PROJET D’ INGÉNIEUR EN
AGRICULTURE BIOLOGIQUE :
ENJEUX ÉCONOMIQUES ET
ÉTHIQUES
Année 2006-2007
Spécialité Economie Rurale et Politiques Publiques
Encadré par M. Dominique Vermersch
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SOMMAIRE
Introduction
A. ETAT DES LIEUX INSTANTANNE DE L’AGRICULTURE
BIOLOGIQUE
p.5
I. Histoire de l’Agriculture Biologique
1. Les courants de pensée fondateurs de l’Agriculture Biologique
2. L’émergence de l’Agriculture Biologique en France et en Europe
3. Définition de l’Agriculture Biologique
II L’Agriculture Biologique en Europe : un mouvement hétérogène
1. Quelques éléments sur l’Agriculture Biologique dans le monde
2. L’Agriculture Biologique en Europe (chiffres de 2003)
III. L’Agriculture Biologique en France
1. La production biologique en France
2. La consommation de produits biologiques en France
3. Transformation et Commercialisation
4. Les soutiens à l’Agriculture Biologique en France
IV. Problèmes et enjeux de l’Agriculture Biologique
1. Les problèmes de l’Agriculture Biologique
2. Les enjeux actuels de l’Agriculture Biologique
B. PRODUCTION DE DONNEES SUR LES MOTIVATIONS DES
PRODUCTEURS D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE D’ILLE ET VILAINE
p.31
I. Des motivations différentes entre consommateurs et producteurs d’AB ?
A. La position des agriculteurs en AB d’Ille et Vilaine
B. Les motivations des consommateurs d’AB
II. Méthodologie
A. Intérêt de la création de données
B. Méthodologie d’élaboration de l’enquête
C. Elaboration du questionnaire
A. Une première analyse des résultats à partir des pourcentages obtenus
B. Analyse statistique
1. Méthodologie
2. Commentaires des résultats statistiques
3
C. EBAUCHE DE MODELISATION
p.54
I. Détermination d’une aide spécifique à l’agriculture biologique incitant à la conversion
A. Détermination d’une fonction de production spécifique
B. Modèle simplifié
II. Impact de la dernière réforme de la PAC sur les agricultures conventionnelle et biologique
A. Cas de l’agriculture conventionnelle
B. Cas de l’agriculture biologique
C. Comparaison des deux types d’agriculture
III. Introduction de la terre comme facteur de production supplémentaire
A. Introduction du facteur terre
B. Introduction du différentiel de terre
D. REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DE L’AGRICULTURE
BIOLOGIQUE
p.63
I. Quelles motivations pour l’agriculture biologique ?
1. Les origines de l’agriculture biologique
2. Introduction de l’agriculture biologique en France
3. Les motivations des acteurs
II. L’agriculture biologique : un développement justifié ?
1. Progrès technique vs progrès moral, ou comment l’agriculture biologique est génératrice de
progrès moral
2. Le retour de la pertinence économique de l’agriculture biologique
III. Quels moyens pour généraliser l’agriculture biologique ?
1. Une possible universalisation de l’agriculture biologique ?
2. L’agriculture biologique : un instrument temporaire ?
Bibliographie
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Introduction
Si les récentes crises alimentaires ont fourni un contexte favorable à un nouvel essor
de l’Agriculture Biologique (AB), celle-ci marque à nouveau le pas. A voir en effet la
stagnation voire la régression des surfaces consacrées à l’AB en France voire dans l’UE, les
excédents laitiers qui rejoignent les circuits conventionnels, il est désormais patent que l’AB
ne peut se contenter pour son développement de quelques niches de consommateurs argentés
ou militants. Les premiers consentent à une différence de prix des produits bio en escomptant
des bénéfices sur la santé, autrement dit un bien privé. La militance des seconds ne suffit pas à
rémunérer correctement les bénéfices environnementaux de l’AB, c'est-à-dire des biens
publics. Ces différents biens sont en outre difficiles à évaluer du fait de la complexité à
agréger monétairement les coûts et les bénéfices marchands, non marchands qui, pour certains
du moins et dans le cas de l’AB, ne se révèlent qu’à moyen terme : améliorations
environnementales, diminution de la facture énergétique, variation du solde d’emplois….
bref, autant de critères d’un développement agricole durable.
L’AB souffre également des rentes de situation capitalisées par l’agriculture
conventionnelle. En passant d’un système de prix garantis à des aides directes à l’hectare ;
puis à un montant forfaitaire par exploitation agricole basé sur des références historiques, le
soutien public agricole ne constitue plus ni plus ni moins qu’une rente de situation forgée au
fil des années par la recherche à tout prix des économies d’échelle : accroissement des
surfaces, des élevages, du machinisme…Or l’AB ne tire pas tant son intérêt des économies
d’échelle que des économies de gamme.
Enfin, l’AB véhicule depuis ses origines une militance diverse mais surtout extraagricole
(anti-productiviste, anti-OGM…) ; qu’elle soit appréciée en outre comme une sorte
de « retour des techniques » flirtant parfois avec l’ésotérisme : tout cela n’a pas facilité en
définitive un engouement massif, tant du côté de la production que de la consommation.
Ce dossier est constitué des travaux de quatre groupes d’étudiants « agroéconomistes
» en fin de cursus à l’ENSAR.
Dans un premier temps, un état des lieux précis et instantané de la situation de l’AB en
France et en Europe sera présenté. Le second volet sera consacré à une analyse statistique
concernant la convergence des producteurs et des consommateurs de l’AB quant à ses
objectifs. Une troisième partie est constituée d’une ébauche de formalisation d’un niveau
d’aide encourageant la conversion à l’AB. Enfin, un argumentaire éthique en faveur de l’AB
sera développé.
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A. ETAT DES LIEUX INSTANTANE DE L’AGRICULTURE
BIOLOGIQUE
I. Histoire de l’Agriculture Biologique :
1. Les courants de pensée fondateurs de l’Agriculture Biologique
L’Agriculture Biologique française est issue de trois courants principaux :
- l’agriculture biodynamique de Rudolf Steiner.
En 1913, ce dernier fonde l’anthroposophie, doctrine qui propose une conception
spirituelle large de la nature humaine et du vivant au centre d’un équilibre régi par des forces
« cosmiques et telluriques ». Onze ans plus tard, avec
le Cours aux agriculteurs, il soutient leretour à une vie paysanne autosuffisante, seule garante d’une capacité de production durable
et d’une société stable. Il s’oppose à l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides de
synthèse qui sont inutiles selon lui si le sol est sain et conseille les composts, seuls capables
d’enrichir le sol en « force de vie », ainsi que l’utilisation de diverses autres adjonctions qui,
préparées à doses infinitésimales, permet la continuité avec l’Univers. Ces thèmes sont repris
par Erhenfried Pfeiffer, vulgarisateur de l’agriculture biodynamique en Europe et aux Etats-
Unis. En 1958 est crée en France l’ « Association française de culture biodynamique ». Ce
courant de pensée, distinct des autres notamment par son approche philosophique, est
aujourd’hui représenté en France par Demeter (coopérative créée en 1927, marque déposée à
l’OMPI en 1929) et la Maison de l’agriculture biodynamique.
- l’agriculture organique de Sir Albert Howard.
En 1940, celui-ci publie le « Testament agricole », dans lequel il pose les fondements
d’une agriculture organique. Pour lui, la puissance d’une société repose sur la bonne santé de
ses classes ouvrières, et nécessite donc une alimentation saine et peu coûteuse. Il s’engage en
faveur du maintien d’une agriculture paysanne, gage d’une gestion durable et saine de la terre
et dénonce les engrais chimiques et les pesticides : il propose plutôt une fertilisation
organique à base de divers composts issus d’exploitations associant culture et élevage. La
« Soil Association », créée en 1946 en Grande-Bretagne, vise à promouvoir les concepts de
Sir Howard et de l’agriculture organique, que sont l’autonomie de la ferme, le compostage et
la fertilisation organique.
- l’Agriculture Biologique de Hans et Maria Müller,
Celle-ci se développe vers 1930 et vise avant tout des objectifs économiques et
sociopolitiques. Ces idées sont concrétisées vers les années soixante par Hans Peter Rusch qui
publie « La fécondité des sols », dans lequel il propose une méthode de culture préservant la
fertilité des sols sans en épuiser les ressources. Il dénonce déjà contre les gaspillages de la
société de consommation et conseille une utilisation maximale des ressources renouvelables.
2. L’émergence de l’Agriculture Biologique en France et en Europe
L’Agriculture Biologique émerge en France à la fin de la seconde guerre mondiale,
suite à l’inquiétude de médecins sur la qualité de l’alimentation issue de l’industrialisation de
l’agriculture et aux mouvements de quelques agriculteurs et d’un agronome, Jean Boucher.
Sont créés successivement en 1952 l’Association française pour une alimentation normale
(AFAN), puis en 1958 le Groupement des agriculteurs biologiques de l’Ouest (GABO) et en
1962 l’Association française d’Agriculture Biologique (AFAB), notamment par Boucher. Une
6
scission a lieu entre les fondateurs de l’AFAB : en 1963, Boucher crée la société Lemaire-
Boucher, qui commercialise une méthode à base d’algue marine calcaire, alors qu’en 1964,
suivant une optique scientifique, Louis et Tavera créent l’Association européenne d’hygiène
biologique Nature & Progrès, qui vise à promouvoir toutes les méthodes de l’Agriculture
Biologique. La Fédération nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) est créée en 1966. Un
tournant de l’Agriculture Biologique est permis grâce à la création de l’International
Federation of Organic Agriculture Movement (IFOAM) en 1966, qui coordonne le réseau
mondial des mouvements agrobiologistes.
Au début des années 1970 apparaissent les notions de cahiers des charges, de
certification, de contrôle et de garantie pour les consommateurs. Nature & Progrès publie en
1972 le premier cahier des charges français.
Grâce aux efforts de Nature & Progrès et de producteurs vers la promotion et la
recherche€ d’un soutien public, l’Agriculture Biologique se démarginalise au début des
années 1980 et obtient une reconnaissance professionnelle et institutionnelle, marquée par la
loi d’orientation agricole du 4 juillet 1980 qui mentionne la possibilité d’une homologation de
cahiers des charges de l’Agriculture Biologique.
En 1983 est publié le Décret de création du Comité d’homologation des cahiers des
charges. Un an plus tard est créé le label AB, qui garantie un produit issu d’un cahier des
charges (le premier cahier des charges homologué est obtenu par Nature & Progrès en 1986),
ainsi que l’Institut technique de l’Agriculture Biologique (ITAB). En 1988, la loi relative à
l’adaptation de l’exploitation à son environnement économique et social notifie qu’il est
obligatoire d’adhérer à un cahier des charges pour obtenir l’appellation « Agriculture
Biologique ». On comptait 20 cahiers des charges en 1990.
Le règlement CEE 2092/91 de 1991 officialise l’Agriculture Biologique dans l’Union
européenne et définit le mode de production biologique des produits agricoles végétaux et sa
présentation sur les denrées alimentaires.
En 1997, en France, un plan pluriannuel de développement de l’Agriculture
Biologique est lancé. Son ambition est de multiplier par 10 les surfaces en 10 ans, afin
d’atteindre en 2005 : un million d’hectares et 25000 producteurs ainsi que d’engager la filière
vers une structuration globale
via trois axes d’actions:- la recherche/ le développement / la formation
- la réglementation / le contrôle / la qualité
- les territoires / les filières / les marchés.
Comme nous le verrons par la suite, ces objectifs n’ont toujours pas été atteints en
2007.
En 1999, la réglementation européenne évolue avec le règlement CE 1804/99
concernant la production animale (REPAB ou Règlement Européen pour les Productions
Animales Biologiques). Ce règlement visait à harmoniser les règles de production dans les
pays communautaires et définissait les modalités des productions animales biologiques, à
savoir la conversion, l’origine des animaux, l’alimentation, la prophylaxie et les soins
vétérinaires, la gestion de l’élevage, le transport et l’identification des produits animaux, la
gestion des effluents d’élevage, les espaces en plein air et les bâtiments d’élevage.
La réglementation européenne comprend ainsi cinq domaines :
- les règles de production des produits agricoles et la préparation des
denrées alimentaires
- la période de conversion
- l’étiquetage des produits agricoles et des denrées alimentaires
biologiques
- les exigences en matière de contrôle
7
- le régime d’équivalence pour les importations en provenance des pays
tiers.
Comme tout règlement européen, il s’applique directement sur tout le territoire
européen (contrairement aux directives qui doivent être traduites en droit national). Les
réglementations nationales sur l’agriculture bio (en France, les cahiers des charges animaux et
végétaux agréés) sont alors devenues caduques à la sortie de ce règlement (l’application du
règlement modifié incorporant le REPAB s’est faite en Août 2000).
Néanmoins, le règlement prévoit quelques exceptions :
- la possibilité d’avoir au niveau national des cahiers des charges pour les
productions animales non inscrites dans le règlement européen ;
- les amendements, engrais, additifs… autorisés par le règlement doivent aussi
l’être au niveau national (exemple de l’acide oxalique autorisé au niveau européen mais pas
au niveau français) ;
- les Etats sont libres d’avoir un règlement plus strict que le règlement européen
pour les productions animales.
La France a ainsi adoptée en 2005, par le biais de cette troisième exception, un cahier
des charges plus strict que le règlement communautaire : le CC REPAB F (au contraire de
l’Allemagne par exemple ayant appliqué le REPAB inchangé). Ce règlement a durci le
REPAB essentiellement sur des dérogations temporaires prévues par ce dernier et non
retenues ou écourtées dans le CC REPAB F (avec de plus le lien au sol obligatoire et le
maintien de quelques anciennes règles issues des cahiers des charges français sur les produits
animaux). Deux guides de lecture (respectivement du RCEE et du REPAB) ont également été
rédigés pour faciliter la compréhension des règlements.
3. Définition de l’Agriculture Biologique
Il n’existe pas de définition universelle de l’Agriculture Biologique. Elle diffère selon
les auteurs.
Ainsi, suivant une des Directives concernant la production, la transformation,
l'étiquetage et la commercialisation des aliments issus de l'Agriculture Biologique, de la
Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius (1999), l'Agriculture Biologique est un
système de gestion holistique de la production qui favorise la santé de l'agrosystème, y
compris la biodiversité, les cycles biologiques et l'activité biologique des sols… Les systèmes
de production biologique reposent sur des normes spécifiques et précises de production dont
l'objectif est de réaliser les agrosystèmes les meilleurs possibles, qui demeureront durables sur
le plan social, écologique et économique.
Pour la GRAB BN, l’Agriculture Biologique est un mode de production régi par un
cahier des charges européen pour les productions végétales et avec des clauses plus
restrictives pour les productions animales. Cette agriculture s’interdit l’utilisation de
pesticides et d’engrais chimiques de synthèse. Ce mode de production emploie des méthodes
spécifiques destinées à favoriser les processus naturels (rotation des cultures, semis d’engrais
verts, épandage de matières organiques compostées…). L’Agriculture Biologique a pour
projet la production en quantité suffisante d’aliments de qualité, en respectant
l’environnement, par des techniques reproductibles de générations en générations. Les
pratiques de l’Agriculture Biologique respectent les équilibres naturels, maintiennent la
biodiversité et garantissent le caractère durable de l’activité agricole.
8
La FNAB a elle une définition plus simple en qualifiant l'Agriculture Biologique de
mode de production qui a pour objectif de rapprocher au maximum des conditions naturelles
de vie des animaux et des plantes.
En France, le décret du 10 mars 1981 la définit comme une « agriculture n’utilisant
pas de produits chimiques de synthèse » (wikipédia).
Enfin pour la Commission européenne, l'Agriculture Biologique diffère des autres
modes de production agricole à plus d'un titre. Elle privilégie les ressources renouvelables et
le recyclage, en restituant au sol les éléments nutritifs présents dans les déchets. Dans le
domaine de l'élevage, la réglementation de la production de viande et de volaille veille tout
particulièrement au bien-être des animaux et à une alimentation naturelle. L'Agriculture
Biologique respecte les systèmes autorégulateurs de la nature pour lutter contre les ennemis
des cultures et les maladies des plantes et évite de recourir aux pesticides, herbicides, engrais
de synthèse ainsi qu'aux hormones de croissance, antibiotiques ou à la manipulation
génétique. Les agriculteurs biologiques utilisent en lieu et place une série de techniques qui
favorisent des écosystèmes durables et réduisent la pollution.
II L’Agriculture Biologique en Europe : un mouvement
hétérogène
1. Quelques éléments sur l’Agriculture Biologique dans le monde
En 2003, les surfaces consacrées à l’Agriculture Biologique dans le monde étaient
estimées à 26,5 millions d’ha et 558000 exploitations. Soit une augmentation de 69% de la
surface depuis 1998. L’Océanie concentre 11,3 millions d’ha, l’Amérique Latine 6,3 et
l’Europe 5,7 millions d’ha soit près de 90% des surfaces consacrées à l’Agriculture
Biologique dans le monde (cf figure 1). Cette prééminence de l’Océanie est principalement
due à la présence de l’Australie dont 2,5 % de la SAU est convertie en AB. Il faut toutefois
noter que la SAU en AB en Australie est majoritairement constituée de prairies dont le niveau
productivité est très faible par rapport à celui de l’agriculture européenne.
Asie
3%
Amérique du Nord
6%
Europe
23%
Afrique
2%
Amérique Latine
24%
Océanie
42%
Figure 1: Répartition des surfaces en Agriculture Biologique dans le monde (Rapport
commission européenne 2005)
9
2. L’Agriculture Biologique en Europe (chiffres de 2003)
Les chiffres et données présentés ci-dessous sont issus d’un rapport de la Commission
européenne présenté en novembre 2005 et intitulé
organic farming in the european unionfacts and figures
.a) Surfaces
En 2003, au sein de l’Union Européenne à 25, les surfaces consacrées à l’AB ou en
conversion représentaient 5,7 millions d’ha. L’Italie concentre à elle seule un cinquième de
ces surfaces puisqu’elle compte plus d’un million d’ha en AB. Suivent l’Allemagne,
l’Espagne et le Royaume Uni avec 0,7 million d’ha chacun puis la France avec 0,55 million
d’ha.
L’AB représente donc 3,6% de la surface agricole utile européenne. Sur la figure 2, on
peut observer que 11 pays sont au dessus cette moyenne dont l’Autriche avec 9,7%, l’Italie
(8,1%), la Suède (7,2%) et la Finlande (7,1%).
Figure 2: Part de l’Agriculture Biologique dans la SAU dans l’UE-25 en 2003 (%)
(Rapport commission européenne 2005)
b) Exploitations : nombre et taille
En 2003, au sein de l’UE à 25, le nombre d’exploitations certifiées biologiques ou en
conversion était de 149000. Dans l’UE à 15, le nombre d’exploitations est passé de 29000 à
140000 de 1993 à 2003 et la SAU en AB de 0,7 à 5,1 millions d’ha. Encore une fois l’Italie
arrive en tête avec 44000 exploitations soit 31% du total européen suivie par l’Autriche
(19000) puis l’Espagne et l’Allemagne avec 17000 exploitations chacune.
