais aussi dans le secteur marchand ("emplois-services" dans des services qui n'étaient plus réalisés du fait de leur coût : gardiens de parking, pompistes, empaqueteurs…).

Ces programmes, où les chômeurs ne peuvent que rester une période de temps limitée, visent à augmenter leur probabilité d'embauche à l'issue de ceux-ci. Ces nouveaux programmes s'inscrivent au coeur des programmes d'activation dans la mesure où les allocations de chômage servent directement à rémunérer ces emplois.

Les pouvoirs publics locaux développent également des programmes de réinsertion via l'activation du revenu minimum d'existence. Avec la réforme du revenu minimum d'existence désormais dénommé "revenu d'intégration", la mission des centres publics d'aide sociale (CPAS) ne se limite plus à octroyer ce revenu mais s'élargit à l'insertion active des bénéficiaires dans la société et en particulier au sein du marché du travail via un "contrat d'intégration". Les CPAS ont la possibilité de mettre au travail, soit au sein du CPAS luimême, soit auprès d'un employeur extérieur qui a signé une convention avec le CPAS (entreprise privée ou d'économie sociale), des personnes bénéficiant du revenu d'intégration ou de l'aide sociale.

 Ces programmes poursuivent un double objectif; d'une part, permettre aux personnes, devant justifier une période de travail pour qu'elles puissent obtenir le bénéfice complet de certaines allocations relevant du système de sécurité sociale, de pouvoir exercer une activité professionnelle et, d'autre part, favoriser leur insertion professionnelle. 1500 personnes étaient mises au travail dans ce cadre en Wallonie en 1999 soit 3,8% des personnes minimexées. Soulignons, que depuis 2000, le placement des bénéficiaires du revenu d'intégration ou de l'aide sociale, via ce programme, dans des entreprises d'économie sociale (EFT et entreprises d'insertion) bénéficie de subventions majorées qui couvrent la totalité du coût salarial réel à l'exclusion des cotisations patronales. Notons également le partenariat entre les CPAS et des sociétés d'intérim (privées ou publiques) dans le développement de "l'intérim d'insertion" pour les bénéficiaires du revenu minimum d'intégration.

La création des Agences Locales pour l'Emploi au niveau communal, mises en place dans les années 1980 et dont l'inscription est obligatoire, depuis 1994, pour les chômeurs de longue durée, s’inscrit également dans une perspective de traitement social du chômage. Elles permettent à ces personnes de travailler un nombre limité d'heures dans des "petits boulots" — entretien de ménages et de jardins, petits bricolages, garde d'enfants et personnes âgées, tâches administratives.

Ces prestations effectuées auprès de particuliers ou d'organisations sans but lucratif donnent droit à une rémunération complémentaire aux allocations de chômage. En 2000, plus de 40 000 personnes sont actives en ALE en Belgique.

• Les aides à l’emploi

Les aides à l’embauche sont constituées de la multitude de dispositifs qui réduisent le coût du travail via une diminution des cotisations patronales visant à inciter les employeurs à embaucher des personnes appartenant à des « groupes à risque ». Ces subsides peuvent soit être marginaux c'est-à-dire conditionnels à l'embauche, soit inconditionnels; ils peuvent également être ciblés sur certains types de travailleurs ("les bas salaires", les ouvriers comme dans le cas de la mesure Maribel), certains types de chômeurs ("les jeunes", les "peu qualifiés", les "chômeurs de longue durée"), soit sur certains secteurs ("l'aide sociale" comme dans le cas du Maribel Social, les "travailleurs manuels"). Néanmoins, une tendance structurelle apparaît (cfr tableau 1), à savoir la transformation de ces multiples aides en une réduction structurelle du coût du travail, c'est-à-dire inconditionnelle à l'embauche, qui concerne l'ensemble des travailleurs. Cette transformation s'accompagne d'une augmentation considérable des moyens budgétaires affectés.

Quelles performances ?

Les effets nets de cette multitude de politiques sont très mal connus. En effet, au-delà du nombre de participants et de leur taux de placement brut à l'issue de la politique, peu d'informations sont disponibles.

Du point de vue microéconomique, ce type d'indicateur ne nous apprend rien sur l'effet de l'action elle-même sur la trajectoire des bénéficiaires sur le marché du travail puisque nous ne savons pas ce qui serait advenu à ces mêmes bénéficiaires en l'absence de l'action. Or il est bien connu que les biais de sélection sont importants dans ce type de politique.