Il est intéressant de noter qu’en moyenne, et dans l’UE à 25, la taille des exploitations
en AB est supérieure à celle des exploitations conventionnelles, respectivement 40 ha contre
15. Ceci est d’autant plus vrai pour la Grèce et le Portugal où les exploitations en AB sont 9
fois plus grandes que les exploitations conventionnelles même s’il est vrai que ces deux pays
présentent des productions d’olives biologiques très importantes très consommatrices de
surfaces. Au Royaume Uni, la surface moyenne des exploitations biologiques est elle de 173
ha, soit plus de 4 fois la moyenne européenne. D’autres pays comme l’Autriche, la Finlande
ou le Danemark ont des tailles d’exploitations relativement identiques en Ab ou en agriculture
conventionnelle (cf figure 3).
10
Cette importante différence de taille entre exploitation en AB et exploitation en
agriculture conventionnelle peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, il est
intéressant de noter que dans l’UE-15 la taille moyenne des exploitations en AB était de 35 ha
contre 20 en agriculture conventionnelle en 2002 (Eurostat 2005). Ainsi l’entrée des 10
nouveaux états membres a fait augmenter cet écart. La SAU moyenne par exploitation dans
ces pays est généralement plus faible que celle observée dans l’UE-15.
De plus, l’AB est moins intensive à l’hectare et certaines productions biologiques
fortes consommatrices de surfaces sont très développées (olives).
Figure 3: Taille moyenne des exploitations en Agriculture Biologique et en agriculture
conventionnelle dans l’UE-25 en 2003 (ha) (Rapport commission européenne 2005)
c) Les productions végétales
Dans l’UE à 15, en 2003, les surfaces en AB étaient de 5,1 millions d’ha. Ces surfaces
sont en grande majorité des prairies et des cultures fourragères (61 %) (cf figure 4).
Horticulture
8%
Autres
6%
Autres céréales
25%
Pâturage et
fourrages
61%
Figure 4: Répartition de la surface en Agriculture Biologique suivant les types de
cultures dans l’UE-15 (Rapport commission européenne 2005)
11
d) Les productions animales
2,3 % des productions animales de l’UE-25 sont certifiées biologiques. Les plus gros
producteurs sont l’Italie, la Suède et l’Allemagne avec chacun 0,4 M de LU (livestock unit).
Le Royaume Uni, la France et l’Espagne suivent avec entre 0,2 et 0,3 M de LU.
Figure 5: Productions animales certifiées biologiques dans l’UE-22 (milliers de
livestock unit) (Rapport commission européenne 2005)
Le nombre de vaches laitières atteint 483000 têtes soit 2,3 % des troupeaux laitiers
dans l’UE-15 ; Le Royaume Uni et l’Allemagne concentrant 40 % des troupeaux à eux deux.
Les autres bovins représentent 1 M de têtes (1,7 % du troupeau européen) donc 25 % pour
l’Autriche et 15 % pour l’Italie le Royaume Uni ainsi que l’Allemagne.
On recense 450000 porcs biologiques en EU-15 soit 0,4 % du total.
Les chèvres et brebis représentent 2,4 M de têtes soit 2,4 % du total en EU-15.
e) Produits et commercialisation
En 2004, le marché européen de l’AB était estimé à 11 milliards d’euros. L’Allemagne
concentre un tiers des volumes avec 3,5 milliards d’euros loin devant le Royaume Uni (1,6
milliards), l’Italie (1,4) et la France (1,2).
Figure 6: Ventes au détail de produits biologiques dans l’UE-15 (milliard d’euros)
(Rapport commission européenne 2005)
12
Cependant, le niveau de développement du marché des produits biologiques est très
hétérogène suivant les pays. Ainsi au Danemark, les produits issus de l’AB représentent 3,5 %
du marché de l’alimentation, en Autriche et en Allemagne 2 %. A l’opposé, l’Espagne, la
Grèce ou le Portugal, la proportion tombe à 0,2 % (cf figure 7).
Figure 7: Part des produits biologiques dans le marché de l’alimentation dans l’UE-17
(%) (Rapport commission européenne 2005)
Remarque : l’UE-17 inclut l’UE-15 plus la République Tchèque et la Hongrie.
Les modes de commercialisation sont également différents d’un pays à l’autre. On
peut distinguer deux catégories :
- les pays où la vente directe et la vente dans les magasins spécialisés dominent à
savoir en Belgique, Allemagne, France, Grèce, Luxembourg, Irlande, Italie, Pays-Bas et
Espagne,
- les pays où la vente en hyper et supermarchés est plus importante (> 60 %) :
Danemark, Finlande, Suède et Royaume Uni.
Après ce panorama global de l’Agriculture Biologique en Europe, nous allons nous
intéresser à un pays en particulier où celle-ci est très développée : l’Autriche.
f) L’Autriche : un pays bio (données d’une mission économique de l’Ambassade
de France en Autriche, février 2006)
·
Surfaces et productionsL’AB n’a vraiment démarré en Autriche que dans les années 90 (cf figure 8). En 1990,
un soutien à l’AB est mis en place. On ne dénombrait alors que 1500 exploitations en AB. En
1995, on en comptait 16000. La croissance s’est ensuite ralentie. En 2004, l’AB représente :
- 20000 exploitations agricoles soit 10,5 % des agriculteurs,
- 347000 ha soit 13,5 % de la SAU autrichienne.
13
Figure 8: Evolution du nombre d’exploitations bio entre 1990 et 2004 en Autriche
(Mission économique de l’Ambassade de France 2006)
Les céréales constituent 50 % des surfaces en bio, loin devant les cultures
exclusivement fourragères (cf figure 9).
Figure 9: Répartition de la surface agricole biologique autrichienne entre les différents
types de productions en 2003 (Mission économique de l’Ambassade de France 2006)
L’Autriche est un pays montagneux : 70 % du territoire où se concentre 50 % des
agriculteurs. Les structures d’exploitations sont petites : 17,5 ha (moyenne identique en AB et
en agriculture conventionnelle) et les conditions naturelles ne favorisent pas une agriculture
intensive. Ces éléments peuvent expliquer le fort développement de l’AB en Autriche par
rapport aux autres pays européens.
·
Soutien à l’Agriculture BiologiqueMais l’Autriche doit aussi le succès de son AB à une politique de soutien importante
sous la forme de paiements directs versés dans le cadre du programme agro-environnemental
(financés à 50% par l’Europe). Il est intéressant de noter que les primes sont identiques pour
la conversion et le maintien de l’AB. Le tableau ci-dessous présente les primes à l’ha
susceptibles d’être versées au titre de la mesure AB du programme ÖPUL (€ / ha) en 2003.
14
Tableau 1 : primes à l’ha versées au titre de la mesure AB du programme ÖPUL (€ /
ha) en 2003 (ministère fédéral autrichien de l’agriculture)
Légumes
- culture unique
- cultures multiples (rotation)
508,70
654,05
Fraises 654,05
Pépinières et culture de houblon sur terres
arables
799,40
Grandes cultures 327,03
Prairies avec plusieurs fauchages
- < 0,5 UGB / ha
- > 0,5 UGB / ha
159,80
250,70
Prairies avec un seul fauchage
- < 0,5 UGB / ha
- > 0,5 UGB / ha
150,40
95,92
Vignobles, vergers 363,36
La plupart des exploitations autrichiennes se sont engagées dans le programme agroenvironnemental.
Ainsi le montant d’aides directes versées était en 2003 de :
- 7958 € / ha pour une exploitation en bio,
- 4123 € / ha pour une exploitation conventionnelle.
·
OrganisationEn 2005 a été créée une association nationale « Bio Austria » qui regroupe 75 % des
producteurs bio. Elle a remplacé la douzaine d’associations de producteurs qui existaient
jusque là. Cette association nationale est chargée grâce aux cotisations de ses membres :
- de la promotion de l’AB : communication, marketing, lobby,
- du soutien technique aux producteurs.
De plus, il existe un établissement public : l’AMA (Agrarmarkt Austria) qui est
chargé :
- de suivre et de rendre compte du marché agro-alimentaire,
- de mettre en oeuvre les cahiers des charges,
- de gérer les fonds publics alloués aux agriculteurs (unique organisme payeur).
·
La consommationUn consommateur sur trois achète régulièrement des produits issus de l’AB et un sur
sept n’en consomme jamais. Les consommateurs réguliers représentent 80 % des achats
totaux. Le prix élevé reste la principale raison du non achat (46 % des consommateurs
interrogés) alors que les aspects santés des produits sont à l’opposé la principale motivation
(43 %) de la consommation bio. Il est important de noter que la protection de l’environnement
n’est pas mentionnée comme critère d’achat de produits bio (Mission économique de
l’Ambassade de France 2006).
70 % des produits des produits issus de l’AB sont commercialisés en grande surface,
12 % en restauration hors foyer, 10 % en vente directe et 8 % sont exportés. Le marché
autrichien de l’AB est estimé à environ 400 millions d’euros soit 4 % du marché
agroalimentaire. On note ainsi que la restauration collective représente une part non
négligeable du marché bio. Ceci est du aux impulsions données par les Länder.
15
III. L’Agriculture Biologique en France
1. La production biologique en France
L’année 2005 a été une année de croissance pour l’Agriculture Biologique. Le nombre
d’exploitations (+3%) ainsi que la Surface Agricole Utilisée (+5%) ont très nettement
progressé par rapport à 2004. En 2004, le recul de cette SAU a été directement corrélable à la
suspension des aides à la conversion pendant 2 ans (dispositifs CTE puis CAD).
Dans le secteur animal biologique, les chèvres et les truies connaissent les plus fortes
progressions.
Dans le secteur végétal biologique, toutes les cultures sont en nette progression,
excepté les protéagineux. Les PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales) et
légumes biologiques présentent les plus fortes augmentations.
Entre 2004 et 2005, 121 entreprises de transformation supplémentaires sont présentes
sur le marché, soit un total de 4995 entreprises.
Tableau 2 : Les chiffres de la bio Source : Agence Bio
CHIFFRES
2
002
2
003
2
004
2
005
Surfaces exploitées en mode biologique
(en milliers d’ha)
5
18
5
51
5
34
5
61
Nombre d’exploitations certifiées bio
1
1228
1
1359
1
1069
1
1402
Nombre d’entreprises de transformation
bio
4
873
4
995
PRODUCTIONS ANIMALES BIO
Nombre de VL bio (en milliers)
5
5
5
9
6
2
6
6
Nombre de vaches allaitantes bio (en
milliers)
5
1
5
4
6
2
6
8
Nombre de brebis bio (en milliers)
1
09
1
15
1
28
1
40
Nombre de chèvres bio (en milliers)
2
0
1
9
2
0
2
2
Nombre de poules pondeuses bio (en
milliers)
1
327
1
302
1
486
1
620
Nombre de poulets de chair bio (en
milliers)
4
877
5
144
4
470
Nombre de truies bio
3
509
3
691
3
617
4
015
PRODUCTIONS VEGETALES BIO*
Surfaces de céréales bio (en milliers
d’ha)
8
2
8
9
9
5
Surfaces d’oléagineux bio (en milliers
d’ha)
1
8
1
9
1
9
Surfaces de protéagineux bio (en milliers
d’ha)
1
7
1
2
1
1
Surfaces de fourrage bio (en milliers
d’ha)
3
54
3
34
3
48
Surfaces de légumes bio (en milliers
d’ha)
7
.2
7
.7
8
.8
Surfaces de fruits bio (en milliers d’ha)
9
.1
8
.6
8
.9
Surfaces de vigne bio (en milliers d’ha) 1 1 1
16
6.2 6.4 8.1
Surfaces de PPAM** bio (en milliers
d’ha)
2
.0
2
.0
2
.3
Surfaces autres (en milliers d’ha)
4
5
4
4
4
9
* bio+conversion
** plantes à parfums, aromatiques et
médicinales
a) La production animale biologique
En 2005, deux tiers des vaches laitières certifiées bio sont dans les trois régions du
grand ouest et en Franche-Comté, avec des progressions respectives en Pays de la Loire,
Basse-Normandie, Bretagne et Franche-Comté de 11%, 6%, 4% et 4%.
Les principales régions productrices de vaches allaitantes (Pays de la Loire, Auvergne,
Midi-Pyrénées et Limousin) connaissent des augmentations allant de 10% à 22%.
Le nombre de brebis bio est de 9% plus élevé qu’en 2004, avec +32% en secteur
laitier et +6% en secteur viande.
Le secteur animal qui progresse le plus, à savoir les chèvres certifiées biologiques,
atteint plus de 22000 têtes. Rhône Alpes est en première place en nombre de têtes, Midi-
Pyrénées derrière Provence Alpes Côtes d’Azur prend la troisième place avec +26% de
progression.
Les truies reproductrices dépassent 4000 têtes soit une croissance de 11%, avec des
évolutions notables sur le graphique ci-dessous. Malgré des évolutions faibles à négatives les
Pays de La Loire et la Bretagne se maintiennent à la première et deuxième place de la
production porcine.
Les poules pondeuses progressent au niveau national de 9%, malgré une régression de
10% de la première région productrice : la Bretagne. Rhône-Alpes et Pays de La Loire
progressent respectivement de 42% et 31%.
17
Evolutions notables du cheptel reproducteur porcin bio en
France
35%
50%
148%
0%
-26%
Centre Limousin Midi-Pyrénées Pays de la Loire Bretagne
Figure 10 : l’évolution du porc bio en France en 2005
Source : les chiffres de la bio 2005, Agence Bio
b) La production végétale biologique
Les grandes cultures biologiques recouvrent 126000 ha. Le premier département est le
Gers avec 8662 ha.
Les grandes cultures biologiques
Protéagineux; 9%
Oléagineux; 15%
Céréales; 76%
Figure 11 : les grandes cultures biologiques
Source : les chiffres de la bio 2005, Agence Bio
La surface céréalière bio progresse en 2005 de 7% avec en tête les Pays de la Loire
devant Midi-Pyrénées. Les oléagineux restent concentrés dans le Sud-Ouest, le soja
exprime une baisse de 6% alors que le colza, très faiblement représenté augmente de 35%.
Les protéagineux régressent (-9%) à cause du pois essentiellement (-35%).
Les légumes bio progressent également particulièrement dans les régions où ils sont
déjà implantés : +34% en Midi-Pyrénées, +16% en Bretagne. Mais ils progressent aussi en
Bourgogne (+33%) ou dans les Pays de la Loire (+32%). Le Finistère garde la tête du
classement avec 750 ha et 115 producteurs.
18
Les fruits bio augmentent de 4% tandis que la viticulture progresse de 10% avec en
pôle position le Languedoc-Roussillon : 5425 ha dont 8% d’augmentation.
Figure 12 : Le sud-est : pôle de la production biologique française
Les départements du Sud-Est se démarquent par une part de leur surface agricole en
biologique bien supérieure à la moyenne nationale (1,9%).
2. La consommation de produits biologiques en France
Près d’un français sur deux déclarait en 2005 consommer des produits biologiques,
ces consommateurs sont de plus en plus nombreux (cf figure 13). Les ventes de produits
alimentaires biologiques (1,6 milliards d’euros en 2005) ont augmenté d’une moyenne de
+9,5% de 1999 à 2005 et représentent 1,3% des ventes de produits alimentaires en France.
La consommation de produits biologiques en France se porte donc très bien.
37
%
44
%
47
%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
2003 2004 2005
Figure 13 : Les consommateurs de produits bio en France
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
19
a) Qui sont les consommateurs de produits issus de l’Agriculture Biologique?
Les caractéristiques majoritaires des consommateurs de produits biologiques sont :
- des femmes,
- des personnes de plus de 35 ans,
- des résidents de villes de plus de 100000 habitants,
- des résidents des régions Ile de France et Méditerranée.
Plusieurs raisons poussent ces consommateurs à acheter des produits biologiques (cf
figure 14). La préservation de l’environnement est une raison de consommation qui gagne du
terrain : 84% des consommateurs contre 79% en 2003. Il est intéressant de noter que la
préservation de la santé et la certitude de manger des produits sains constituent les deux
raisons principales, alors que rien ne prouve qu’un produit d’origine biologique soit sain ou
qu’il préserve la santé. Pourtant ces raisons poussent à la consommation. L’information
concernant les produits biologiques paraît ainsi faussée entre la perception qu’en ont les
consommateurs et la réalité.
Figure 14 : Raisons de consommation des produits alimentaires bio
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
Les consommateurs ont besoin d’indicateurs pour se repérer dans la large gamme
de produits qui leur est proposés. En 2005, le logo « AB » est connu par 92% des
consommateurs, 66% des consommateurs bio prennent en premier lieu ce logo en
considération lors d’un achat bio, contre 44% pour l’indication simple « bio ». Ces chiffres
indiquent l’importance de l’indication sur les produits, et particulièrement du logo AB.
94%
91%
91%
84%
74%
Pour préserver ma
santé
Pour la qualité et le
goût des produits
Pour être certain
que les produits
sont sains
Pour préserver
l'environnement
Pour des raisons
éthiques
20
66%
44%
33%
19%
14%
13%
8%
5%
17%
Logo AB
Indication "Bio"
"Issu de l'AB"
Marque commerciale
Produits achetés à un producteur bio
Produits achetés au rayon spécial bio
Produits achetés en magasin bio
Logo européen
Mention d'un organisme de contrôle
Figure 15 : Indicateurs de produits biologiques utilisés par les consommateurs
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
Les principes de l’AB qui sont les plus reconnus par les Français sont : les
exigences de bien-être animal et d’alimentation animale (84%), la non-utilisation des OGM
(83%), l’absence de colorants ou d’arômes artificiels de synthèse (80%), un cahier des
charges public précis (80%), des contrôles annuels spécifiques (77%). Les consommateurs
bio connaissent à 90% l’ensemble de ces principes.
Malgré une bonne compréhension générale des principes de l’Agriculture
Biologique et des valeurs qu’elle représente (telle la protection de l’environnement) les
consommateurs restent néanmoins mal informés en ce qui concerne l’aspect sanitaire des
aliments biologiques et la préservation de la santé. Un amalgame semble être fait du fait de
la non information autour de ces valeurs.
b) Quels sont les produits biologiques les plus consommés ?
Les consommateurs bio sont 73 % à consommer des fruits et légumes bio et 61% à
consommer des oeufs bio. Ces deux types de produits sont les préférés des consommateurs
bio. Les produits dont l’évolution est la plus forte sont ceux de l’épicerie (café, thé,
chocolat, sucre, miel, etc.) et de la boisson, ce qui pourrait-être en lien avec l’augmentation
de l’offre de ces produits en grande surface. En 2005, les vins et autres boissons ont attirés
23% de consommateurs bio supplémentaires, quant à l’épicerie elle a attiré 22% de
nouveaux consommateurs bio. Face à ces résultats, on se rend compte que les produits
biologiques qui ont l’évolution de consommation la plus forte sont de manière générale
des produits d’origine végétale.
21
73%
61%
49%
32%
31%
41%
26%
37%
40%
25%
19%
11%
16%
Fruits et légumes
OEufs
Autres produits laitiers
Fromages
Lait
Pain
Autres céréales
Epicerie
Volaille
Boeuf
Porc, agneau
Poissons
Vins et autres boisssons
Figure 16 : les produits alimentaires bio les plus courtisés
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
50 à 80 % de la consommation biologique en France ne serait pas celle de produits
issus du territoire français (légumes et fruits essentiellement). Les conditions d’importation
des produits biologiques n’en restent pas moins très contrôlées (voir plus bas). Il est
néanmoins vrai que l’on peut se poser la question de l’image de la protection de
l’environnement que véhiculent ces produits, étant donné les transports polluants utilisés pour
que ceux-ci soient acheminés en France. Néanmoins les statistiques sur ce sujet sont difficiles
à obtenir. Maroc, Madagascar et Turquie seraient les pays les plus concernés.
Les prix, la disponibilité des produits biologiques et une meilleure information sont
les principaux critères pouvant favoriser l’achat selon les consommateurs. Néanmoins la
non information concernant la santé et la sécurité sanitaire des produits biologiques
entrainent quant à eux un amalgame favorisant la consommation, l’information sur ces
valeurs n’est donc pas optimale.
90%
85%
84%
Des prix moins élevés
Des produits plus disponibles
dans leurs magasins habituels
Une meilleure information sur
les produits
2004
2005
Figure 17 : les critères favorables à la consommation bio
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
22
c) Quels sont les lieux de consommation des produits issus de l’Agriculture
Biologique?
Les lieux d’achat du produit bio sont diversifiés : les consommateurs bio achètent
leurs produits bio en GMS (72%), sur les marchés (43%), en magasins spécialisés (29%), à
la ferme (22%), chez les commerçants/artisans (22%) ou encore sur internet sur des sites
spécialisés. Chaque lieu d’achat a sa consommation favorite :
Tableau 3 : Consommations préférentielles en fonction des lieux d’achat Source :
Baromètre CSA Agence Bio 2005
Lieux
Consommations
préférentielles
Marchés Fruits, Légumes, Fromage
Magasins spécialisés Céréales, Epicerie, Boissons
Artisans/commerçants
Pain, Boeuf, Porc,
Charcuterie
A la ferme Viandes, OEufs
Les lieux d'achat bio
Artisans et
commerçants;
22%
Marchés; 43%
Magasins
spécialisés; 29%
GMS; 72%
A la ferme; 22%
Figure 18 : Lieux d’achat des produits biologiques
Source : Baromètre CSA Agence Bio 2005
3. Transformation et Commercialisation
Le contrôle des conditions de transformation est réalisé (à l’identique des
conditions de production et d’importation) par des organismes certificateurs. Ceux-ci sont
agréés par les pouvoirs publics français sur la base de critères d'indépendance,
d'impartialité, d'efficacité et de compétence. Les opérateurs en Agriculture Biologique
doivent en outre notifier leur activité auprès de l'Agence Bio chaque année.
Le nombre d’entreprises certifiées pour transformer des produits biologiques en
France est stable : 4900, dont 40% de boulangeries.
Ces entreprises se doivent de respecter à la fois les dispositions légales
communautaires en matière de préparation de denrées alimentaires mais également les règles
spécifiques à l'Agriculture Biologique.
23
Un produit alimentaire ne pourra ainsi porter la marque et le logo certifié Agriculture
Biologique (propriétés exclusives du ministère français de l’agriculture, de la pêche et de
l’alimentation) que s’il contient au minimum 95% d’ingrédients issus de l’Agriculture
Biologique. La marque « AB » de certification apposée sur une étiquette d’un produit garantit
donc que l’aliment est composé de plus de 95% d’ingrédients de l’Agriculture Biologique
mais aussi :
- Le respect de la réglementation européenne pour les produits végétaux bruts ou
transformés ;
- Le respect du cahier des charges français (CC-REPAB-F) pour les produits
animaux.
Les 5% restants ne peuvent pas être d'origine quelconque ; ils doivent être autorisés
par trois listes régulièrement mises à jour (une liste d'auxiliaires technologiques autorisés, une
liste d'additifs autorisés et enfin une liste d'ingrédients d'origine agricole non biologique
autorisés car pas assez ou pas disponibles sur le marché de l’Agriculture Biologique).
Les produits qui contiennent entre 70 et 94 % d'ingrédients d'origine biologique ne
peuvent bénéficier d’une mention faisant référence à ce mode de production que dans la liste
des ingrédients (« X % d’ingrédients d‘origine agricole ont été obtenus selon les règles de
l’Agriculture Biologique ») et non dans la dénomination de vente.
Tableau 4 : l’étiquetage des produits issus de l’Agriculture Biologique
Produit contenant un minimum
de 95% d'ingrédients issus de
l'Agriculture Biologique
Produit contenant entre 70 et 94%
d'ingrédients issus de l'Agriculture
Biologique
Les mentions obligatoires :
« Agriculture Biologique » ou « Issu de
l’Agriculture Biologique » ou « Produit
de l'Agriculture Biologique » ou « X %
des ingrédients d'origine agricole ont été
obtenus selon les règles de la production
biologique » et nom et adresse de
l'organisme certificateur
Les mentions facultatives : le
logo AB
« X % des ingrédients d'origine
agricole ont été obtenus selon les règles de
la production biologique »
Nom et adresse de l'organisme
certificateur
Liste des ingrédients avec précision
de ceux qui sont issus de l'Agriculture
Biologique
Les produits contenant moins de 70 % d'ingrédients issus de l'Agriculture
Biologique ne sont pas considérés comme des produits biologiques et n’ont le droit à
aucune référence faite au mode de production dans l’étiquetage comme dans la publicité du
produit.
Enfin, la réglementation communautaire permet de faire référence au mode de
production biologique pour les produits d’origine végétale cultivés sur des terres en
conversion vers un mode d’Agriculture Biologique depuis plus d’un an et moins de deux
ans. La mention « produit en conversion vers l’Agriculture Biologique » apparaît alors sur
les emballages.
En outre, un cahier des charges "aliments pour animaux de compagnie à base de
matières premières issues du mode de production biologique" a été homologué par arrêté
interministériel du 16 février 2004. Il précise le mode de préparation, d'étiquetage, de contrôle
et de certification des aliments destinés aux animaux de compagnie : chiens, chats et aussi
24
l'ensemble des espèces d'animaux de compagnie au fur et à mesure du développement de la
demande.
Le contrôle des produits issus de l’Agriculture Biologique est réalisé en France par des
organismes certificateurs privés agréés. Leur activité est définie par une norme européenne et
ne peut se faire qu’après l’accréditation de la COFRAC (COmité FRançais d’ACcréditation)
et de la CNLC (Commission Nationale des Labels et de Certifications). Ceux-ci ont des
obligations de moyens (via leurs plans de contrôle) ainsi que de sanctions. La surveillance de
ces organismes certificateurs est réalisée notamment par la CNLC.
Figure 19 : certification en Agriculture Biologique jusqu’à janvier 2007
Le CNLC est un organisme public mais regroupant en son sein des représentants
des divers Ministères s’occupant d’alimentation ainsi que les représentants des organismes
certificateurs et de ceux des acteurs économiques. Ce comité est ainsi dirigé par des
personnes ayant des intérêts dans les décisions et celui-ci a été ainsi accusé à plusieurs
reprises de trop grandes souplesse et complaisance dans ses décisions, cela discréditant
l’image des signes de qualité et notamment celui de l’Agriculture Biologique.
La loi de Janvier 2007 a réglé ce problème en transférant la régulation du signe
Agriculture Biologique à l’INAO (s’occupant jusqu’alors uniquement des AOC et avec les
responsables politiques beaucoup mieux représentés en son sein). Cette loi a par ailleurs
entériné le terme d’Agriculture Biologique comme signe de qualité pour les
consommateurs (les quatre autres signes de qualité reconnus étant les AOC, les Labels
Rouges, Les Indications Géographiques Protégées (IGP) et les spécialités traditionnelles
garanties).
Pour le transport, les produits issus de l’Agriculture Biologique doivent être
transportés d’une unité à l’autre dans des emballages, conteneurs ou véhicules fermés de
manière à ce que le contenu ne puisse-être substitué sans endommager ou l’emballage ou le
cachet, cela pour éviter toute fraude. Ces emballages, conteneurs ou véhicules doivent être
pourvus d’une étiquette ou d’un document spécifiant la référence à l’Agriculture
COFRAC
Organismes certificateurs
(Ecocert, Ulase, Agrocert, Aclave
ou Qualité-France)
Acteurs économiques
Référentiel officiel
CNLC
Proposition
Agrément
Surveillance
Accréditation
Vérification de la
compétence de certification
Certification
Contrôle
25
Biologique, la certification de l’organisme certificateur (Ecocert, Ulase, Agrocert, Aclave
ou Qualité-France) et le nom et l’adresse du fabriquant. Le récepteur doit par ailleurs
vérifier la fermeture des emballages et des récipients à l’arrivée des produits et reporter ses
observations sur des documents comptables relatifs au produit réceptionné. Cette
obligation de fermeture des emballages, conteneurs ou véhicule possède cependant
quelques exceptions (si le transport est effectué directement entre un producteur et un
opérateur tous deux contrôlés par exemple).
Figure 20 : logos français de l’AB
Le logo AB est une marque collective propriété du ministère de l’Agriculture, de
l’alimentation, de la pêche et de la ruralité. Il atteste donc d’un contrôle de critères précis
définis par la norme européenne EN45011. Elle garantit le respect des règlements européens
et du cahier des charges français. Il garantit un aliment composé à 95% d’ingrédients
biologiques, le restant étant lui-même soumis à des exigences.
L’organisme de contrôle peut prendre quatre types de sanction : une demande
d’actions correctives, des avertissements, une suspension d’usage jusqu’à la mise en
conformité ou un retrait total du droit d’usage.
Figure 21 : logos communautaires de l’AB
En circulation depuis mars 2000, le logo communautaire informe le consommateur sur
la composition à 95% d’ingrédients d’origine biologique, la provenance du produit et
l’organisme de contrôle. Le logo bio communautaire présente donc les mêmes contraintes que
le logo AB.
·
ImportationsDeux possibilités sont offertes pour que des produits agricoles et alimentaires importés
soient reconnus comme biologiques :
- Soit ils proviennent des 7 pays dont la réglementation a été jugée équivalente
par la Commission : l’Argentine, l’Australie, le Costa Rica, l’Inde, Israël, la Suisse et la
26
Nouvelle Zélande. Pour chacun de ces pays sont spécifiées des catégories de produits et leurs
origines, des organismes de contrôle et de certification ainsi qu’une date limite d’inclusion ;
- Soit avoir obtenu une autorisation d'importation délivrée par le ministère
compétent d'un État membre. Dans les deux cas, les produits doivent, lors de leur
dédouanement, être présentés avec un certificat original de contrôle émis par l'autorité ou
l'organisme de contrôle compétent. L'importateur doit être contrôlé par un organisme
certificateur agréé et doit notifier son activité à l'Agence Bio.
Le logo AB constitue pour l’instant la principale protection de l’Agriculture
Biologique française contre ces importations étrangères.
4. Les soutiens à l’Agriculture Biologique en France
En 1997, la France a mis en place un Plan Pluriannuel de Développement de
l’Agriculture Biologique (PPDAB). En effet, à cette époque, la demande et les
importations sont fortes mais la production française est en retard à cause d’un soutien
quasi-inexistant, contrairement à ses homologues européens.
La France met donc en place un système d’aide à la conversion, censé compenser le
manque à gagner des agriculteurs pendant la période de conversion. Dans le cadre des MAE
(mesures agri-environnementales) ces aides sont financées par l’Union Européenne à hauteur
de 50%.
Jusqu’en 2002 ces aides ont été versées dans le cadre des CTE (contrats territoriaux
d’exploitation). Depuis 2002 elles s’inscrivent dans les CAD (contrats d’agriculture
durable) dont l’objectif principal est le développement de la multifonctionnalité de
l’agriculture, en particulier en ce qui concerne la préservation de la ressource et
l’aménagement de l’espace rural.
Tableau 5 - Evolution des dépenses de l'Etat pour la CAB
Mesures agri
environnementales (MAE)
Contrats territoriaux d'exploitation
(CTE)
1998 1999 2000 2001 2002
Nombre de contrats avec
la mesure CAB 2080 2624 579 1862 1452
Montant moyen par contrat
(K€) 16,8 15,5 41,1 45,7 50,8
Montant total des
dépenses engagées (M€) 34,9 40,8 23,8 85 73,7
Les MAE sont mises en place par la circulaire du 23 janvier 1998, puis remplacées par
les CTE par la circulaire du 17 mai 2000. Le montant de la CAB (aide à la conversion à l’AB)
augmente alors jusqu’à +320% pour les semences et plantes aromatiques, +151% pour les
cultures légumières. Néanmoins une dégressivité est appliquée de€puis le 26 septembre 2000
pour les grandes surfaces suite à l’augmentation importante des aides CAB.
27
Tableau 6 - Textes relatifs aux aides à l'Agriculture Biologique
Régime d'aides
Textes
réglementaires Intérêt
circulaire c92
n°7014 du 11 mai
1992
définition des règles applicables à la
mesure CAB
1992 - 1999 MAE
circulaire
7002 du 23 janvier
1998
définition des règles applicables à la
mesure CAB
circulaire
c2000 - 7024 du 17
mai 2000
définition des règles applicables à la
mesure CAB et plus généralement à l'AB
circulaire
c2000 - 7045 du 26
septembre 2000
instauration d'une dégressivité pour
prendre en compte les économies d'échelles et
réguler le montant des contrats
régime normal
circulaire
c2002 - 7034 du 26
juillet 2002
précisions sur des aspects techniques
circulaire
c2002 - 7044 du 10
octobre 2002
instauration d'un régime transitoire qui
oblige en particulier les départements à
respecter une moyenne départementale par
contrat de 27000€, sans qu'il n'y ait de
spécificité nationale pour la mesure CAB
2001 -
2005 CTE
régime
transitoire
note du 11
décembre 2002
précisions sur l'articulation entre le
régime transitoire des CTE et les CAD pour la
mesure de conversion à l'Agriculture Biologique
circulaire
c2003 - 7007 du 12
mars 2003
modalités d'élaboration des contrats
types définissant les actions à contractualiser
dans les CAD
CAD : décret n°2003-675 du 22 juillet 2003
Conditions de mise en oeuvre : arrêté CAD du 30 octobre 2003
Un ensemble de mesures en faveur de l’Agriculture Biologique ont été annoncées le 2
février 2004 par Hervé GAYMARD, Ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et
des affaires rurales. Devant notamment permettre un développement équilibré entre l'offre et
la demande de produits biologiques, ces mesures sont également guidées par le souhait d'une
meilleure prise en compte des contraintes économiques lors de l'élaboration de la
réglementation. Elles sont regroupées selon 6 grandes catégories d’objectifs :
1- une meilleure connaissance des marchés et prise en compte des contraintes
économiques,
2- un rapprochement des réglementations nationales et européennes,
3- des actions de communication et d’information du consommateur,
4- un développement accru de la formation et de la recherche,
5- une optimisation des soutiens des pouvoirs publics,
6- la définition de lieux de concertation et de coordination adaptés
Pour exemple, sur le plan financier la proposition engageait 13% de l’enveloppe
nationale des CAD, soit 50M€ sur 5 ans. Sur le plan de la communication, des actions sont
co-financées par l’Europe, les professionnels et l’Etat soit 4,5M€ sur 3ans.
28
IV. Problèmes et enjeux de l’Agriculture Biologique
La plupart des filières de production française connaissent depuis 2 ans des difficultés
de commercialisation épisodiques (fruits-légumes, viande) ou régulières (lait, céréales). Un
facteur commun est le fait que les volumes n’ont pas encore atteint une masse critique
suffisante pour peser dans la distribution des circuits longs. Cette difficulté de
commercialisation est souvent aggravée par la forte concurrence internationale.
Nous ne tenterons pas ici de prendre partie pour ou contre l’Agriculture Biologique
mais nous nous contenterons de rapporter ce que l’on peut lire ou entendre sur celle-ci en ce
qui concerne ses problèmes et enjeux actuels. Notre but sera ainsi de lister les plus
remarquables de ceux-ci, en nous servant notamment de ce qui est ressorti de la table ronde
organisée sur Agrocampus avec des professionnels du secteur en Novembre 2006.
1. Les problèmes de l’Agriculture Biologique
Une des critiques les plus fortes à laquelle l’Agriculture Biologique doit faire face est
celle concernant ses rendements, supposés par beaucoup de personnes non ou mal-informées
sur le sujet bien inférieurs à ceux observés en agriculture conventionnelle. Les défenseurs de
l’Agriculture Biologique rétorquent que les études réalisées jusqu’à maintenant sur ce sujet ne
s’étalaient pas assez dans le temps pour pouvoir apprécier l’augmentation des rendements
avec l'amélioration de la qualité du sol et des processus biologiques, ce qui peut prendre
quelques années à se manifester. Ceux-ci indiquent par ailleurs qu’une étude menée en Suisse
depuis 24 ans tend à prouver que l’Agriculture Biologique est plus efficace que l’agriculture
conventionnelle une fois les rendements ramenés par unité d’énergie et de fertilisants. Une
étude américaine plus spécifique concernant la pomme montre quant à elle que les rendements
pour ce fruit sont relativement similaires dans les deux types d’agriculture et que la
production biologique était en outre meilleure pour les sols et l’environnement.
Cette critique sur les rendements est souvent exprimée avec l’incapacité de
l’Agriculture Biologique de nourrir la population mondiale. Et qu’ainsi il faudrait cultiver
beaucoup plus de terres dans un monde dépendant de l’Agriculture Biologique. Cette idée a
notamment été relayée en 2002 par Norman Borlaug, phytogénéticien et prix Nobel « Si nous
essayons de le faire [de nourrir la population mondiale avec des engrais biologiques], nous
abattrons la majorité de nos forêts et beaucoup de ces terres ne seront productives que sur une
courte période. » ou encore par John Emsley, chimiste à Cambridge : « La plus grande
catastrophe à laquelle la race humaine pourrait faire face durant ce siècle n’est pas le
réchauffement planétaire mais une conversion planétaire à ‘l’Agriculture Biologique’ -
environ 2 milliards de personnes en mourraient ». D’autres pensent au contraire que cette
conversion à grande échelle à l’Agriculture Biologique pourrait être bénéfique.
Brian Halweil, chercheur à l’Institut Worlwatch, a ainsi récemment publié un article
(disponible sur l’adresse : www.delaplanete.org/L-agriculture-biologique-peut-elle.html) se
basant sur diverses études et montrant que :
- Le rendement de l’Agriculture Biologique n’était inférieur à celui de l’agriculture
conventionnelle pour la majorité des catégories de cultures que dans les pays riches, alors que
les études menées dans les pays en voie de développement ont montré que l’Agriculture
Biologique améliorait le rendement. Un modèle prévoyant une conversion totale à
l’Agriculture Biologique calculait une production de calories par personne et par jour
supérieure aux besoins d’un individu en bonne santé ;
- L’Agriculture Biologique pourrait ainsi être plus qu’un palliatif à l’agriculture
conventionnelle dans les pays en développement où les problèmes de famine sont fortement
29
présents. Mais qu’il y aurait néanmoins toujours près d’un milliard d’individus souffrant
encore de la faim, les excédents étant exportés vers les zones ayant les moyens de les payer ;
Ce qui lui fait dire, en relayant la pensée de certains experts qu’il serait plus judicieux
d’adopter une position intermédiaire avec conversion vers une agriculture à faible niveau
d’intrants et reprenant de nombreux principes de l’Agriculture Biologique.
En ce qui concerne la cohabitation de l’Agriculture Biologique avec l’agriculture
conventionnelle, les avis sont là aussi partagés. Certains estiment que la présence de champs
en agriculture conventionnelle à côté d’autres en Agriculture Biologique défavorise ces
derniers, la présence forte d’intrants de synthèse dans l’environnement immédiat des champs
biologiques ayant une influence néfaste sur le cycle biologique des cultures. D’ autres
estiment qu’au contraire l’Agriculture Biologique profite indirectement de l’utilisation des
pesticides et insecticides des cultures conventionnelles voisines qui permettent d’éviter
l’expansion de populations de ravageurs.