Les biais de sélection

Les biais de sélection ont une double origine résultant des comportements des bénéficiaires potentiels ou des initiateurs de l'action. D'une part, les personnes éligibles (c'est-à-dire celles qui peuvent bénéficier de l'action) qui estiment avoir des chances de tirer profit d'une action sont plus nombreuses à poser leur candidature et à aller jusqu'au bout du programme (par exemple, de la formation) que les personnes qui ne pensent pas pouvoir en tirer parti. D'autre part, si les promoteurs procèdent à une sélection parmi les candidats, il est plausible qu'ils privilégieront les meilleurs candidats par souci d'obtenir de bons taux de placement (garants peut-être d'un financement futur). Dans ce cadre, on ne peut aisément départager les deux explications par rapport à un taux de placement "brut" : (1) la mesure est intrinsèquement efficace (respectivement, inefficace) et (2) la participation révèle des caractéristiques individuelles observées et/ou inobservées par l'évaluateur, qui sont corrélées positivement (respectivement, négativement) avec les chances de quitter le chômage. Source: Van der Linden, 1996.

Du peu d'études dont nous disposons, nous pouvons souligner pour la Belgique :

- du point de vue des subsides à l'embauche, les effets de perte sèche (l'embauche aurait eu lieu même en l'absence du subside), de substitution (l'embauche aurait malgré eut lieu mais se serait portée sur une autre personne) et de déplacement (l'embauche supplémentaire se fait au détriment du niveau de l'emploi au sein de la firme même ou d'une autre) sont multiples. L’effet net de ces incitants à l'embauche ne serait que de 12% (Van der Linden, 1997) si l'on ignore les effets de déplacement. En effet, l'effet de perte sèche serait de l'ordre de 53% et de substitution de 36%. Selon cette même étude, ce résultat ne serait pas très différent pour les groupes vulnérables sur le marché du travail;

- du point de vue des formations, si l'effet brut (c'est-à-dire le nombre de chômeurs embauchés après une formation) des formations s'élève généralement entre 30 et 40%, Van der Linden (1997) montre que dans le cas de son étude l'effet net varierait entre 17 et 22%, abstraction faite des effets de déplacement. Il semblerait que, pour les groupes plus vulnérables, l'effet net des formations soit, quelque peu, plus élevé.Cockx (2000) montre que les chômeurs wallons, qui entre 1989 et 1993, ont participé à une formation organisée par le FOREM, ont accéléré leur sortie du chômage. Il souligne, également, que les chômeurs qui ont participé à ces formations, sont ceux qui ont "les rendements les plus élevés vis-à-vis des formations" et ont un profil plus précarisé;

- du point de vue du parcours d'insertion en Wallonie, aucune étude n'appréhende l'effet net de l'ensemble du parcours. Cependant, Jaminon (2000) montre que le taux de placement brut à l'issue de dispositifs de qualification est nettement plus élevé qu'à l'issue des dispositifs de socialisation, reflétant la scission assez franche entre les publics de ces dispositifs. En effet, en qualification, on retrouve une population plus jeune et masculine; les dispositifs de socialisation s'adressant à un public plus fragile sur le plan de l'insertion socioprofessionnelle, à savoir des femmes, plus âgées, vivant seules;

- Nicaise et al. (2001) estiment l'effet net de différents dispositifs d'insertion par l'économique en Flandre (ateliers sociaux, entreprises d'insertion, expériences par le travail). Ils montrent que ces dispositifs augmentent la durée d'occupation de manière significative.

Que peut-on conclure de ces différentes études? D'abord qu'il est extrêmement difficile d'appréhender l'effet net des mesures, compte tenu des nombreux biais de sélection. Il est évident que les populations bénéficiaires sont très hétérogènes entre les différents dispositifs.

Les processus d'écrémage par les opérateurs et d'auto-sélection des participants sont très importants. Ensuite, les subsides marginaux à l'embauche subissent d'importants effets de perte sèche et de substitution. Enfin, il se dégage un effet net positif des différentes formations, effet qui serait plus marqué pour les groupes plus précarisés sur le marché du travail (Bollens, 2000).

Quels place et défis pour les entreprises sociales d'insertion par le travail :  quels objectifs ?

Il faut faire une distinction entre, d'une part, la perspective des acteurs de terrain et le législateur qui reconnaît et subventionne ces dispositifs et, d'autre part, les différents  dispositifs eux-mêmes.

De manière générale, si les pouvoirs publics mettent en avant l'insertion professionnelle, le secteur associatif, qui s'adresse le plus souvent, aux personnes les plus en difficulté par rapport à une insertion professionnelle stricto sensu, l'incite à formuler un objectif plus large, d'insertion professionnelle et sociale. Selon les opérateurs (ESSOR, 2000, extrait de la synthèse du point de vue associatif sur le parcours d'insertion), "cet angle d'approche est tout à fait fondamental: il permet d'articuler en une même démarche la socialisation des personnes, leur insertion citoyenne et leur accompagnement sur les difficiles chemins de l'intégration professionnelle […] La conception selon laquelle l'emploi serait l'horizon unique de travail des associations ne peut satisfaire le secteur: il y a aussi du sens à trouver dans la formation elle-même, pour l'épanouissement personnel, la connaissance générale, l'initiation à la vie sociale et l'entrée dans des démarches citoyennes".

Passons en revue différents dispositifs reconnus par un cadre légal spécifique (en laissant de côté les régies de quartier qui ne peuvent être qualifiées d'entreprises sociales proprement dit).

Missions des entreprises sociales d'insertion par l'économique reconnues par les autorités régionales

"L'entreprise de formation par le travail (EFT) a pour mission d'assurer la formation de stagiaires en recourant à une pédagogie spécifique, […] La formation vise l'acquisition ou le renforcement de compétences suffisantes pour des demandeurs d'emploi qui rencontrent des difficultés importantes d'insertion sur le marché de l'emploi afin de leur permettre d'obtenir ultérieurement un contrat de travail ou d'accéder à une formation qualifiante".

"L’entreprise d’insertion (EI) a comme finalité la création d'emplois visant la réinsertion sociale et professionnelle de personnes exclues des circuits traditionnels de l'emploi".

"L’atelier social (SWP) a pour mission de procurer un travail durable aux demandeurs d’emploi les plus précarisés, dans un environnement professionnel protégé, sans pour autant décourager ou exclure toute possibilité de réintégrer le circuit économique normal".

Les entreprises de formation par le travail

Ce type de dispositif n'existe qu'en Wallonie et à Bruxelles. Rappelons que les premières initiatives pionnières sont nées dans les années 1980 hors de tout cadre légal. En avril 1995, la Région wallonne a adopté un nouvel arrêté sur les "Entreprises de formation par le travail" (EFT) (modifié en 1999) regroupant une série de dispositifs de formation par le travail et unifiant un ensemble de réglementations déjà existantes. Les EFT ont été, en outre, intégrées depuis 1997 au dispositif du parcours d'insertion. Les EFT s'inscrivent donc dans un long processus d'institutionnalisation. Ce mouvement, s'il permet aux EFT d'être reconnues par les autorités publiques, est guetté par le danger d'un cadrage qui limite les possibilités d'innovation et d'autonomie du secteur. En Wallonie, deux tensions principales peuvent être relevées, résultant de la confrontation des objectifs émanant des pouvoirs publics et des entreprises de formation par le travail:

- unidimensionnalité versus multidimensionnalité des objectifs

Les EFT soulignent la multidimensionnalité de leur action et leurs effets sur différentes sphères de la vie sociale des stagiaires au-delà de la seule réinsertion professionnelle stricto sensu. Dans le cadre d'un chômage structurel pour ces groupes bénéficiaires, les EFT n'ont pas de pouvoir dans la création d'emplois elles-mêmes. Elles peuvent par contre agir sur un ensemble de dimensions qui permettent à la personne d'acquérir davantage de maîtrise sur son insertion sociale et professionnelle (comme l'augmentation du capital humain et social). Ceci plaide pour une évaluation multidimensionnelle des EFT qui ne se limite pas au seul taux de placement à l'issue de la formation (Lefèvre, 2001);