La présence de plus en plus importante des produits bio en Grandes et Moyennes
Surfaces (GMS) pose un problème à certains en considérant que l’ « éthique grande surface »
est en contradiction avec l’ « éthique bio » car ne permettant notamment pas le dialogue et
une meilleure compréhension entre producteur et consommateur. Les producteurs ont
cependant des points de vue différents sur la question et certains industriels précisent que des
exploitations biologiques n’auraient pas pu voir le jour sans une assurance de débouchés pour
leurs produits en GMS.
Certains considèrent par ailleurs que le message délivré par les producteurs en
Agriculture Biologique peut parfois paraître un peu confus pour les consommateurs dans le
sens ou il aborde les problèmes environnementaux mais également des problèmes de société
plus globaux. De plus, ce message est souvent mal capté par les consommateurs, ceux-ci
achetant par exemple des produits issus de l’Agriculture Biologique car pensant qu’ils jouent
sur la santé alors que rien ne le prouve. Enfin, de nombreux produits bio proviennent de pays
étrangers et ont ainsi « nuit à l’environnement » lors de leur transport, ce que peu de
consommateurs savent.
Le prix plus élevé des produits issus de l’Agriculture Biologique par rapport aux
produits issus de l’agriculture conventionnelle est pour beaucoup un faux problème car la part
alimentaire du budget du Français moyen peut facilement supporter une légère hausse par
rapport à d’autres parts qui ont grandement augmenté ces dernières années par rapport à
l’alimentation.
2. Les enjeux actuels de l’Agriculture Biologique
Comme on a pu le constater, ces dernières décennies ont été marquées par un profond
changement du rapport entre les citoyens et la nature, changement qui a remis en cause le rôle
jusque là dévolu aux agriculteurs de produire au moindre coût. La sécurité alimentaire
paraissant maintenant assurée, les consommateurs se sentent aujourd’hui menacés par les
crises sanitaires récentes (crise de l’encéphalite spongiforme bovine ou ESB, problème de
contamination par la listeria,…) et les pollutions d’origine agricole qui affectent les nappes
phréatiques et les cours d’eau (lessivage des nitrates). C’est pourquoi certains de leurs achats
tendent à exprimer une demande d’environnement de qualité, de santé et à s’inscrire dans une
démarche de développement durable.
30
Aux yeux de tous, l’Agriculture Biologique a un effet positif sur l’environnement, du
fait de la non utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse par exemple. Cependant cet
effet est difficile à évaluer. Des méthodes ont été conçues afin de pouvoir comparer les
impacts respectifs de l’Agriculture Biologique et l’agriculture conventionnelle. Certaines
études montrent ainsi que les coûts « externes » de l’Agriculture Biologique (comme
l’érosion, la pollution chimique de l’eau potable, la mort d’oiseaux et autres espèces animales,
etc.) représentent seulement un tiers de ceux de l’agriculture conventionnelle. Bien que les
études tendent donc globalement à montrer que l’Agriculture Biologique a un effet favorable
sur l’environnement, en favorisant la biodiversité et en limitant les pollutions d’origine
chimique, certains risques peuvent se présenter, comme par exemple la perte de fertilité
biologique des sols en viticulture (liée à l’utilisation de cuivre) ou bien des risques de
pollution ponctuels par les nitrates en maraîchage (Bourdais, CEMAGREF Bordeaux,
septembre 1998
). Les résultats sont donc très divers, dépendant de nombreux facteurs tels quela production agricole considérée, la qualité du sol, les facteurs climatiques,…et les études pas
assez nombreuses afin de pouvoir conclure avec certitude quant au rôle bénéfique de
l’Agriculture Biologique sur l’environnement.
Un autre enjeu important de l’Agriculture Biologique porte sur l’alimentation et la
santé. Certaines études ont montré que la consommation régulière de produits issus de
l'Agriculture Biologique permettait d'abaisser de 30 à 40% l'ingestion moyenne de nitrates par
l'homme (Nugon-Baudon, 1997). De plus, les produits issus de l’Agriculture Biologique sont
souvent considérés comme ayant des valeurs nutritionnelles et une qualité supérieures aux
produits issus de l’agriculture conventionnelle. Cette vision est sans doute un contrecoup des
crises sanitaires traversées ces deux dernières décennies (crise du sang contaminé, crise de la
« vache folle »,…), et entre comme une part non négligeable dans le débat autour des OGM
qui agite les milieux politiques et intellectuels ces derniers temps. Cependant une synthèse de
Lecerf (1995) conclut que « sur le plan de leur valeur nutritive et sur le plan toxicologique, les
végétaux issus de l'Agriculture Biologique ont, semble-t-il, des avantages. Cependant de
nouvelles études comparatives actualisées et fiables sont nécessaires en France. L'intérêt
nutritionnel des produits végétaux biologiques est probable mais non encore démontré
formellement, essentiellement parce qu'il n'y a pas d'études nutritionnelles et
épidémiologiques permettant de prouver objectivement un bénéfice pour la santé [des
aliments bio] ». L’effet bénéfique des produits biologiques sur la santé humaine n’est donc
pas encore démontré scientifiquement, trop peu de publications existant à ce sujet.
Un dernier enjeu qu’il serait intéressant de citer, et non des moindres, est celui relatif à
la portée éthique de l’Agriculture Biologique. L’Agriculture Biologique s’inscrit en effet dans
des courants de pensée où la productivité n’est pas le mot d’ordre et où la prise en compte de
l’individu est importante (l’Agriculture Biologique peut être ainsi combinée avec des notions
d’économie sociale et solidaire). C’est dans cette optique là que l’on voit souvent Agriculture
Biologique rimer avec développement durable. Durabilité écologique entre autres car elle
impose de par son cahier des charges des méthodes moins agressives pour l’environnement.
Elle promeut également des valeurs de respect, respect de l’environnement, des animaux, des
êtres humains, c'est-à-dire des valeurs de respect de la terre et des générations futures. Cette
démarche de développement durable, sans être bien souvent dénommée comme telle, est celle
reprise par la majorité des agriculteurs biologiques et par un certain nombre de leurs
consommateurs.
L’Agriculture Biologique présente donc de nombreux enjeux, dont les plus
remarquables sont certainement ceux se jouant autour de l’alimentation et de la santé des
31
consommateurs, ainsi que ceux attenants à l’environnement, sans oublier la dimension éthique
de développement durable que porte ce mode de production agricole.
32
B. PRODUCTION DE DONNEES SUR LES MOTIVATIONS DES
PRODUCTEURS D’AGRICULTURE BIOLOGIQUE D’ILLE ET VILAINE
Introduction :
Initiée en France depuis les années 1960, et bien qu'elle soit pratiquée par un petit
nombre d'agriculteurs, l’Agriculture Biologique (AB) a toujours pris une place importante
dans les débats concernant l'agriculture et suscité des prises de position très contrastées.
Pour ses protagonistes, elle constitue une voie d'avenir et une alternative crédible à
l'agriculture productiviste. De plus, les évolutions de la Politique agricole commune et la prise
de conscience des enjeux environnementaux contribuent à créer un contexte favorable à la
reconnaissance et au développement de nouveaux modes de production et, en particulier, de
l’AB. Dans un tel climat, le monde agricole est appelé à des modifications profondes dans sa
façon de produire et, dans certaines régions, particulièrement dans les zones agricoles moins
compétitives sur le plan du marché mondial, il y a là de nouvelles perspectives. Son image est
très positive chez les consommateurs, qui sont de plus en plus nombreux à acheter ses
produits et c'est l’un des rares secteurs de consommation en expansion. Cependant, les
surfaces qui lui sont consacrées en France stagnent voire régressent. Ainsi, bien que se
présentant comme une alternative efficace face à l’agriculture traditionnelle excédentaire
source de pollutions d’origine agricole, l’AB semble créer des sentiments différents entre
consommateurs et acteurs du monde agricole. Serait-il possible que ce paradoxe soit dû au fait
que consommateurs et agriculteurs ne se tournent pas vers l’AB pour les mêmes raisons ?
C’est dans le prolongement de cette question que s’est organisée notre étude.
Il nous a en effet semblé pertinent de chercher à déterminer si les motivations des
consommateurs et des producteurs d’AB coïncidaient. Or, sous contrainte d’un temps limité,
et étant donné que de nombreuses études ont déjà été réalisées sur les raisons poussant la
population française à se tourner vers les produits issus de l’agriculture biologique, nous
avons donc décidé, au sein de ce groupe de production de données, de nous pencher plutôt sur
les motivations des producteurs, en limitant notre étude au département de l’Ille et Vilaine.
Par conséquent, après un bref rappel des études existant sur les motivations des
consommateurs choisissant l’agriculture biologique, nous présenterons les données que nous
avons recueillies par le biais d’un questionnaire d’enquête adressé aux agriculteurs
biologiques d’Ille et Vilaine, que nous avons ensuite analysées statistiquement avant de
conclure.
I. Des motivations différentes entre consommateurs et producteurs d’AB ?
La position des agriculteurs en AB d’Ille et Vilaine
La Bretagne détient le 5
ème rang en France pour les surfaces d’AB, avec 35403hectares (ha) pour 923 exploitations, et constitue une région concentrant un grand nombre
d’entreprises de transformation en produits biologiques (348 acteurs aval).
Plus particulièrement, l’Ille et Vilaine est le 1er département d’AB de Bretagne en
surfaces, avec un total de 212 fermes représentant 8700 ha dont 780 ha en conversion, soit
1.4% des fermes et 1.8% de la SAU départementale.
33
Si nous avons choisi d’axer notre étude sur les motivations des producteurs d’AB
d’Ille et Vilaine, il nous semble néanmoins pertinent de commencer par présenter celles des
consommateurs, données fournies par de nombreuses études effectuées sur le sujet. L’objectif
de notre étude, comme nous l’avons déjà souligné, est alors de pouvoir comparer ces
motivations des consommateurs avec celles des producteurs.
Les motivations des consommateurs d’AB
La consommation de produits biologiques
Plus de 4 Français sur 10 déclarent consommer des produits biologiques (au moins 1
produit, au moins 1 fois par mois), dont 7% tous les jours.
Les prix trop élevés restent la principale raison de non achat (57% des consommateurs
occasionnels ou non-consommateurs). La deuxième raison reste le manque de « réflexe »
d’achat pour ces produits. Le manque d’information se fait davantage également ressentir.
Enfin, on constate un manque d’intérêt général sur l’alimentation et l’agriculture (en hausse
significative par rapport à 2005), résultats tirés à la hausse par les 15-24 ans.
Les ¾ des Français déclarent faire attention à l’affichage des prix au kg lorsqu’ils font
leurs courses (et davantage parmi les consommateurs de produits bio : 80% vs 70% chez les
non consommateurs de bio), et ils sont près de la moitié à comparer les prix des produits bio à
ceux des autres produits de même catégorie, et en toute logique, particulièrement les
consommateurs de produits bio.
La perception des produits biologiques
Les qualificatifs employés pour décrire les produits biologiques sont essentiellement :
- des aliments toujours perçus sans produits chimiques,
- des aliments sains, bons pour la santé,
- des aliments naturels.
Le prix perçu est élevé et excessif pour 1/5 des Français. Le respect de
l’environnement reste un point peu évoqué spontanément mais ressort favorablement lorsque
la question est posée en assisté, avec 84% des Français qui approuvent le fait que les produits
bio contribuent à préserver l’environnement.
La perception de l’AB évolue puisque les Français sont moins nombreux à considérer
qu’elle a des exigences spécifiques pour le bien-être animal et l’alimentation des animaux, et
aussi qu’elle suit un cahier des charges précis (respectivement 78% et 72% en 2006 vs 84% et
77% en 2005). Par rapport aux produits d’autres labels, les produits bio se différencient par
leur côté naturel (15%), sans produits chimiques (13%), bons pour la santé (11%), mais ces
critères sont en baisse par rapport à 2005. Les dimensions de qualité (8%) et le mode de
culture et d’élevage différent (5%) enregistrent une progression.
En termes d’attitudes vis à vis d’autres démarches de qualité et/ou de développement
durable, 3 français sur 4 privilégient, au moins de temps en temps, les produits sous label
rouge dans leurs actes d’achat, et près de 2/3 les emballages recyclables.
L’information sur les produits biologiques
41% des français se considèrent bien informés (dont 7% « très bien informés ») sur
l’AB. Les informations souhaitées sur les produits biologiques concernent principalement
l’origine des produits, leur mode de production, mais également les qualités nutritionnelles.
Les principaux lieux souhaités pour les informations recherchés se concentrent en points de
vente, et sur les emballages produits.
34
Les produits consommés
Les consommateurs de produits biologiques ont une ancienneté moyenne de 9 ans et
2% déclarent être de nouveaux clients (ancienneté de moins d’un an). Ces consommateurs
consomment en moyenne 5 catégories différentes de produits biologiques (contre 4,4 en
2005).
Les catégories de produits bio les plus consommés restent les fruits et légumes (74%)
les produits laitiers (69%), les oeufs (44%), le pain (43%), la volaille (40%). On note
cependant une baisse significative sur la consommation d’oeufs bio (passant de 61% à 44%),
chiffre s’expliquant probablement par les craintes de grippe aviaire.
Enfin, 80% des consommateurs/acheteurs de produits bio privilégient les produits de
production locale (54% toujours ou souvent + 26% de temps en temps), ceci reste similaire à
2005.
Les lieux d’achatLes lieux privilégiés pour les achats de produits bio restent les grandes surfaces.
Les enseignes de magasins spécialisés fréquentées sont Biocoop, La Vie Claire,
Naturalia, et des enseignes indépendantes. Concernant les GMS, si Carrefour reste la grande
surface la plus fréquentée pour l’achat de produit bio, Leclerc est en forte hausse (passant de
9% à 19%).
19% des Français consommateurs/acheteurs de bio jugent difficile de trouver certaines
catégories des produits biologiques, et en particulier les viandes/volailles.
La problématique « prix » des produits bio
Les consommateurs/acheteurs sont toujours près de la moitié à considérer qu’il est
normal de payer plus cher pour des produits biologiques. Pour eux, ce différentiel de prix
s’explique largement pour les fruits et légumes et la viande en général. En revanche, ils sont
moins nombreux à déclarer « normal » de payer des oeufs biologiques plus chers que les oeufs
non-bio. La différence de prix acceptable s’élève en moyenne à 13% en plus par rapport aux
mêmes produits non biologiques, pourcentage évoluant peu (11% en 2005 et 12% en 2004).
Apport de l’agriculture biologique
Parmi les consommateurs/acheteurs de produits bio, 4 principales raisons les incitent à
consommer bio : préserver leur santé (94%), la sécurité des produits sains (93%), la qualité et
le goût des produits (90%), et pour l’environnement. Résultats sans évolution notable par
rapport à 2005. Le logo AB et l’indication « bio » sur les produits sont les 2 principaux modes
de reconnaissance des produits biologiques. Mais le fait d’acheter en « magasin bio » ou dans
les rayons spécialisés est également un gage de réassurance quant à la certitude du caractère
bio des produits (en hausse par rapport à 2005). Le logo AB est toujours très bien connu (par
93% des consommateurs/acheteurs), et le logo européen est connu par 42% des
consommateurs/acheteurs.
Les perspectives de consommation
Un quart des consommateurs/acheteurs estiment qu’ils vont augmenter leur
consommation de produits bio; les autres déclarent qu’ils vont la maintenir. En revanche, les
produits sur lesquels cette augmentation peut se faire sont cette année davantage la volaille, le
35
boeuf, les fruits et légumes et le fromage. Parmi les éléments incitatifs, c’est surtout les prix
moins élevés qui peuvent engendrer une augmentation de consommation de produits bio.
Après cette brève présentation des attentes des consommateurs, intéressons nous aux
producteurs par le biais de notre récolte de données.
II. Méthodologie
Notre travail a ici consisté en l’élaboration d’une enquête auprès des producteurs d’Ille et
Vilaine ayant opté pour l’AB. Pour ce faire, nous avons procédé par étapes ; chacune d’elles
pouvant faire l’objet d’analyses et d’améliorations. Ainsi, nous avons élaboré un
questionnaire dans le but de répondre à nos interrogations sur la démarche (au sens large) des
producteurs et sur l’impact que leurs motivations peuvent avoir sur ce marché. Pour faire face
aux contraintes de temps et de moyens, notre étude se limite aux producteurs d’Ille et Vilaine.
Intérêt de la création de données
S’il existe déjà de nombreuses études chiffrées sur l’AB, notre choix de travailler sur
nos propres données s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, il nous a semblé qu’il
n’existait que très peu d’études portants sur les attentes des producteurs quant au marché du
bio (contrairement aux consommateurs). Ensuite, l’élaboration du questionnaire et la collecte
de données nous ont permis de rencontrer et de discuter avec les différents acteurs de la filière
et particulièrement les agriculteurs eux-mêmes. Enfin, même si les contraintes en terme de
délai et de communication ne nous ont pas permis de récolté un grand nombre de données,
nous avons commencé à créer une petite base de données personnelle et originale qui peut être
désormais facilement enrichie et analysée plus avant.
Méthodologie d’élaboration de l’enquête
Notre travail s’est construit par étapes :
Définir les objectifs du questionnaire d’enquête : à partir d’un constat de manque
d’information et d’une intuition quant à un éventuel « décalage » entre les attentes des
consommateurs et celles des producteurs de produits bio, il nous fallait répondre à des
questions précises sur la dynamique de l’offre bio en Ille et Vilaine. Nous avons donc choisi
d’étudier celle-ci à travers les motivations des producteurs construites à partir de souci
environnemental, de revenus, d’image publique, de mode de vie…
Définir les corrélations éventuelles entre les données pour affiner notre questionnaire
et le cibler sur la question posée. Ainsi, nous avons orienté notre questionnaire de manière à
observer des liens entre les motivations des producteurs le niveau de formation, le revenu,
l’évolution envisagée de l'activité. Cette étude des profils des agriculteurs bio d’Ille et
Vilaine a pour but final la comparaison avec les attentes (attributs) des consommateurs, et
éventuellement l’obtention de résultats impliquant l’insertion de nouveaux paramètres (liés
aux producteurs) dans les modèles descriptifs de la situation du secteur en France.
Elaboration du questionnaire
36
Il nous a fallu prendre en compte certaines contraintes techniques et nous avons ainsi
du construire notre questionnaire avec un souci d’efficacité (pas de questions inutiles), des
questions claires, rapides à traiter (5 minutes pour l’ensemble) puisque certains entretiens
étaient sous forme téléphonique. En nous appuyant sur un questionnaire conséquent qui avait
été proposé aux agriculteurs britanniques dans le cadre de l’application de nouveaux contrats
territoriaux, nous avons travaillé l’exhaustivité dans les choix de réponses afin de l’adapter au
sujet, en France.
De plus, afin de faciliter le traitement statistique des données récoltées et dans un souci
de gain de temps, nous avons veillé à coder au possible les données qualitatives par un
système de réponses hiérarchisées sous forme de données quantitatives. Enfin, il nous a fallu
le diffuser via différents médias (téléphone, fax, l’Internet, contact direct sur les marchés)
afin d’atteindre un maximum de producteurs.