- séquentialité versus simultanéité des étapes

Les autorités régionales ont classé les opérateurs suivant les "étapes" du parcours d'insertion sur lesquelles ils sont autorisés à intervenir. La récente réforme du service régional public de l'emploi (2001) souligne, que les associations et donc aussi les EFT sont appelées à se concentrer sur les étapes de socialisation et de pré-qualification, le service public de l'emploi se concentrant sur les étapes de qualification et de placement. Si cet objectif peut se comprendre comme la reconnaissance du savoir-faire du secteur associatif par rapport à un public spécialement fragilisé sur le marché du travail, la crainte des EFT est de se voir confiner à une "niche" dans un rapport de sous-traitance par rapport au service public de l'emploi et non de véritable partenariat entre différents opérateurs de formation. En effet, il n'en demeure pas moins qu'au-delà du rôle de régisseur de la politique de l'emploi en général et du parcours d'insertion, en particulier, le service public de l'emploi reste le principal dispensateur de la formation qualifiante et donc est en concurrence, de facto, avec les autres opérateurs de formation.

Le parcours d'insertion en Wallonie: une logique séquentielle

Le parcours d'insertion articule la trajectoire d'insertion des demandeurs d'emploi en Wallonie en 4 étapes :

Etape 1 : socialisation / restructuration: cette première étape s'adresse au public le plus précarisé sur le plan de l'emploi, elle vise à reconstruire un socle de compétences sociales sur lequel l'apprentissage cognitif pourra se développer.

Etape 2 : Mise à niveau / préqualification / orientation : cette deuxième étape s'adresse à un public dont la formation initiale est incomplète; elle vise à doter l'individu des connaissances de base qui lui permettront d'aborder ensuite le processus de qualification proprement dit.

Etape 3 : Formation qualifiante : cette troisième étape s'adresse à un public prêt à s'insérer sur le marché du travail mais auquel manque la qualification professionnelle pour ce faire.

Etape 4 : Transition à l'emploi : ce dispositif vise la mise en contact du demandeur d'emploi avec le marché du travail et consiste par exemple en l'accompagnement des demandeurs d'emplois qualifiés dans leur recherche d'emploi (rédaction de CV, prise de contacts, etc.). Source : Desmette et Liénard, 2001.

Si les opérateurs soulignent l'intérêt d'une notion telle que celle de "parcours" pour l'accompagnement des personnes, elles dénoncent le caractère artificiel de la logique séquentielle de ses étapes et l'emploi comme horizon unique en reléguant les autres formes d'insertion sociale. Cette conception linéaire ne correspond ni à celle des bénéficiaires, ni des opérateurs. En effet, les bénéficiaires se situent en dehors de toute perspective séquentielle et ont l'emploi comme objectif prioritaire quelque soit leur "avancement" au sein du parcours. Ils font face, de manière simultanée, aux différents aspects de l'acquisition de compétences, qu'elles soient sociales ou professionnelles (Desmette et Liénard, 2000). Quant aux opérateurs, compte tenu de la multiplicité des situations des bénéficiaires et de leurs attentes multidimensionnelles, ils jugent cette séquentialité trop abstraite et peu praticable sur le terrain et surtout, ils soulignent le paradoxe "d'être jugé sur le taux de réinsertion dans l'emploi mais d'être interdits de formation qualifiante".

Les entreprises d'insertion

La reconnaissance légale des entreprises d'insertion est beaucoup plus récente, datant de 1998, en Wallonie, de 2000 en Flandre et de 1999 en Région Bruxelloise suite à l'expérience de quelques initiatives pionnières et un ensemble limité d'expériences pilotes. La mission des EI est clairement identifiée comme la création d'emplois pour les "demandeurs d'emplois particulièrement difficiles à placer". Tant les opérateurs que les pouvoirs publics se rejoignent sur cet objectif.