Contenu :
17 questions réparties en 5 parties :1
ère partie (5 questions): description de l’exploitationDifficulté pour la question concernant le niveau de formation, attention à ne pas vexer les
exploitants !
2
ème partie (3 questions): Vente (quantité distribuée, mode de distribution)3
ème partie (2 questions): conseils (techniques et financiers)4
ème partie (3 questions): Motivations. Longévité de l’exploitation, image, raisons duchoix de la conversion en bio
5
ème partie (4 questions): Résultats et avenir (résultats économiques et évolutionenvisagée)
L’intégralité du questionnaire est disponible en annexe.
Voici un rapide schéma des motivations potentielles des producteurs d’AB que nous
avons cherchées à mettre en valeur par le questionnaire :
Les motivations des producteurs Bio
MOTIVATIONS
Niveau de
formation
Retombées
financières
Image
publique
Ecoulement de la
production
?
? ?
?
37
III.Analyse des résultats de l’enquête
Une première analyse des résultats à partir des pourcentages obtenus
Il ne nous a pas été facile de tirer des conclusions pertinentes de nos questionnaires,
aussi bien à partir des simples pourcentages qu’à la suite d’une analyse statistique plus fine.
Tournons-nous pour l’instant vers les pourcentages, que nous tacherons de présenter de la
manière la plus parlante et cohérente possible (l’intégralité de ces pourcentages est fournie en
annexe).
Tout d’abord, concernant la structure des exploitations, quasiment tous les agriculteurs
interrogés produisent uniquement en AB, dont la moitié depuis plus de 10 ans et 14% depuis
moins de 5 ans. Les exploitations sont à 50% des fermes individuelles et à 38% des EARL,
alors que les moyennes des exploitants d’Ille et Vilaine sont de 54% de fermes individuelles
et 28% d’EARL.
Les gérants des exploitations sont des hommes à 85%. Le niveau de formation est
assez hétérogène : 33% des agriculteurs interrogés sont titulaires d’un BTS, 28% d’un
Baccalauréat, 20% sont issus d’une formation supérieure (type école d’ingénieur ou licence),
et enfin 19% ont un CAP.
En ce qui concerne la commercialisation de leurs produits, 23 % des producteurs
interrogés font appel à la grande distribution, et 50% préfèrent un circuit de distribution
spécialisée. D’autre part, 80% des exploitants font de la vente directe, 10% sont rattachés à
une coopérative, et seulement 4% font de la restauration collective. Rappelons alors que 34%
des agriculteurs bretons qui font de la vente directe sont en bio.
Venons-en à la façon dont les producteurs pensent que l’AB est considérée par la
société. Selon 77% des exploitants interrogés, l’AB est bien perçue par les propriétaires des
parcelles qu’ils exploitent, le reste d’entre eux pense qu’ils sont mitigés sur la question. De
plus, parmi les producteurs interrogés, 64% considèrent que l’AB est bien perçue par leur
réseau professionnel, 77% estiment que les autres exploitants sont mitigés concernant l’AB,
73% avancent que la famille a une vision positive de l’AB et 95% pensent que les
consommateurs ont une image positive de l’AB. Enfin, 60% des agriculteurs interrogés ont un
voisinage favorable à l’AB. Quant à leurs motivations, 60% des agriculteurs interrogés se sont
orientés vers l’AB pour l’environnement.
Concernant les revenus tirés de l’AB, les activités de la ferme représentent la majorité
du revenu pour 86% des exploitants. Les subventions et aides ne représentent la principale
rente que pour 9% des exploitants contrairement aux exploitants conventionnels, mais
représentent le deuxième apport pour 67%. Les activités de diversification ou extraexploitation
n'apparaissent que comme des compléments de revenu. Le conseil technique le
plus demandé est celui des associations d'exploitants, type agribio35. Ceci peut s'expliquer par
le fait que les personnes interrogées apparaissaient dans leurs publications. On note par
ailleurs que les fermiers se consultent mutuellement. Les conseils administratifs et financiers
sont prodigués par les réseaux d'agriculteurs type agribio35 et par des formations comptables.
38
Analyse statistique
Méthodologie
Le questionnaire étant construit autour de questions à variables qualitatives, nous
avons opté pour l’analyse des données par une étude statistique en Analyse des
Correspondances Multiples (méthode ACM).
L’étude se porte donc sur une population de 24 individus décrits par 46 variables
qualitatives et 6 quantitatives.
Remarque
: Toutes les variables doivent être qualitatives afin d’avoir des données homogènesque l’on peut traiter en entier par ACM. Ainsi, par exemple, les variables continues ont été
codées par classes ou en intervalles de variation afin d’obtenir des variables qualitatives.
Limites de cette méthode
: généralement, dans une statistique par ACM les individus sont trèsnombreux et ne sont connus que par leurs caractéristiques présentes dans le tableau de
données. Or notre enquête ne comporte que peu d’individus (seuls 24 réponses obtenues).
Cela conduit à des résultats faussés et peu interprétables.
L’interprétation des résultats de l’ACM s’effectue en trois étapes :
- Etudier la liaison ou contribution d’une variable par la consultation systématique des
coefficients qui mettent en évidence les variables les plus liées a chacun des facteurs.
- Etudier pour chaque axe, les variables actives, au vu des coordonnées des modalités.
On peut noter qu’en ACM, la qualité de représentation des modalités est en elle-même
un indicateur peu pertinent. Les modalités d’une même variable étant orthogonales,
elles ne peuvent être simultanément bien représentées sur un axe. Ainsi, même si la
significativité des axes est basse (ce qui correspond à un pourcentage faible),
l’interprétation est possible.
- Dégager des tendances de groupes de personnes : les modalités regroupées sur les axes
caractérisent un groupe d’individus.
Les modalités possédées par les mêmes individus sont confondues dans l’espace. Les
modalités éloignées du centre des axes sont des comportements rares.
Commentaires des résultats statistiques
Afin de comparer deux à deux les variables les plus explicatives du comportement des
producteurs, la méthode implique de sélectionner les axes les plus significatifs. Dans notre cas
il s’agit le plus souvent des axes 1 et 2 sur lesquels nous observons la répartition des individus
par rapport au lien motivation/X (où X est une variable supposée explicative).
Ainsi, nous avons réalisé trois études, cherchant à mettre en évidence les liens suivants :
- motivation / conseils reçus (pour établir la relation du producteur avec son entourage
et l’origine de la technique de production)
- motivation / mode d’écoulement de production (pour identifier les marchés ciblés par
les différents producteurs)
39
- motivation / partition du revenu (pour prendre en compte les motivations pécuniaires
et la compétitivité des exploitations). Pour cette corrélation nous avons étudié la
répartition des producteurs sur deux axes (1 ; 2) et (1 ; 5).
Les tableaux de définition des axes et des variables (Cf. annexes) nous indiquent selon
quelle répartition les variables se font placées.
Ainsi, selon la description des axes fourni par SPAD, on constate que seul l’axe (ou
facteur) 1 représente globalement une répartition significative : le haut de l’axe représente les
individus demandant des conseils techniques et administratif tandis que le bas de l’axe
représente les individus correspond à ceux qui ne demandent aucun conseil.
-4 -3 -2 -1 0
-3
-2
-1
0
1
Facteur 1 - 12.15 %
Facteur 2 - 8.67 %
ct_autres_fermiers
04
06
16
19
1cahier_des_charge
1conviction_pers
1image_publique
1possibilité_diversi
2image_publique 1risque_produits_chi
3cahier_des_charge
3environnement
3parcelle_f in_de_con
ct_minagri
ct_chbragri
ct_CRouL
ct_spe_enviro
ct_techagro
ct_prive
pas_ct_assocagri
ct_fourni_intrants
ct_famille
ca_chbragri
ca_spe_enviro ca_CRouL
ca_techagro
ca_fourn_intrants
ca_banque
ca_autre_fermier
ca_famille
Graphe 1 des individus et des variables : confrontation conseils reçus et motivations
40
-4 -3 -2 -1 0
-1.50
-0.75
0
0.75
1.50
Facteur 1 - 12.15 %
Facteur 4 - 7.50 %
04
08
16
17
1possibilité_diversi
1qualité_alimentaire
1risque_produits_chi
2cahier_des_charge
2image_publique
3cahier_des_charge
3image_publique
3parcelle_f in_de_con
3possibilité_diversi
grde_distrib
pas_vente_ferme
cooperative
restau_collec
Graphe 2 des individus et des variables : confrontation motivations et nature de
l’écoulement de la production
-4 -3 -2 -1 0
-3
-2
-1
0
1
Facteur 1 - 12.15 %
Facteur 2 - 8.67 %
1cahier_des_charge
1conviction_pers
04
06
1subvention_aide
1image_publique
1possibilité_diversi
2activité_de_la_ferm
1risque_produits_chi
16
2activité_extra_expl
19
2subvention_aides
2image_publique
3activité_diversif ic
*Reponse manquante*
3cahier_des_charge
3environnement
3activité_extra_expl
3parcelle_f in_de_con
3subvention_aides
Graphe 3 des individus et des variables : confrontation motivations et importance des
différentes activités dans le revenu
41
-4 -3 -2 -1 0
-3
-2
-1
0
1
Facteur 1 - 12.15 %
Facteur 2 - 8.67 %
01
04
06
16
19
1cahier_des_charge
1conviction_pers
1image_publique
1possibilité_diversi
1qualité_alimentaire
1risque_produits_chi
2image_publique
3cahier_des_charge
3environnement
3parcelle_fin_de_con
BAC
BTS
ingénieur
ct_minagri
ct_chbragri
ct_CRouL
ct_spe_enviro
ct_techagro
ct_prive
pas_ct_assocagri
ct_fourni_intrants
ct_famille
ca_chbragri
ca_CRouL
ca_spe_enviro
ca_techagro
ca_resagri
ca_fourn_intrants
ca_banque
ca_autre_fermier
ca_famille
pas_vente_directe
cooperative
restau_collec
Graphe 4 des individus et des variables : confrontation niveau de formation, conseils reçus,
écoulement de production et motivations
L’analyse des graphes devrait nous permettre d’identifier la répartition des producteurs
grâce à une opposition clairement visible. Le manque de données entraînant dans les cas
présentés ici une significativité très faible, il nous a été difficile d’orienter de manière certaine
les axes de répartition. Nous avons tout de même pu définir des tendances. Ainsi dans le
premier graphe, on distingue sur l’axe 1 une graduation opposant à une extrémité une absence
de conseil et à l’autre les producteurs les mieux conseillés.
Cependant, il est à noter qu’en raison du manque de données et probablement aussi à
cause de la similitude des profils interrogés, les graphes présentés ne sont pas analysables car
extrêmement peu significatifs (12,15%). Les résultats pourraient être intéressants si l’on
poursuivait l’enquête auprès des 393 producteurs d’Ille et Vilaine.
On observe globalement que la majorité des individus ont des comportements et des
motivations identiques puisqu’ils se situent dans la zone moyenne du graphe, c’est-à-dire au
centre des axes. Ces individus dits « moyens » ont donc des choix identiques et ne peuvent
prêter à une interprétation particulière. Cette faible variabilité peut s’expliquer par le fait que
42
l’enquête a été menée en grande majorité auprès des producteurs biologiques membres de
l’AGROBIO 35, qui nous a fourni leur coordonnées.
Conclusion
Notre groupe de travail se voit donc dans l'incapacité de tirer de réelles conclusions
des données récoltées du fait du petit nombre de questionnaires remplis, du regroupement de
presque tous les individus au centre des graphes des ACM, et ne peut donc mettre uniquement
en avant la pertinence de l'idée de départ qui était de se concentrer sur les motivations des
producteurs face aux attentes des consommateurs.
43
Annexes
Annexe 1 : le questionnaire d’enquête
Groupe : Production de données
Questionnaire d’enquête :
Quelles sont les motivations des producteurs Bio d’Ille
et Vilaine ?
2006 / 2007
44
Première partie : L’exploitation
1. Quel est le statut de votre exploitation ?
Ferme individuelle
Exploitation en GAEC
EARL
SCEA
Autres
2. Sexe du gérant de l’exploitation :
Masculin Féminin
3. Informations sur les gérants de l’exploitation
(entourez le chiffre)Age Niveau de formation agricole
Gérant principal
CAP, BEP 1
BAC général, pro, technique 2
BTS (bac+2) 3
License, maîtrise 4
Ingénieur BAC+5, Master 2 5
Gérant secondaire
CAP, BEP 1
BAC général, pro, technique 2
BTS (bac+2) 3
License, maîtrise 4
Ingénieur BAC+5, Master 2 5
4. Combien de personne travaillent sur l’exploitation (y compris
membres de la famille et employés)…
5. Type de propriété:
Surface de l’exploitation (total
UAA in ha)
Propriétaire (ha)
Bail long terme (ha)
Bail court terme (ha)
45
Deuxième partie : Vente
6. Quelle part de votre production vendez-vous en Bio?
0 % < 25 % 25 – 50 % 50 – 75 % 75 – 100 %
7. Sur quel type de marché vendez-vous votre production?
grande distribution .
distribution spécialisée
.vente directe (marché)
.vente à la ferme
.8. . Ecoulez-vous toute votre production?
a) oui
.b) non
.46
Troisième partie : Conseils
9. De quel type d’organisation ou personne recevez-vous des conseils
techniques?
Conseiller du ministère de l’agriculture
Conseiller d’une chambre d’agriculture
Conseiller régional ou local
Conseiller spécialisé environnement
Technicien agronome
Conseil privé (vétérinaire….)
Association d’exploitants
Fournisseurs en intrants
Autres fermiers
Familles
10.De quels types d’organisations ou de personne recevez-vous des
conseils administratifs et financiers?
Ministère de l’agriculture
Chambre d’agriculture
Conseil regional ou local
Conseiller spécialisé environnement
Technicien agronome
Réseau d’agriculteur
Conseilleur des entreprises avals (coopérative,
IAA)
Fournisseurs en intrants
Banque
Autres fermiers
Famille
47
Quatrième partie : Motivations
11.Depuis quand êtes-vous en bio?
Moins de 5 ans
Entre 5 et 10 ans
Plus que 10 ans
12.Selon vous comment est perçue l’agriculture biologique par ces
différentes catégories de personne?
Positive Négative Mitigée
Propriétaires de vos
parcelles
Votre réseau
professionnel
Les autres exploitants
Famille
Voisinage
Consommateurs
13.Indiquez, parmi les raisons suivantes celles qui furent importantes
dans votre choix de produire bio
.Donner une seule réponse par ligne, et classer les 3 1ères par ordre d’importance.
Ordre
Parcelles en fin de contrat de location
Rentabilité
Retombées environnementales
Mise aux normes
Image publique de l’agriculture bio
Cahier des charges (production déjà proche du bio donc peu contraignant
Possibilités de diversification (tourisme vert, vente directe…)
48
Cinquième partie : Résultats et avenir
14.Le résultat de votre exploitation a-t-il augmenté depuis votre passage
en bio ?
a) oui
.b) non
.15.Classez, parmi les propositions suivantes, celles qui participent le plus
à votre revenu total par ordre d’importance :
Ordre
Je ne participe pas à cette
activité
a) Activités de la ferme
b) Activités de diversification (gîte, accueil…)
c) Activités extra exploitation (autre activité
professionnelle ou associative)
d) Subventions, aides…
16.Quel est le projet d’évolution de votre exploitation dans les 2 ans à
venir?
Choisissez une seule réponse
Développer l’activité
Continuer sans rien changer
Reprise de l’exploitation par un membre de la famille (héritage)
Vente/ location, pour activités agricoles
Vente/ location pour activité non agricole
17.Quel est le projet d’évolution de votre exploitation dans les 5 ans à
venir?
Choisissez une seule réponse
Développer l’activité
Continuer sans rien changer
Reprise de l’exploitation par un membre de la famille (héritage)
Vente/ location, pour activités agricoles
Vente/ location pour activité non agricole
Annexe 2 : Pourcentages obtenus avec nos résultats
49
STATISTIQUES USUELLES DES VARIABLES
TRIS A PLAT DES VARIABLES NOMINALES
------ EFFECTIFS -------
ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
1 . statut_exploit
AA_1 - EARL 8 36.36 38.10 ******************
AA_2 - GAEC 1 4.55 4.76 ***
AA_3 - autres 1 4.55 4.76 ***
AA_4 - ferme_individuelle 11 50.00 52.38 *************************
ENSEMBLE 21 95.45 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
2 . sexe1
AB_1 - F 3 13.64 14.29 *******
AB_2 - M 18 81.82 85.71
****************************************
ENSEMBLE 21 95.45 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
4 . niv_formation
AC_1 - BAC 6 27.27 28.57 **************
AC_2 - BTS 7 31.82 33.33 ****************
AC_3 - CAP 4 18.18 19.05 *********
AC_4 - ingénieur 2 9.09 9.52 *****
AC_5 - license_maîtrise 2 9.09 9.52 *****
ENSEMBLE 21 95.45 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
10 . part_bio
AD_1 - <25% 1 4.55 4.55 ***
AD_2 - >75% 21 95.45 95.45
********************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
11 . grde_distrb
AE_1 - grde_distrib 5 22.73 22.73 ***********
AE_2 - pas_grde_distrib 17 77.27 77.27
************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
12 . distrib_spe
AF_1 - distrib_spe 11 50.00 50.00 ************************
AF_2 - pas_distrib_spe 11 50.00 50.00 ************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
13 . vente_directe
AG_1 - pas_vente_directe 4 18.18 18.18 *********
AG_2 - vente_directe 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
14 . vente_ferme
50
AH_1 - pas_vente_ferme 10 45.45 45.45 *********************
AH_2 - vente_ferme 12 54.55 54.55 **************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
15 . coopérative
AI_1 - cooperative 2 9.09 9.09 *****
AI_2 - pas_cooperative 20 90.91 90.91
******************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
16 . restauration_collective
AJ_1 - pas_restau_collec 21 95.45 95.45
********************************************
AJ_2 - restau_collec 1 4.55 4.55 ***
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
17 . ct_ministere_agri
AK_1 - ct_minagri 1 4.55 4.55 ***
AK_2 - pas_ct_minagri 21 95.45 95.45
********************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
18 . ct_chambre_agri
AL_1 - ct_chbragri 4 18.18 18.18 *********
AL_2 - pas_ct_chbragri 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
19 . ct_CR_ou_local
AM_1 - ct_CRouL 4 18.18 18.18 *********
AM_2 - pas_ct_CRouL 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
------ EFFECTIFS -------
ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
20 . ct_spe_en_enviro
AN_1 - ct_spe_enviro 4 18.18 18.18 *********
AN_2 - pas_ct_spe_enviro 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
21 . ct_techniciens_agro
AO_1 - ct_techagro 4 18.18 18.18 *********
AO_2 - pas_ct_techagro 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
22 . ct_privés
51
AP_1 - ct_prive 4 18.18 18.18 *********
AP_2 - pas_ct_prive 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
23 . ct_assoc_exploitants
AQ_1 - ct_assocagri 14 63.64 63.64 ******************************
AQ_2 - pas_ct_assocagri 8 36.36 36.36 *****************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
24 . ct_fournisseurs_intrants
AR_1 - ct_fourni_intrants 5 22.73 22.73 ***********
AR_2 - pas_ct_fourni_intran 17 77.27 77.27
************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
25 . ct_autres_fermiers
AS_1 - ct_autres_fermiers 10 45.45 45.45 *********************
AS_2 - pas_ct_autres_fermie 12 54.55 54.55 **************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
26 . ct_famille
AT_1 - ct_famille 4 18.18 18.18 *********
AT_2 - pas_ct_famille 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
27 . ca_chambre_agri
AU_1 - ca_chbragri 3 13.64 13.64 *******
AU_2 - pas_ca_chbragri 19 86.36 86.36
****************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
28 . ca_CR_ou_local
AV_1 - ca_CRouL 5 22.73 22.73 ***********
AV_2 - pas_ca_CRouL 17 77.27 77.27
************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
29 . ca_spe_enviro
AW_1 - ca_spe_enviro 2 9.09 9.09 *****
AW_2 - pas_ca_spe_enviro 20 90.91 90.91
******************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
30 . ca_techniciens_agro
AX_1 - ca_techagro 2 9.09 9.09 *****
AX_2 - pas_ca_techagro 20 90.91 90.91
******************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
52
31 . ca_reseau_agri
AY_1 - ca_resagri 8 36.36 36.36 *****************
AY_2 - pas_ca_resagri 14 63.64 63.64 ******************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
32 . ca_fournisseu_intrant
AZ_1 - ca_fourn_intrants 2 9.09 9.09 *****
AZ_2 - pas_ca_fourn_intrant 20 90.91 90.91
******************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
33 . ca_comptabilité
BA_1 - ca_compta 7 31.82 31.82 ***************
BA_2 - pas_ca_compta 15 68.18 68.18 ********************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
34 . ca_banques
BB_1 - ca_banque 3 13.64 13.64 *******
BB_2 - pas_ca_banque 19 86.36 86.36
****************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
------ EFFECTIFS -------
ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
35 . ca_autre_fermier
BC_1 - ca_autre_fermier 4 18.18 18.18 *********
BC_2 - pas_ca_autre_fermier 18 81.82 81.82
**************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
36 . ca_famille
BD_1 - ca_famille 1 4.55 4.55 ***
BD_2 - pas_ca_famille 21 95.45 95.45
********************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
37 . anciennete_bio
BE_1 - entre_5_10ans 8 36.36 36.36 *****************
BE_2 - moins_5ans 3 13.64 13.64 *******
BE_3 - plus_10ans 11 50.00 50.00 ************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
38 . propr_parcelle
BF_1 - prop_parcel+ 17 77.27 77.27 ************************************
BF_2 - prop_parcel= 5 22.73 22.73 ***********
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
39 . res_pro
BG_1 - res_pro+ 14 63.64 63.64 ******************************
53
BG_2 - res_pro- 1 4.55 4.55 ***
BG_3 - res_pro= 7 31.82 31.82 ***************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
40 . autre_exploit
BH_1 - autre_exploit+ 3 13.64 13.64 *******
BH_2 - autre_exploit- 2 9.09 9.09 *****
BH_3 - autre_exploit= 17 77.27 77.27
************************************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
41 . famille
BI_1 - famille+ 16 72.73 72.73 **********************************
BI_2 - famille- 1 4.55 4.55 ***
BI_3 - famille= 5 22.73 22.73 ***********
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
42 . voisinage
BJ_1 - voisinage+ 13 59.09 59.09 ****************************
BJ_2 - voisinage- 2 9.09 9.09 *****
BJ_3 - voisinage= 7 31.82 31.82 ***************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
43 . consommateurs
BK_1 - conso+ 21 95.45 95.45
********************************************
BK_2 - conso= 1 4.55 4.55 ***
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
44 . mp_rep_pref1
BL_1 - cahier_des_charges 1 4.55 4.55 ***
BL_2 - conviction_personnel 1 4.55 4.55 ***
BL_3 - environnement 13 59.09 59.09 ****************************
BL_4 - image_publique 2 9.09 9.09 *****
BL_5 - possibilités_diversi 2 9.09 9.09 *****
BL_6 - qualité_alimentaire_ 2 9.09 9.09 *****
BL_7 - risques_produits_chi 1 4.55 4.55 ***
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
45 . mp_rep_pref2
BM_1 - cahier_des_charges 3 13.64 15.00 *******
BM_2 - environnement 5 22.73 25.00 ************
BM_3 - image_publique 4 18.18 20.00 **********
BM_4 - possibilités_diversi 8 36.36 40.00 *******************
ENSEMBLE 20 90.91 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
46 . mp_rep_pref3
BN_1 - cahier_des_charges 5 22.73 33.33 ****************
BN_2 - environnement 1 4.55 6.67 ****
BN_3 - image_publique 3 13.64 20.00 **********
BN_4 - parcelles_fin_de_con 1 4.55 6.67 ****
54
BN_5 - possibilités_diversi 4 18.18 26.67 *************
BN_6 - rentabilité 1 4.55 6.67 ****
ENSEMBLE 15 68.18 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
------ EFFECTIFS -------
ABSOLU %/TOTAL %/EXPR. HISTOGRAMME DES POIDS
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
47 . augmentation_res
BO_1 - aug_res 17 77.27 85.00
****************************************
BO_2 - pas_aug_res 3 13.64 15.00 *******
ENSEMBLE 20 90.91 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
48 . pp_rep_pref1
BP_1 - activités_de_la_ferm 19 86.36 86.36
****************************************
BP_2 - activités_diversific 1 4.55 4.55 ***
BP_3 - subventions_aides 2 9.09 9.09 *****
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
49 . pp_rep_pref2
BQ_1 - activités_de_la_ferm 2 9.09 13.33 *******
BQ_2 - activités_diversific 2 9.09 13.33 *******
BQ_3 - activités_extra_expl 1 4.55 6.67 ****
BQ_4 - subventions_aides 10 45.45 66.67 *******************************
ENSEMBLE 15 68.18 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
50 . pp_rep_pref3
BR_1 - activités_diversific 3 13.64 60.00 ****************************
BR_2 - activités_extra_expl 1 4.55 20.00 **********
BR_3 - subventions_aides 1 4.55 20.00 **********
ENSEMBLE 5 22.73 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
51 . evolution_2ans
BS_1 - développer_activité 11 50.00 50.00 ************************
BS_2 - héritage 1 4.55 4.55 ***
BS_3 - rien_changer 10 45.45 45.45 *********************
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
52 . evolution_5ans
BT_1 - développer_activité 15 68.18 68.18 ********************************
BT_2 - héritage 2 9.09 9.09 *****
BT_3 - rien_changer 5 22.73 22.73 ***********
ENSEMBLE 22 100.00 100.00
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
55
C. EBAUCHE DE MODELISATION
Le 9 Novembre 2006, dans une douzaine de départements de France, des exploitants
agricoles, pour la plupart producteurs biologiques, jeûnent pour dénoncer l’iniquité des aides
agricoles actuelles. En cause, la mise en place du découplage des aides commandé par la
réforme 2003 de la PAC et plus particulièrement le choix de la France, jugé « absurde » de la
référence historique individuelle pour répartir les DPU (droits à paiement unique).
Loin de s’engager dans des débats partisans, ce travail de modélisation propose de
formaliser l’impact différentiel de la dernière réforme de la PAC sur les aides reçues par les
agriculteurs conventionnels et biologiques en s’appuyant sur le cas d’une exploitation
céréalière.
Dans un premier temps, la fonction de production de l’exploitation prend en compte le
facteur pesticide, dans un second temps on inclue également un facteur terre.
I- Détermination d’une aide spécifique à l’agriculture biologique incitant
à la conversion
A. Détermination d’une fonction de production spécifique
Dans un premier temps, l’objectif du modèle fut de déterminer un
effet seuil de rentabilitéde la conversion en agriculture biologique
des agriculteurs suivant une pratiqueconventionnelle. Pour atteindre cet objectif, une simplification de la réalité (en passant par
une réduction des paramètres pris en compte dans le modèle) permit de formaliser le
problème.
Le travail se divise en deux étapes. La première porte sur la formalisation de la technologie, et
conduit à la formalisation économique, seconde étape de la modélisation.
Le type d’exploitation considéré dans un premier temps est une exploitation laitière bretonne
moyenne. Ce choix découle de l’observation que les agriculteurs bretons jeunant pour
dénoncer le système de DPU étaient majoritairement des éleveurs laitiers.
Soient
F : fonction de production de l’agriculture conventionnelleG
: fonction de production de l’agriculture biologiqueY
j : un vecteur de facteur de production Yj= (yj1,…,yjI)On pose
Fj(Yj)= 0·
Formalisation de la technologie :L’objectif de cette première étape est de déterminer les facteurs de production pertinents et
communs aux deux types d’agriculture étudiés.
Par exemple,
Y= (y1, y2, y3,y4,y5)avec
y1 : STH, la surface de terre en herbey
2 : SAUy
3 : UTAy
4 : ya, la production animaley
5 : yv, la production végétale56
·
Formalisation économique :La deuxième étape consiste à déterminer le niveau d’aide découplée (DPU) pour lequel le
profit de l’agriculteur, s’il passe au biologique, est égal à celui qu’il a avec des pratiques
conventionnelles.
On recherche donc tout d’abord, le profit optimal pour les deux types d’agriculture.
Soit en agriculture conventionnelle : Soit en agriculture biologique :
Max pi*yic + DPUc* SAU Max pi*Yib + DPUb* SAU
Sous contrainte Fj(y1,…, yI)=0 Sous contrainte Gj(y1,…,yI)=0
=> *
conv => *
bio
Avec DPUconv= h (SAU, UTB…) Avec DPUbio= h’ (SAU, UTB,Externalité
positive…)
L’initiative porte sur la détermination d’un DPU spécifique à l’ agriculture biologique qui
prenne en compte des facteurs supplémentaires tels que les externalités positives des pratiques
associées à cette agriculture.
On cherche à déterminer : DPUbio (SAU, UTB, Externalité positive…) tel que *
conv = *
bio
Cette première approche aurait nécessité la définition précise des fonctions de production des
deux types d’agriculture afin de réaliser la formalisation économique. De plus, un calcul basé
sur une subvention supérieure pour le bio doit passer par une définition claire des coûts de
cette pratique non internalisés dans la DPU que reçoivent actuellement les agriculteurs
biologiques, à savoir le coût supplémentaire de la main d’oeuvre et le plus grand besoin de
surface. Il faut également considérer les externalités positives sur l’environnement.
Par exemple, DPUbio= DPUconv + SAUbio + Extbio + (UTA/SAU)
B. Modèle simplifié
Nous prenons le cas d’un exploitant conventionnel dont les seules préoccupations sont d’ordre
économique. Nous excluons donc les démarches motivées par des considérations autres
(éthiques, conscience du bien-être collectif, militantisme…).
Nous considérons un modèle simplifié où l’agriculture biologique, du fait de rendements plus
faibles et de coûts de production plus élevés (moins d’économies d’échelle), génère moins de
profit que l’agriculture conventionnelle.
L’hypothèse forte de cette démarche est qu’un agriculteur prendra la décision de se convertir
au biologique si le profit généré par cette nouvelle pratique est au moins égal à son profit
actuel.
Dans ce sens, les deux études présentées ci-dessous visent à établir une subvention destinée à
l’agriculteur biologique, permettant d’égaliser les revenus des deux types d’agriculteurs.
La tentative de détailler une fonction de production caractérisant une exploitation laitière
bretonne typique ayant tourné court, nous considérons à présent une exploitation laitière
57
céréalière, et utilisons une fonction non spécifique et simplifiée : elle ne tient compte que d’un
facteur de production, la quantité d’engrais X utilisée. Dans le cas de l’agriculture biologique
on pose donc x = 0.
Les deux types d’agriculture sont différenciés par le prix de marché des productions, et
l’utilisation ou non d’engrais comme facteur de production.
Soient f(x) la fonction de production
x la quantité de pesticides utilisée
x
w le prix unitaire des pesticidesc
p le prix des céréales conventionnellesb
p le prix des céréales biologiquesS le DPU (découplé)
A une aide spécifique incitant à la conversion
Soit c le profit de l’agriculteur en mode conventionnel
c = c p f(x) + S - x w xSoit b le profit de l’agriculteur en mode biologique
b = b p f(0) + S + ARemarque concernant le DPU : le DPU étant établi sur une référence historique des aides
touchées en 2000-2002, que l’agriculteur se convertisse ou non, il touchera un droit identique.
Ainsi les deux relations font intervenir un même S.
L’égalisation des profits nous amène à la relation suivante :
A =
c p f(x) - b p f(0) - x w xCette relation semble évidente et cohérente puisqu’elle définit l’aide qu’il faudrait apporter à
l’exploitant biologique comme le surplus de recette du conventionnel (différentiel des
recettes), auquel on soustrait les coûts d’intrants que l’agriculteur biologique n’a pas à
supporter.
Ce résultat certes pertinent ne permettant pas d’affiner notre réflexion, nous changeons
d’objectif et de démarche : nous allons à présent étudier les modifications engendrées par le
passage d’une subvention couplée à la production à un droit à paiement unique découplé.
II- Impact de la dernière réforme de la PAC sur les agricultures
conventionnelle et biologique
Nous continuons l’étude d’une ferme céréalière en mode biologique ou conventionnel. Dans
un premier temps, nous nous penchons sur la situation pré- réforme : les subventions sont
couplées à la production. Dans un deuxième temps, nous étudions l’exploitation après la
réforme, en considérant que toutes les aides reçues par l’agriculteur sont découplées (DPU).
Nous supposerons que les aides touchées avant réforme sont égales aux DPU.
58
Présentation du modèle :
Cette étude utilise une fonction de production f(x) et des notations identiques à celles utilisées
précédemment. Nous ajoutons pour ce modèle la subvention pré-réforme s (couplée à la
production).
A. Cas de l’agriculture conventionnelle
Avant réforme :
Max a = (pc + s) f(x) – x w x
A l´optimum, (pc + s) fx (x°) = wx
D´où a = pcf(x°) + sf(x°) - x w x°
On pose sf(x°) = Sc
Après réforme :
Max p = pcf(x) – x w x + S
A l´optimum, pcf x (x*) = wx
d´où p = pcf(x*) – x w x* + Sc
On a x° > x* car la productivité marginale en valeur est plus faible après la réforme :
on suppose en effet que le découplage des aides incite à une moindre utilisation des
pesticides.
·
Comparaison des situations avant / après réforme pour l’agriculture conventionnelle :On compare ensuite a et p, ce qui revient à comparer :
pcf(x°) - x w ° et pcf(x*) – x w x*
Or, pcf(x) – x w x = (0, x° ) (pcfx(u) – x w )du
et pcf(x*) – x w x*= (0, x*) (pcfx(u) – x w )du
On compare donc (0, x°) (pcfx (u) – x w )du et (0, x*) (pcf ´(u) – x w )du :
a - p = ( x*, x°) (pc fx(u) – x w ) du = (0, x°) (pcf ´(u) – x w )du (zone rose - zone jaune) est inférieur à (0, x*) (pcf ´(u) – x w )du (zonerose) : ainsi
le profit après réforme est supérieur au profit avant réforme59
Graphique 1 : Profits avant et après réforme
En effet, la réforme incite à une moindre consommation de pesticides, ce qui engendre une
moindre production. Cependant, le gain lié à la baisse de coût de production est relativement
supérieur à la perte liée à la baisse de production (on suppose le prix constant).
B. Cas de l’agriculture biologique
Avant réforme : a = (pb + s) f(0)
Après réforme : p = pb f(0) + Sb
On pose S
b = sf(0) car on égalise le DPU post réforme à l´aide qui était touchée avant laréforme.
60
B. Comparaison des deux types d’agriculture
·
Comparaison des subventions perçues et des profits réalisésOn obtient Sc = sf (x°) > Sb = sf (0) car l’utilisation de pesticide augmente la productivité :
Ce supplément de subvention (S°- S0) touché par l´agriculteur conventionnel dans la situation
avant réforme correspond à la zone hachurée sur le graphique 1 :
En effet, (0, x°) [(pc+s) f ´(u) – pb f ´(u)]du = s [f(x°) – f(0)] = S° - S0
Ainsi on a : a = p pour l’exploitation biologique.
D´où : bio < conv
L´agriculture conventionnelle est plus aidée que l´AB : l´AB reçoit moins d’aides, que ce soit
avant ou après reforme.
L´AB est encore pénalisée par rapport à l’agriculture conventionnelle : après la réforme,
l´agriculteur conventionnel voit son profit augmenter, alors que le profit biologique stagne.
·
Instauration d’une prime de reconnaissance pour inciter à la conversionOn instaure une prime de reconnaissance R destinée aux agriculteurs biologiques, afin
d´égaliser leur profit à celui des agriculteurs conventionnels.
Avant réforme :
(p
c + s)f(x°) - x w x° = (pb + s)f(0) + Rad´où R
a = pcf(x°) -wx x° - pbf(0) + Sc - SbAprès réforme:
Pcf(x*) – x w x* = pbf(0) + Rp
61
On n´intègre pas les DPU car l´agriculteur qui songe à se convertir touchera les DPU
conventionnels de référence (2000-2002).
d´où Rp = pcf(x*) – wx x* - pbf(0
Ainsi Ra – Rp = Sc- Sb - ( (x*) - (x°))
avec (x°) = pcf(x°) - x w x° correspond à la zone jaune en négatif ;
(x*) = pcf(x*) – x w x* correspond à la zone rose en positif.
Or (x*) > (x°)
Ainsi, une prime de reconnaissance moins élevée est nécessaire après la réforme. Les
agriculteurs sont plus incités à se convertir en biologique après la réforme, il est donc moins
nécessaire de les encourager avec des primes.
Nous souhaitons à présent complexifier ce modèle en ajoutant un facteur de production, le
facteur terre. A présent, nous ne considérons que la situation après réforme.
III- Introduction de la terre comme facteur de production supplémentaire
Nous désirons intégrer le facteur terre à la fonction de production. Deux possibilités se
présentent à nous :
- intégration du facteur terre de façon non différenciée entre les deux systèmes.
- intégration d’un différentiel de surface dont à besoin l’exploitant biologique pour atteindre
une recette identique à celle de l’agriculteur conventionnel ; en effet, nous considérons que le
prix de vente des produits biologiques (supérieur à celui des produits conventionnels) ne
compense pas la productivité plus faible du système biologique. Il s’agit ici de substituer le
facteur terre au facteur engrais.
A. Introduction du facteur terre
Soient f(x,t) la fonction de production
x la quantité de pesticides utilisée
t la SAU
x
w le prix unitaire des pesticideswt le prix de la terre
c
p le prix des céréales conventionnellesb
p le prix des céréales biologiquesS le DPU (découplé)
A l’aide à la conversion
Soit c le profit de l’agriculteur conventionnel
c = c p f(x,t) + S - x w x - wt t62
Soit b le profit de l’agriculteur si biologique
b = b p f(0,t) + S +A - wt t·
Nous maximisons les profitsTout d’abord le profit de l’exploitant conventionnel :
dc/dx = 0 Û c p fx(x*,t*) - x w = 0
dc/dt = 0 Û c p ft(x*,t*) - wt = 0
d’où x w / wt = fx(x*, t*)/ ft(x*,t*)
Ainsi, le rapport des prix des facteurs est égal au rapport des productivités marginales.
La maximisation du profit de l’agriculteur biologique est plus simple puisqu’elle ne fait pas
intervenir le facteur engrais :
b
p ft(0,t°) = wt·
Egalisons les profits pour déterminer AA = c p f(x,t) - x w x - b p f(0,t)
Nous obtenons donc le même résultat qu’en 1B, le facteur terre n’intervenant pas directement
dans l’aide mais uniquement par le biais de la fonction de production.