Les conditions et les modalités de leur reconnaissance au niveau régional accordent des soutiens financiers publics pendant une période initiale et en fonction de l'embauche de nouveaux travailleurs particulièrement défavorisés. La moindre productivité des travailleurs devant être compensée après 3 ans. A l'issue de cette période, les travailleurs peuvent rester au sein de l'entreprise ou la quitter. Rappelons que les entreprises d'insertion font partie des commissions paritaires relevant de leur secteur d'activité et donc doivent respecter toutes les normes en vigueur, notamment du point de vue salarial, attachées au secteur. Face à cette politique de subvention dégressive, les entreprises d'insertion sont incitées à sélectionner leur public soit à l'entrée (des demandeurs d'emplois qui puissent être rapidement "rentables"), soit à l'issue des trois ans en remerciant les personnes les plus faibles qui n'auraient pas atteint le seuil de "rentabilité". Si les opérateurs réclament, tout au moins, de conserver une dernière tranche de subvention qui perdure pour une période plus longue, pour ces travailleurs plus précarisés, les autorités régionales refusent d'inscrire ce type de subventionnement dans le paysage wallon. En effet, il s'apparenterait au développement de "l'emploi social protégé", c'est-à-dire de l'emploi subventionné "à vie" comme c'est le cas dans les entreprises de travail adapté pour les personnes handicapées ou les ateliers sociaux, en Flandre, pour un public particulièrement fragilisé. Le noeud du débat se situe donc sur le profil du public cible des entreprises d'insertion5.

Après trois ans de mise en oeuvre du décret wallon sur les entreprises d'insertion, les opérateurs soulignent, en outre la difficile question de la sélection du public cible compte tenu du subventionnement rapidement dégressif, la nécessité d'un encadrement social des travailleurs (organisation des formations, accompagnement dans la recherche d'emploi, etc.).

Une révision du décret wallon sur les entreprises d'insertion est programmée en 2002 et prévoit, d'une part, le subventionnement d'une personne en charge de l'accompagnement social des personnes en insertion et, d'autre part, l'assouplissement des conditions sur le profil des personnes à l'entrée en élargissant le public-cible à l'ensemble des personnes non titulaire d'un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur.

La situation des EI en Région bruxelloise est, quant à elle, très fragile. L'ordonnance régionale qui régit leur agrément est considérée comme trop exigeante, par les initiatives de terrain. Le niveau de rentabilité exigé est trop élevé compte tenu de leur mission sociale de réinsertion d'un public fragilisé. Le législateur, en voulant clairement inscrire les entreprises d'insertion dans une logique commerciale placerait les EI, dans une position ambivalente : "développer une stratégie similaire aux entreprises privées traditionnelles sans nuire aux principes de la concurrence tout en insérant un public exclu du marché du travail classique".

En Flandre, le constat majeur est que le résultat en termes de création d’emploi n’est pas à la hauteur des espérances dans le champ des entreprises d'insertion. Dès lors, le législateur flamand propose des mesures visant à encourager leur développement.

5 Une récente étude (d'Addio et Pinxteren, à paraître) montre qu'une partie du public fréquentant les EFT est

proche, en termes de caractéristiques, de celui des ateliers sociaux et que, le taux de placement pour ce sousgroupe est le plus faible, à l'issue des EFT. Ceci plaiderait pour une forme de subventionnement non dégressif pour un certain type de public.

Une mesure récemment adoptée concerne le subventionnement continu à 35%, sous des conditions strictes, d’une partie des travailleurs.

Les ateliers sociaux

Ces ateliers sociaux proposent des emplois protégés à des personnes valides et socioprofessionnellement très précarisées. Ce type de structure qui est sous-tendu par un subventionnement continu des travailleurs les plus précarisés repose sur le postulat que ces personnes ne pourront plus, même après une longue période d’adaptation, occuper un poste de travail dans le marché normal de l’emploi. A ce propos, il est notable que le taux de sortie des ces structures vers un emploi non protégé est très faible (5%). Rappelons, que certains d'entre eux, sont aussi agréés comme de centre de recyclage et bénéficient, pour cette activité, d'un subventionnement spécifique. Leur double production à caractère collectif est alors reconnue :

l'insertion d'un public fragilisé et la protection de l'environnement.

Ce type de structure suscite de nombreux débats en Wallonie et n'a pas de légitimité notamment aux yeux des pouvoirs publics qui rejettent ce type "d'emploi social protégé".

Quelles ressources ?

En Wallonie, la plupart des débats politiques à l'égard des expériences d'insertion se fonde sur la scission entre l'économie sociale dite "marchande" et "non-marchande", reflétant encore la traditionnelle dichotomie entre Etat et marché. Le critère distinctif est, dans ce cas, l'importance des recettes marchandes (en général plus de 50%) dans le financement de l'entreprise.