B. Introduction du différentiel de terre
On introduit le surplus de terre dont à besoin l’exploitant biologique pour atteindre une
recette identique à celle de l’agriculteur conventionnel.
On définit donc tel que pour tout x, f(x,0) = f(0,t)
Soit c le profit de l’agriculteur conventionnel
c = c p f(x,0) + S - x w xSoit b le profit de l’agriculteur si biologique
b = b p f(0, ) + S +A - wt·
Nous maximisons les profitsProfit de l’agriculteur conventionnel :
dc/dx = 0 Û c p fx(x*,0) - x w = 0
Profit de l’agriculteur biologique :
db/dt = 0 Û c p ft(0, *) - wt = 0
63
Ce programme nous permet d’extraire la quantité de pesticides x* et le surplus de terre *
optimaux maximisant chacun des profits. Nous calculons à partir de ceux-ci les profits
optimaux :
*c
= c p f(x*,0) + S - x w x* *b
= b p f(0, *) + S +A - wt *·
Egalisons les profits pour déterminer APuisque est défini de telle sorte que les recettes soient égales, on a : c p f(x*,0) = b p f(0, *)
L’objectif est toujours d’égaliser les profits et d’en déduire une prime incitant à la conversion,
ce qui nous amène à :
A= wt *- x w x*
La prime de conversion correspond au différentiel de coûts de production.
Conclusion
Fait unique en France, le conseil régional de Bretagne a décidé de l’attribution d’une
prime de reconnaissance aux agriculteurs biologiques. Cela n’effacera pas les inégalités de
répartition des DPU (liée à l’historique) entre les agriculteurs bio eux-mêmes. Néanmoins,
cette prime constitue une réelle reconnaissance des bienfaits de l’agriculture biologique pour
l’environnement.
64
D. REFLEXIONS ETHIQUES AUTOUR DE L’AGRICULTURE
BIOLOGIQUE
Nous allons maintenant tenter de faire un argumentaire éthique en faveur de
l’agriculture biologique.
I. Quelles motivations pour l’agriculture biologique ?
1. Les origines de l’agriculture biologique
Les bases et les méthodes de l’agriculture biologique sont dans la continuité de celles
qui étaient utilisées par la plupart des paysans du siècle dernier. Cependant, elle s’est
formalisée lorsque les premiers protagonistes de ce mode de production refusèrent l’évolution
matérialiste de l’agriculture. Les premiers mouvements étaient liés à des courants spirituels ou
ésotériques puis sociologiques.
Dès la fin du XIXème siècle, un mouvement pour une hygiène naturelle existait en
Allemagne. Il s’inscrivait dans un courant de pensée contestant le développement industriel et
urbain. A la même période, aux Etats-Unis, des publications favorisèrent l’émergence de
l’agriculture biologique.
En Europe, trois principaux courants ont contribué à la naissance de l’agriculture
biologique.
·
L’anthroposophie : un mouvement ésotériqueEn 1924, Rudolf Steiner élabora les bases de l’agriculture bio-dynamique. L’agriculture
bio-dynamique accorde une importance particulière aux forces telluriques et cosmiques.
R. Steiner avait adhéré en 1899 à la Société théosophique américaine créée en réaction à
l’évolution vers le matérialisme des sociétés industrielles. Avec quelques dissidents, il fonda
l’Anthroposophie. Cette doctrine est définie comme une méthode scientifique exacte pour
l’investigation des mondes suprasensibles. R. Steiner place l’agriculture à la base de toute
société harmonieuse. A partir de ces thèses, Erhenfried Pfeiffer mit au point la méthode
biodynamique. Pour E. Pfeiffer, l’exploitation paysanne autonome est le seul point d’ancrage
solide dans une société en crise. La marque Demeter est ainsi née en Allemagne.
L’agriculture bio-dynamique s’est surtout développée en Allemagne et en Europe du
Nord.
·
Le mouvement pour une agriculture organiqueLe mouvement pour une agriculture organique est né en Grande-Bretagne après la
seconde Guerre Mondiale. Ce mouvement avait pour but de redonner à l’humus un rôle
fondamental dans l’équilibre biologique et la fertilité des terres. Il se basait sur les théories
développées par Sir Albert Howard dans son « Testament agricole » écrit en 1940.
Howard y déplorait notamment l’emploi d’engrais artificiels ou minéraux. Il préconisa
le retour à une « agriculture paysanne » autonome avec une attention particulière portée
aux phénomènes de la nature et à l’humus des sols. Après avoir vécu en Inde, Howard
était convaincu que la solution au problème de l’alimentation se trouvait non pas dans
65
l’adoption de techniques occidentales coûteuses en énergie mais dans l’association
culture-élevage. Howard mit au point une technique de compostage. Il souligna également
le rôle de la fertilité du sol dans la résistance des plantes au parasitisme.
Ces théories furent appliquées par la Soil Association en Grande-Bretagne. Elle a pour
objectifs la promotion d’une agriculture naturelle qui tienne compte de la relation vitale
entre la terre, la plante, l’animal et l’Homme mais également à la défense des sols grâce à
des techniques culturales raisonnées.
·
Le mouvement pour l’agriculture organo-biologiqueLe mouvement pour l’agriculture organo-biologique s’inspire d’un courant apparu en
Suisse en 1930 sous l’impulsion d’un homme politique, H. Muller. Ses objectifs sont
économiques et politiques : autarcie des producteurs, circuits courts entre la production et
la consommation …
Un médecin autrichien, Hans Peter Rush, met au point la méthode qui est mise en
oeuvre dans les années soixante. Rush croyait aux vertus du progrès technologique. Il
abandonna le principe de l’autonomie complète de l’exploitation agricole. Il estimait que
l’association culture-élevage n’est pas indispensable si l’agriculteur peut se procurer des
engrais organiques.
Les préoccupations de ce mouvement sont proches du mouvement écologique
naissant : protection de l’environnement, qualité de l’alimentation et développement des
énergies renouvelables.
Ce mouvement se développa en Allemagne, avec par exemple l’association Bioland,
en France, avec la fondation Nature et Progrès et en Suisse.
2. Introduction de l’agriculture biologique en France
Les principes de l’agriculture biologique ont été introduits en France après la Seconde
Guerre Mondiale. Constatant l’augmentation de cancers et de maladies mentales, des
consommateurs et des médecins incriminaient les produits chimiques utilisés en agriculture et
la transformation industrielle des productions agricoles.
Deux courants principaux ont contribué à faire pénétrer l’agriculture biologique en
France :
- un courant pour la santé par l’alimentation qui regroupait surtout des médecins et
des naturopathes au sein de l’Association FRançaise pour une Alimentation
Normale (AFRAN). Elle défendait les valeurs de la société paysanne telles que le
bons sens, le goût de l’effort et du travail, la famille ou la patrie.
- Un courant d’origine agricole lié à la « Soil association » qui préconisait la fertilité
des sols par l’humus.
La convergence de ces deux mouvements donna naissance en 1959 au Groupement
d’agriculteurs biologiques de l’ouest puis à l’Association française pour l’AB en 1962.
L’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movement) est né en 1972 et la
Fédération nationale de l’AB (FNAB) en 1975. L’agriculture biologique est reconnue au
niveau de l’Etat français dans la Loi d’orientation agricole de 1980.
L’agriculture biologique est définie en creux comme une « agriculture n’utilisant pas
de produit de synthèse ». Dans l’ouvrage « L’agriculture biologique » de 1970, Claude Aubert
définit l’agriculture biologique comme « une agriculture basée sur l’observation et les lois de
66
la vie qui consiste non pas à nourrir directement les plantes avec des engrais solubles mais les
être vivants du sol qui élaborent et fournissent aux plantes tous les éléments dont elles ont
besoin ».
3. Les motivations des acteurs
·
Du coté du consommateur :L'intérêt que perçoit –ou croit percevoir- le consommateur d'un produit biologique est
de deux sortes, qui peuvent ou non se cumuler. D'une part l'argument "santé" qui stipule que
la consommation de produits biologiques est meilleure pour la santé que celle des produits
traditionnels. Qu'il soit justifié ou non, cet argument relève d’un intérêt purement individuel.
D'autre part, le consommateur considère également l'argument "environnemental". La
consommation de produits biologiques induisant une production biologique sous-jacente, elle
est en effet vue par certains comme un moyen de protéger l'environnement. L'achat de
produits biologiques dans un intérêt environnemental est une action militante. Cet intérêt
environnemental est en ce qui le concerne un intérêt communautaire, car les bienfaits de cet
achat sur l'environnement seront bénéfiques à l'ensemble de la population, ou du moins n'est
pas restreint au consommateur de produits biologiques uniquement. Le consommateur qui
consomme des produits traditionnels perçoit tout de même les aménités positives résultantes
de la consommation de produits biologiques par d'autres consommateurs. Ce consommateur
se situe donc dans une situation de "passager clandestin": il profite d'un bien dont il n'a pas
contribué à la création.
Etant donné les formes d'intérêt que porte le consommateur aux produits biologiques,
faut-il considérer ces derniers comme des biens de luxe ou de première nécessité ? Nous
tenterons d’apporter des éléments de réponse par la suite.
·
Du coté du producteur :De leur côté, les producteurs se tournent vers le bio pour des intérêts également
individuels et communautaires, mais pour des raisons qui leurs sont propres. A travers la
préservation de l'équilibre et de la fertilité de ses sols, l'agriculteur biologique recherche à
optimiser le potentiel agricultural de ses terres sans pour autant faire l'achat de fertilisants.
Nul doute qu'il considère également ici l'optimisation de son profit financier, donc son intérêt
individuel. Mais en défendant également des objectifs de qualité de l'alimentation et de
maintien des potentiels de productions, l'agriculteur biologique défend également un intérêt
communautaire par la production de biens publics.
En revanche, s'il est un intérêt majeur que partagent l'ensemble des producteurs
biologiques, c'est la relation à la terre, à la nature, à l'environnement. C'est cette relation qui
les pousse à rejeter avec militantisme les pratiques agriculturales traditionnelles. D'une
manière générale, les producteurs biologiques conduisent leur activité avec la nature comme
référentiel, c’est-à-dire qu'ils conjuguent leurs objectifs aux caractéristiques de leurs sols et
aux capacités de la nature. Ainsi le rôle de l'agriculteur exerçant en mode biologique ne
s'arrêterait pas à la production de produits biologiques, mais se prolongerait par une mission
environnementale et sociale (par exemple plus de proximité avec le consommateur).
67
·
Du coté du distributeur :Dans les années 60, au commencement de la production certifiée biologique en
France, l'intégralité de la production était commercialisée par la vente à la ferme et sur le
marché local. Ces modes de distribution sont dénommés "circuits courts" : ils sont en effet
caractérisés par un rapport étroit entre producteurs et consommateurs. Les magasins
spécialisés dans la vente –exclusive ou non- de produits biologiques se sont également
développés, principalement dans les villes afin de conquérir une clientèle citadine.
La suprématie croissante de la grande distribution dans la commercialisation des
produits biologiques débouche sur des constats antagonistes : certes les débouchés à la
production en mode biologique se sont élargis, mais la consommation bio perd de son
militantisme. Cependant, passer par le marché de la grande distribution pour valoriser sa
production –par choix délibéré ou par choix subi-, influe considérablement dans les conditions
de productions et de rémunérations des agriculteurs biologiques. La situation oligopolistique
et la force des grandes enseignes distributrices entraine un déséquilibre dans le rapport de
force producteur-distributeur: ces enseignes sont en effet généralement seules à décider de la
commercialisation d'un produit et du prix auquel il est vendu au client et acheté à l'agriculteur.
Si d'un coté les agriculteurs voient leur marge diminuer, ils sont incités de l'autre coté à
augmenter leurs investissements afin de dégager des économies d'échelles, garantir une
production de masse et aux caractéristiques homogènes, et pouvoir assurer eux-mêmes
l'approvisionnement des succursales.
II. L’agriculture biologique : un développement justifié ?
1. Progrès technique vs progrès moral, ou comment l’agriculture biologique est
génératrice de progrès moral
Depuis quelques décennies, nous assistons à une crise de la morale, tant au niveau du
contenu que de la forme, qui s’étend progressivement jusqu’à une crise du sujet moral en luimême.
Parallèlement, nous assistons au retour de l’éthique ; dans ce contexte de crise, notre
civilisation technicienne connaît et reconnaît les difficultés à maîtriser les matériels que le
progrès technique a mis entre nos mains. Le constat de ces impasses du progrès technique ne
fait qu’intensifier notre désir de retour à l’éthique.
Le progrès technique n’est donc pas si simple à maîtriser aujourd’hui. On peut même
se poser la question suivante : le progrès technique entraîne-t-il nécessairement un progrès
moral ? Appliquée à la production agricole, la réponse à cette problématique est fort
intéressante, car elle tend à montrer que le développement de l’agriculture biologique pourrait
certainement engendrer un progrès moral plus que l’agriculture conventionnelle n’a su le
faire.
Le progrès technique entraîne-t-il nécessairement un progrès moral ?
La question porte ici sur les rapports entre l’évolution des moyens dont nous disposons
pour agir sur le monde (progrès technique) et l’évolution de la valeur profonde de l’homme
(progrès moral), nous pourrions même jusqu’à aller dire l’évolution de l’humanité. Autrement
dit, est-ce que l’amélioration des moyens par lesquels nous transformons la nature et agissons
68
sur le monde nous a rendus meilleurs, c’est-à-dire nous a disposé à poursuivre des fins plus en
rapport avec ce que nous sommes, plus dignes de nous. Ou, nous pouvons reformuler la
question de la manière suivante : l’amélioration et l’accroissement tant sur le plan quantitatif
que qualitatif des moyens par lesquels nous agissons sur la nature ont-ils pour conséquence
une amélioration de notre conscience morale, la morale concernant quant à elle la valeur et les
fins de l’action.
Il y a une ambivalence du progrès technique : il peut nous rendre capable du pire
comme du meilleur. Le problème semble venir de la maîtrise et de la puissance sur la nature
dont nous pouvons disposer grâce au progrès technique.
Le progrès technique n’entraîne pas nécessairement un progrès moral, mais il nous
permet de nous responsabiliser. Plus nous disposons de moyens performants et efficaces pour
agir sur la nature et plus notre responsabilité s’accroît, au point d’ailleurs que la plupart des
actes qui résultent du progrès technique ne sont plus des actes qui n’engagent que leur auteur,
mais des actes qui engagent le destin de l’humanité toute entière, notamment en matière
d’environnement. Nous devons toujours garder en mémoire la formule kantienne suivante :
«
Agis de telles sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans lapersonne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme
un moyen
» (Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs). Kant nous indique le principeavec lequel nous devons guider notre action pour agir raisonnablement et dignement,
conformément à ce que nous impose notre condition d’homme, d’être doué de conscience et
de raison.
Agriculture, progrès technique et progrès moral
En modernisant et stéréotypant à tout crin l’agriculture dans les années 60-70,
l’homme n’a pas vraiment mesuré raisonnablement les risques que le développement massif
de certaines nouvelles techniques agricoles comprenait. Au regard de ce modèle de
développement, de la chimie venait le progrès. Qui refusait la chimie était un arriéré amené à
disparaître, un sacrifié sur l’autel du progrès.
Les techniques agricoles visaient à maîtriser toutes sortes de risques (climatiques,
productifs, sanitaires), mais ont généré de nouveaux risques environnementaux par leur
généralisation : pollutions, raréfaction des ressources, etc. Pour simplifier : la technique nous
échappe, et nous ne mesurons même pas à l’heure actuelle toutes les conséquences possibles
des techniques productivistes à long terme, tant sur l’environnement que sur l’être humain.
Les progrès techniques de l’agriculture contemporaine ne sont pas synonymes de
progrès moral
. L’objectif principal est ici le gain de productivité, et donc le gain financier,parfois (voire souvent…) au détriment de la vie. Cette mauvaise « intention » de l’agriculture
conventionnelle, au sens moral du terme, contribue à discréditer la moralité de l’acte de
production agricole conventionnelle. L’agir humain est ici réduit au pouvoir technique sur la
nature, délaissant la nécessaire orientation éthique de nos actions au nom même d’une
exigence de rationalité instrumentale.
Depuis quelques années, les techniques productivistes et l’utilisation abusive de
produits chimiques de synthèse ne sont plus synonymes de progrès, et c’est l’une des
tourmentes des agriculteurs. L’agriculture biologique est plus respectueuse et respectable
moralement, et nécessite elle aussi de nombreuses techniques : produire sans pesticides est
synonyme de savoir-faire, d’expertise technique et d’innovation.
Nous devons dès à présentreconnaître la supériorité technique et morale de l’agriculture biologique
.69
Produire bio est un acte moral
: c’est un travail qui élève l’Homme, dans le respectde l’ordre naturel et de la nature, grâce notamment à la prise en compte des synergies entre les
êtres vivants.
Le produit bio est un bien « supérieur » au produit de l’agriculture conventionnelle ;
les moyens et les objectifs finaux sont plus pertinents moralement dans le cas de l’agriculture
biologique. Il n’est pas question ici de produire quantitativement pour amasser des gains
financiers sans aucune autre considération, mais de produire qualitativement en limitant les
effets néfastes que des techniques agricoles peuvent avoir sur la nature.
L’agriculture contemporaine n’a donc pas su être synonyme de progrès moral. Un
développement important de l’agriculture biologique pourrait permettre le retour de la
moralité générée par le progrès technique, et cela en nous disposant à poursuivre des fins dans
le respect de la nature et de l’Homme.
2. Le retour de la pertinence économique de l’agriculture biologique
L’agriculture contemporaine combine aujourd’hui plusieurs effets contre-productifs et
cumulatifs. Selon Jean-Pierre Dupuy, il faut distinguer les modes autonomes (comme
l’agriculture biologique) ou hétéronomes (agriculture conventionnelle) de production de par la
logique du détour empruntée par les modes hétéronomes de production. Le détour de
production opéré par l’homme pour mieux atteindre les objectifs et les fins qu’il s’assigne
revêt une double dimension technique et économique. Nous nous intéresserons ici qu’à
l’aspect économique visant à réhabiliter le bio.
L’agriculture contemporaine combine de nombreux bouclages de production qui peuvent
apparaître comme un énorme gaspillage. Ces cycles de production, comme par exemple les
excédents laitiers qui reviennent sur l’exploitation après un détour de production, se
pérennisent grâce à un système de subventions et de prix administrés qui font que chaque
acteur économique de la chaîne n’a pas intérêt à voir ces cycles se stopper, même si certains
détours de production ne sont plus économiquement viables et apparaissent ridicules.
Nous avons aujourd’hui passé un certain seuil de contre productivité de l’agriculture
conventionnelle, et il convient de développer l’agriculture biologique
afin d’éviter tous cesdétours de production « inutiles » qui entretiennent un système imbriqué qui n’a pas lieu
d’être.
L’agriculture biologique retrouve une réelle pertinence économique dans cecontexte
, même si cela se fait au détriment de certains acteurs économiques de la chaîne.III. Quels moyens pour généraliser l’agriculture biologique ?
Selon le propos tenu par Théodore Monod « L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais
l’irréalisé ». Le bio pour tous est-il irréalisable ou irréalisé ?