Afin de développer leurs activités, les EFT mobilisent des ressources marchandes (par la vente de biens et services sur le marché) et des ressources non-marchandes (grâce aux subventionnement des pouvoirs publics). La part des ressources volontaires (bénévolat, dons, etc.) reste minoritaire dans l’activité des EFT. Elle est surtout présente via le bénévolat des administrateurs et celui de personnes qui apportent une aide spécifique en termes de compétences (comptabilité, marketing, recherche de mécènes, etc.). Le coût d’une heure de formation, en EFT, s’élève, en 2000, en moyenne à 10 euros pour les pouvoirs publics (tous confondus) (Pinxteren, 2001).

Les conditions d'agrément définies en 1995 visent à limiter au strict minimum les activités productives et commerciales des EFT. Les EFT sont désormais considérées comme des organisations non marchandes prestant des services de formation et sont censées "confondre", moins que par le passé, formation et production. Les accusations de concurrence déloyale lancées contre certaines EFT, la capacité de plusieurs d'entre elles de générer des ressources enviables (et enviées), la méfiance voire l'hostilité traditionnelle de certains milieux vis-à-vis de l'associatif, un manque de clarté dans les comptes de certaines EFT, sont des facteurs qui contribuent à expliquer cette évolution. Cependant, comme le soulignent Gaussin (1997) et le

secteur des EFT, pour s'assurer que les EFT ne s'écartent pas de leur mission de formation, l'analyse des ratios doit vérifier qu'il y a des stagiaires en nombre suffisant par rapport au personnel. La part de ressources marchandes ou de la marge brute (chiffre d'affaires – matières premières) n'a, en soi, pas de lien avec le respect de cette mission. Seuls, des prix qui seraient bradés grâce à l'octroi de subventions pourraient être assimilés à un comportement de concurrence déloyale.

Alors que la subsidiation des EFT relève surtout des politiques de formation et de l'économie sociale dite "non-marchande", les entreprises d'insertion, dans toutes les régions du pays, sont inscrites, par le législateur dans le champ de l'économie sociale "marchande"  puisqu'elles prétendent accéder à divers marchés, privés et publics. C'est à ce titre qu'elles doivent adopter un statut de société commerciale (à finalité sociale pour la Wallonie et Bruxelles) et que les soutiens financiers publics ne pourront se justifier que pendant une période initiale ou en fonction de l'embauche de nouveaux travailleurs particulièrement défavorisés. Les entreprises d'insertion wallonnes peuvent également solliciter des prêts ou des participations au capital auprès de la Société wallonne d'économie sociale marchande. Si de telles entreprises ont besoin de certains financements publics, surtout dans les premières années, leur vocation est d'opérer sur des marchés classiques et d'y trouver l'essentiel des ressources qui leur sont nécessaires. Comme nous l'avons expliqué, cette optique s'inscrit en tension avec le type de public fragilisé qui est engagé au sein des EI.

En Flandre, les ateliers sociaux s’inscrivent plutôt dans une logique d’emploi protégé, à l’instar des entreprises pour personnes handicapées6. Dès lors, la distinction marchand / nonmarchand ne s’applique pas avec la même pertinence que pour les EFT et les EI. D’une part, les ateliers sociaux s’inscrivent dans une logique marchande incontestable. Leur activité commerciale est continue et certains ont même acquis un savoir-faire reconnu dans certains domaines (le recyclage et la récupération, par exemple). Notons que cette activité de production peut être subventionnée lorsqu'elle relève d'un centre de recyclage. D’autre part, le développement de leurs activités et de l’emploi ne pourrait pas se poursuivre sans des subsides conséquents octroyés par la Communauté flamande. Ils représentent aujourd’hui plus ou moins la moitié de leurs ressources financières. La continuité des subventions qu’ils perçoivent pour les travailleurs et les encadrants et le fait qu’ils ne sont pas tenus de respecter les niveaux de salaires de leurs concurrents (car ils appartiennent à la commission paritaire n°327 relevant de l'emploi social) les écartent inexorablement d’une logique purement marchande.

Institutionnalisation versus autonomie ?

D'une manière générale, les politiques des pouvoirs publics, de ces dernières années, ont reconnu de manière croissante le rôle des entreprises sociales dans la problématique de l'insertion des moins qualifiés. Que ce soit pour les entreprises de formation par le travail, les entreprises d'insertion ou les ateliers sociaux, la tendance est au développement de relations contractuelles entre les pouvoirs publics et ces entreprises sociales pour la prestation de services dans le cadre des politiques d'emploi et de formation pour un public fragilisé. Une telle contractualisation a l'avantage d'octroyer des moyens financiers calibrés suivant les objectifs des dispositifs réglementaires et entraîner une responsabilisation accrue des

entreprises sociales vis-à-vis des deniers publics. Elle peut aussi, cependant, engendrer des carcans si l'autonomie et la capacité d'innovation de ces dernières sont étouffées.

Une première tension apparaît au niveau des objectifs et plus particulièrement dans l'articulation entre insertion professionnelle et sociale. Une des caractéristiques de ces entreprises sociales est de poursuivre une pluralité d'objectifs en termes d'insertion vis-à-vis d'un public en marge de la société. L'institutionnalisation de ces entreprises sociales tend :

d'une part, à ne reconnaître que leurs bénéfices à l'aune de l'insertion sur le marché du travail

et, d'autre part, de "séquentialiser" ces bénéfices en termes d'acquisition par les bénéficiaires.

On peut poser l'hypothèse que l'institutionnalisation des entreprises sociales a un impact non négligeable sur la sélection du public bénéficiaire des entreprises sociales. Par exemple, pour ce qui concerne les entreprises d'insertion, la législation impose de sélectionner un public qui est très proche d'une insertion "normale" sur le marché du travail et donc incite à l'écrémage des bénéficiaires.

Enfin, l'effet sans doute le plus saillant de l'institutionnalisation est le déni d'une articulation entre différentes ressources marchandes, non-marchandes et volontaires en les forçant à se positionner soit vis-à-vis de l'économie non-marchande ou de l'économie marchande. L'un des traits majeurs de ces expériences, tant des EFT et des EI, est bien de combiner de manière indissociable une valeur ajoutée marchande et une valeur ajoutée non-marchande (en termes d'insertion d'un public précarisé). Si l'on parvenait à appréhender celle-ci de manière plus intégrée, bien des défis, notamment financiers, de l'insertion se poseraient en des termes plus ouverts.

Le fait que plusieurs entreprises sociales d'insertion par l'économique ont choisi de ne pas entrer dans un dispositif réglementaire est, à ce titre, tout à fait symptomatique. Ces entreprises sont, à titre d'hypothèse, celles qui articulent plus étroitement insertion sociale et professionnelle et les différents types de ressources. La plupart d'entre elles ont adhéré à des réseaux indépendants tels que celui des entreprises sociales ou Ressources qui regroupent les entreprises sociales actives dans le recyclage.

. Performance comparative et spécificités des entreprises sociales d'insertion par l'économique, comparées aux entreprises

à but lucratif et aux organisations publiques :

 quelques hypothèses à titre exploratoire.

Nous avons souligné la carence d'information quant à la mesure des effets des politiques d'emploi et de formation. Nous pouvons poser différentes hypothèses à titre exploratoire:

- les entreprises sociales d'insertion par l'économique s'adressent à un public relativement plus fragilisé tant sur le plan de l'insertion professionnelle que sociale passant dans les interstices des politiques traditionnelles d'emploi et de formation;

- s'adressant un public particulièrement fragilisé, on peut supposer un effet net des formations plus marqué que pour d'autres dispositifs visant un public moins précarisé.

Les objectifs de ces entreprises visent à articuler tant des effets sur le plan de l'insertion sociale que professionnelle. Elles développent davantage une logique transversale que séquentielle dans la formation des bénéficiaires. Ces entreprises ont des effets tant sur le capital humain que social des bénéficiaires.

La plupart des entreprises sociales produisent des biens ou services de nature privée.

Cependant, un sous-ensemble est actif dans le champ du recyclage et a été pionnier dans ce champ. Ces entreprises sociales poursuivent un double objectif: insertion d'un public fragilisé et développement d'un service de nature collective qui entrent mal dans les dispositifs légaux wallon et bruxellois, EFT ou EI développés uniquement en fonction de l'objectif d'insertion professionnelle des bénéficiaires ce qui n'est pas le cas, en Flandre, ou tant des entreprises d'insertion que des ateliers sociaux peuvent être agrées comme centres de recyclage (kringloopcentra) et bénéficier, à ce titre, de subventionnement spécifique.

 

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