1. Une possible universalisation de l’agriculture biologique ?
Dans la charte éthique de l’agriculture biologique, préambule aux statuts de la
coordination nationale interprofessionnelle biologique de 1992, on peut lire que «l’éthique de
l’Agriculture Biologique se situe autour de trois objectifs principaux, cherchant à définir les
normes d’une agriculture productive, durable, respectueuse de la biosphère,
donc uneagriculture pour les hommes de demain, généralisable à l’ensemble de notre planète
».70
Les producteurs biologiques espèreraient donc à long terme voir l’agriculture biologique se
généraliser.
Mais peut-on réellement prétendre à une universalisation de l’agriculture biologique ? Est-ce
éthiquement envisageable, et est-ce réalisable en pratique ?
Les arguments éthiques en faveur d’une généralisation de l’agriculture biologique
Il serait souhaitable de s’accorder universellement sur des valeurs éthiques en
faveur de l’agriculture biologique si l’on souhaite la généraliser.
Nous l’avons vu enintroduction, les producteurs biologiques penchent largement en faveur de cette hypothèse.
Mais est-ce le cas d’autres acteurs ayant des intérêts moins directs au développement de la
filière ? Peut-on actuellement observer une volonté mondiale dans ce sens ?
·
Le projet d’ « éthique universelle » de l’UNESCOL’un des projets les plus intéressants en ce sens provient de l’Unesco, qui affirme
qu’«il existe dans la diversité des cultures une unité sous-jacente » et s’interroge sur la
possibilité d’articuler cette unité dans le cadre d’une «
éthique universelle ».Pour l’UNESCO, un consensus sur les valeurs fondamentales est aujourd’hui une nécessité.
Nul besoin pour cela que toutes les sociétés suivent la même voie de développement.
Cependant, puisque notre avenir sera de plus en plus marqué par une interdépendance
croissante des peuples du monde, force est de chercher à identifier certains principes partagés
par tous.
Un système éthique universel devrait reposer sur les principes suivants :
- droits et
responsabilités de l'être humain- protection des minorités
-
équité entre générations (égales opportunités pour les générations futures)- résolutions des conflits par des moyens pacifiques et des négociations équitables
- démocratie et société civile (citoyens par opposition aux gouvernements)
L’universalisation de l’agriculture biologique s’inscrit parfaitement dans ces fondements
d’une éthique universelle proposée par l’UNESCO.
En effet, il apparait clairement que la généralisation de l’agriculture biologique contribuerait à
une gestion durable de notre environnement, et s’intégrerait donc dans la thématique de
l’équité entre générations.
·
Une consommation bio croissante au NordParallèlement, la prise de conscience de l’importance du bio est croissante dans de nombreux
pays.
Ainsi, de 1993 à 2003, le nombre d’exploitations bio dans l’Union européenne est passé de
29000 à 140000.
En France, les consommateurs de bio sont de plus en plus nombreux, près d’un français sur
deux ayant déclaré consommer des produits biologiques en 2005 (de 37% en 2003 à 47% en
2005). Les ventes de produits alimentaires biologiques (1,6 milliards d’euros en 2005) ont par
ailleurs augmenté d’une moyenne de +9,5% de 1999 à 2005 (voir I).
D’autre part, on peut constater que de nombreuses populations utilisent déjà des formes
d’agriculture « biologique » (ici, on entend par bio une agriculture sans produits chimiques de
71
synthèse mais en aucun cas bio dans le sens où l’entend le label européen !), notamment dans
les pays du « Sud ».
·
Une agriculture « bio » déjà développée au SudDans le système de pensée occidental actuel, nous entretenons avec notre environnement
des rapports pour l’essentiel d’ordre économique, technique et matériel. Ailleurs, comme par
exemple dans les sociétés animistes ou dans celles de religion bouddhique, les rapports
traditionnels à l’environnement sont très différents.
Dans la tradition chinoise par exemple, la nature est perçue, comme le note Grenelle (1993),
comme un processus continu, favorable à l’homme. Si des catastrophes surviennent, c’est
parce que la société ne fonctionne pas en harmonie avec le cosmos.
Comme l’explique Georges Rossi dans « l’ingérence écologique », on retrouve cette idée
d’harmonie, d’unité et d’interdépendance dans toutes les philosophies asiatiques pour
lesquelles la coévolution du couple société/environnement biophysique est une évidence. Le
rôle de l’homme consiste à vivre en accord avec les forces de la nature.
L’un des fondements du bouddhisme est la croyance qu’il existe une relation de parenté entre
les êtres ; prendre soin de ce qui vous entoure, c’est prendre son de soi.
De même, dans la plupart des civilisations animistes, la nature n’est pas un simple support de
production mais un territoire religieusement et symboliquement approprié. La position de
l’homme dans la nature est celle d’un élément parmi d’autres, beaucoup plus faible que bien
des êtres qui l’entourent. Ne pouvant dominer les forces naturelles, l’homme va essayer de s’y
insérer et de les épouser.
L’homme n’est donc pas considéré comme opposé à la nature, il en fait partie intégrante. En
conséquence, ces ensembles de croyances se traduisent par des modes de gestion de la nature
très différents de ceux de l’Occident, plutôt en faveur de la préservation de l’environnement,
et donc de l’agriculture biologique.
Nous nous limitons ici à quelques exemples, mais les cas similaires sont extrêmement
nombreux.
L’acception éthique d’une agriculture « biologique » est donc déjà en « bonne voie »
dans plusieurs zones du monde.
Du point de vue éthique, différents éléments penchent donc actuellement en faveur
d’un développement accru de l’agriculture biologique. Par ailleurs, si l’idée de généraliser le
bio était acceptée de manière universelle par tous, cela permettrait-il de nourrir la planète ?
En effet, le fait que la généralisation du bio permette de nourrir la totalité de la planète est une
condition nécessaire à la validation des arguments cités précédemment, à moins d’accepter de
sacrifier une partie de la population mondiale au profit de l’environnement !
·
La question des rendementsLes avis là-dessus sont évidemment extrêmement partagés, mais nous allons tout de même
présenter ici quelques résultats intéressants qui semblent pencher en faveur du bio.
Tout d’abord, une étude récente menée par des scientifiques de l’Institut de recherche
pour l’agriculture biologique en Suisse a montré que les fermes biologiques avaient un
rendement inférieur de seulement 20% aux fermes conventionnelles sur une période de 21
ans. En passant en revue plus de 200 études menées aux Etats-Unis et en Europe, Per Pinstrup
72
Andersen (professeur à Cornwell et gagnant du World Food Prize) et ses collègues sont
arrivés à la conclusion que le rendement de l’agriculture biologique arrive environ à 80% du
rendement de l’agriculture conventionnelle.
Beaucoup d’études montrent une différence encore moins marquée. Analysant les
informations de 154 saisons de croissance sur diverses cultures, arrosées par la pluie ou
irriguées, Bill Liebhardt, scientifique agricole de l’Université de Californie à Davis, a
découvert que la production de maïs biologique atteignait 94% de celle de la production
conventionnelle, celle de blé biologique 97% et celle de soja biologique 94%. La production
de tomate biologique quant à elle égalait la production conventionnelle.
Plus important encore, dans les pays les plus pauvres où se concentrent les problèmes de
famine, la différence de rendement disparaît complètement. Les chercheurs de l’Université
d’Essex Jules Pretty et Rachel Hine ont étudié plus de 200 projets agricoles dans les pays en
voie de développement et ont découvert que pour l’ensemble de ces projets - ce qui inclut 9
millions de fermes sur près de 30 millions d’hectares - le rendement augmentait en moyenne
de 93%. Une étude sur sept ans portant sur 1000 fermiers cultivant 3 200 hectares dans le
district de Maikaal, dans le centre de l’Inde, établit que la production moyenne de coton, de
blé et de piment était jusqu’à 20% plus élevée dans les fermes biologiques que dans les
fermes conventionnelles de la région. Les agriculteurs et les scientifiques agricoles attribuent
les rendements plus hauts dans cette région sèche aux cultures de couverture, au compost, au
fumier et à d’autres pratiques qui augmentent la matière organique (qui aide à retenir l’eau)
dans les sols. Une étude menée au Kenya a démontré que si la production de maïs biologique
était moins élevée que la production conventionnelle dans les « zones à fort potentiel » (avec
des précipitations au-dessus de la moyenne et une meilleure qualité de sol), dans les régions
plus pauvres en ressources, en revanche, la production des agriculteurs biologiques dépassait
systématiquement celle des agriculteurs conventionnels. (Dans les deux régions, les
agriculteurs biologiques obtiennent des bénéfices nets, un revenu du capital et une
rémunération du travail plus élevés).
·
Il est possible de généraliser l’agriculture biologique à l’échelle de la FrancePour Jean- Marc Jancovici (2001), dès lors que nous accepterions de manger moins de
viande, il deviendrait envisageable de tout manger bio, une perte de rendement de 50% de
l'agriculture dans son ensemble étant alors parfaitement acceptable (dans la Beauce, par
exemple, le rendement du blé en bio est un peu supérieur à 40 quintaux/hectare quand le
rendement en agriculture "normale" est de l'ordre de 80 quintaux/hectare). Nous nourrir ne
coûterait pas nécessairement plus cher, mais pour le même prix - et surtout pour la même
surface cultivable - nous aurions une alimentation moins riche en viande, notamment en boeuf,
d'environ un tiers.
Malgré les arguments penchant en faveur d’une généralisation du bio que nous venons
de développer, certaines difficultés persistent. Elles peuvent expliquer en partie le
développement encore insuffisant de l’agriculture biologique à l’heure actuelle.
Quelques difficultés éthiques à surmonter
·
La remise en cause d’une forme d’excellence ?D’une certaine manière, la reconversion d’exploitations très engagées dans le
conventionnel en agriculture biologique pourrait être perçue, d’un point de vue sociologique,
comme la remise en cause d’une forme d’excellence, et des performances du « modèle »
73
conventionnel. La non-utilisation de produits chimiques de synthèse pourrait être vue comme
un retour en arrière, et comme une forme de négation de la puissance de l’homme, auquel les
outils issus du progrès technique avaient permis de se rendre « maître et possesseur de la
nature ».
·
Peut-on imposer la consommation de biens « de luxe » ?Si l’agriculture biologique produit des biens que l’on pourrait qualifier de « biens de luxe »,
on peut se demander s’il est légitime de poser ce type de production en modèle. Il ne fait en
effet aucun doute que les préoccupations environnementales mises en avant par le bio sont
louables, mais il serait regrettable que la promotion de ces aménités environnementales se
fasse au détriment de l’équité.
·
Et pour les pays ne connaissant pas la sécurité alimentaire ?Une autre question émerge de l’idée de généraliser le bio : peut-on poser l’environnement
comme valeur prioritaire pour des pays soumis à des problèmes de sécurité alimentaire ? Dans
les cas où une agriculture conventionnelle utilisant de nombreux pesticides est en place,
comment exiger un raisonnement à long terme, au profit de l’environnement, si la conversion
à une agriculture plus durable passe, même transitoirement, par une baisse des rendements ?
2. L’agriculture biologique : un instrument temporaire ?
Après avoir essayé d’universaliser l’éthique de l’agriculture biologique, il convient à
présent de s’intéresser aux objectifs finaux de l’agriculture biologique. En effet, si les valeurs
de l’agriculture biologique ne sont pas les mêmes pour tout le monde, peut-être devrions-nous
nous pencher sur ce que l’on attend de l’agriculture biologique (la fin) afin de mieux
comprendre les choix à effectuer pour sa réalisation, ou bien même sa généralisation.
Pourquoi l’agriculture biologique ?
Nous avons bien explicité dans la première partie l’existence de multiples divergences
de motivation quant à la production ou la consommation d’un produit bio. Malgré cela, on
peut tirer de grandes tendances qui rassemblent tous les défenseurs du bio
Ainsi l’agriculture biologique serait destinée à protéger l’environnement (environ 80
% des consommateurs) et à offrir une alimentation plus « saine et ayant meilleure goût » aux
consommateurs (+ de 90% des consommateurs). Le respect de l’environnement ne semble pas
être la priorité des consommateurs et producteurs du bio, et cela se confirme par les grandes
difficultés de vente des produits biologiques non alimentaires, cependant il est bien plus facile
à justifier et à mettre en avant scientifiquement face aux détracteurs du bio.
Le fait que ces personnes annoncent la santé et le goût comme plus essentiels dans
leurs motivations par apport au bio, n’exclu pas le fait qu’elles puissent adhérer aux
motivations que d’autres mettront en avant.
Dans les deux cas, on peut noter que l’agriculture biologique détient sa légitimité dans
la défense des intérêts des consommateurs, en général, avec l’idée sous jacente de
développement durable. Ainsi, pourrait-on considérer que l’agriculture biologique a été créée
par une minorité, pour une minorité ? Dans le cas d’une réponse négative, on pourrait
considérer qu’une généralisation de l’agriculture biologique est souhaitée par ses acteurs.
L’idée centrale passe par la sensibilisation du plus grand nombre pour une consommation
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« responsable », c'est-à-dire en parfaite connaissance de ce qui affectera notre corps et notre
environnement lors de la consommation d’un quelconque produit.
Dès lors, pour tendre vers cet objectif central, plusieurs méthodes sont à la disposition des
acteurs du bio. Nous en développerons deux qui sont débattues aujourd’hui.
Différentes méthodes pour la réalisation de l’agriculture biologique
Si l’idée centrale est la création d’un progrès non négligeable dans la préservation de notre
personne et de notre environnement, il faudra généraliser à toutes les productions agricoles
pour que cela soit possible. Partant du constat qu’aujourd’hui seule une minorité
d’agriculteurs produisent bio, deux méthodes sont possibles :
- la conversion des autres fermes en agriculture biologique ;
- la suppression de ces fermes et le remplacement par de nouvelles fermes en
agriculture biologique.
La majorité des points de vue s’orienteront vers la première méthode, plus plausible
d’un point de vue social car ne sacrifiant pas toute une génération qui aurait été victime d’un
passé dont ils ne sont pas pleinement responsables. Et pourtant, le bio ne cherche pas a se
mélanger avec l’agriculture « conventionnelle » et bien souvent préfère lui tourner le dos,
peut-être dans un souci de préservation de son éthique. La conversion nécessitera une main
tendue des agrobiologistes vers les autres agriculteurs. Nous prenons l’exemple au niveau du
producteur mais il en est de même pour les commerçants bios et les consommateurs.
Dans ce débat, on en revient souvent à la question du choix des circuits de distribution.
Cette question est délicate car elle touche directement à celle du développement. Dans le
milieu de l’agriculture conventionnelle certains sont convaincus que pour assurer le
développement économique de l’agriculture biologique, il est absolument nécessaire de sortir
de la « vision arriéré du commerce de proximité ». Ainsi, selon une étude menée par l’INRA
en 1998, 87 % des consommateurs et acheteurs réguliers disent qu’ils consommeraient
davantage de produits biologiques s’ils étaient plus facilement disponibles dans leurs
magasins habituels. Jusqu’en 1985, la grande distribution ne s’intéressant pas aux produits
biologiques, les agrobiologistes n’avaient pas été particulièrement confrontés à la question des
différents circuits de commercialisation. Ils vendaient en direct sur les marchés, par
l’intermédiaire du service de vente des blés Lemaire ou bien, souvent ne valorisaient pas leur
production dans le circuit biologique. Lors de l’assemblée générale de Nature et Progrès en
1985, la présentation par Max Crouau d’une convention entre Nature et Progrès et la grande
distribution a en revanche mis en évidence les divergences de positions au sein du mouvement
agriculture biologique sur cette question. Le mouvement tiraillé entre le désir de développer
l’agriculture biologique, la rendant accessible à un plus grand nombre de consommateurs et la
peur de perdre la maîtrise sur le développement, s’est trouvé dans l’impossibilité d’arbitrer.
Aujourd’hui, le mouvement biologique, sans bien savoir comment, souhaiterait se
développer tout en préservant le principe de proximité, conforme à sa philosophie. Le
développement de l’agriculture biologique ne se fera, selon eux, qu’à la condition d’un
renouvellement de la population des agriculteurs biologiques par l’arrivée de nouveaux
agriculteurs ayant un autre « mode de raisonnement par rapport à la distribution et une autre
approche de consommation ».
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Un instrument temporaire complémentaire
En réalité, pour bien comprendre cette préoccupation sur les moyens de distribution
des produits biologiques, il faut se concentrer à nouveau sur les objectifs auxquels on se
rattache. Le bio à long terme, comment peut-on l’imaginer ?
Une partie des scientifiques, qui sont bien souvent les militants, pensent que dans cent
ans, toute l’agriculture sera biologique car c’est la seule durable. L’actuelle stagnation de la
demande a peut être montré les limites à la généralisation de ce mouvement, et dans ce cas il
convient d’imaginer un nouveau rôle à l’agriculture biologique au-delà de sa généralisation,
afin qu’elle arrive à ses fins : une agriculture propre et durable. C’est pourquoi nous avons
introduit la notion d’instrument temporaire complémentaire.
Comme nous l’avons vu précédemment, le bio nécessite du progrès technique. Ne
cessons-nous pas depuis des siècles de progresser dans les techniques et dans la morale ? Les
scientifiques s’accordent au moins sur un point, on ne pourra pas nourrir la planète avec un
régime occidental dans le cas d’une agriculture biologique telle quelle est décrite par le cahier
des charges aujourd’hui car elle n’est pas assez productive et nécessite trop de main d’oeuvre,
mais ils s’accordent aussi sur le fait que la planète ne pourrait supporter une consommation
« à l’occidentale » pour tous ses habitants. La morale influe sur la technique et inversement.
La prise de conscience progressive des enjeux environnementaux pour les générations futures
n’a-t-elle pas abouti à la création de techniques, on ne peut plus écologique et moralement
acceptable ? Les panneaux solaires sont de plus en plus propre et efficace, les voitures de
moins en moins polluantes… Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’agriculture ?
L’agriculture biologique pourrait être un instrument temporaire qui a eu le succès de faire
réfléchir le monde sur ce qui ne va pas dans le monde agricole conventionnel. Ainsi le
consommateur changerait ses exigences et donc orienterait la production vers un mode de
production de plus en plus raisonné. Le distributeur utilisera cet argument pour vendre. Les
décideurs orienteront leurs politiques en faveur d’une agriculture suivant le modèle de
l’agriculture biologique. Les chercheurs s’acharneront à trouver de nouvelles techniques
perfectionnées dans la production écologique
. L’idée de cet argumentaire est que lagénéralisation de l’agriculture type « agriculture biologique » ne se fera que dans le cas d’une
conversion socialement raisonnée et réfléchie.
Un grand nombre de personnes n’achète pas biologique car les produits sont trop
chers, or nous savons que la généralisation d’un produit fait baisser ses prix. Etant donné les
difficultés de généralisation du bio, pourquoi ne pas partir d’un produit déjà généralisé
(conventionnel) et de changer progressivement sa fabrication pour qu’il devienne plus bio ?
Les prix en seront moins affectés et l’environnement social peut être bouleversé sans
révolution, ni discrimination.
Bien entendu cela ne se fait pas seul, c’est pourquoi nous avons qualifié l’agri bio
d’instrument complémentaire, il aurait le rôle d’une bulle qui ne peut pas forcement grandir
plus mais qui influencerait son entourage (notamment les pouvoirs publics) et rappellerait à
l’ordre en réveillant la conscience du consommateur, seul maître sur la production.
L’agriculture biologique serait ensuite relayée par une agriculture « conventionnelle,
généralisée et durable »
76
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